Air Liquide Industries Belgium SA v Ville de Seraing (C-393/04) and Province de Liège (C-41/05).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:216
Docket NumberC-41/05,C-393/04
Celex Number62004CC0393
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date30 March 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTONIO Tizzano

présentées le 30 mars 2006 (1)

Affaires jointes C-393/04 et C-41/05

Air Liquide Industries Belgium SA

contre

Ville de Seraing

et

Air Liquide Industries Belgium SA

contre

Province de Liège

[demandes de décisions préjudicielles formées par la cour d’appel de Liège et par le tribunal de première instance de Liège (Belgique)]

«Aide d’État – Notion – Taxe sur la force motrice – Exonération au bénéfice des moteurs utilisés dans la distribution du gaz naturel – Incompatibilité éventuelle – Pouvoirs des juridictions nationales – Applicabilité des articles 25 CE et 90 CE»





I – Introduction

1. Par deux décisions distinctes, la cour d’appel de Liège (ci-après la «cour d’appel») et le tribunal de première instance de Liège (ci-après le «tribunal de première instance») ont soumis à la Cour, en vertu de l’article 234 CE, une série de questions préjudicielles sur la compatibilité avec les articles 25 CE, 87 CE et 90 CE d’une mesure d’exonération de taxes locales sur la force motrice, octroyée pour les seuls moteurs utilisés dans les stations de pression de gaz naturel, ainsi que sur les conséquences attachées à une éventuelle déclaration d’incompatibilité de cette mesure.

II – Cadre juridique

Le droit communautaire

2. Aux fins de la présente affaire, il convient, tout d’abord, de renvoyer à l’article 87, paragraphe 1, CE qui, comme on sait, sauf dérogations prévues par le traité CE, déclare incompatibles avec le marché commun les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence et affectent les échanges entre États membres.

3. Il convient en outre de mentionner l’article 88, paragraphe 3, CE qui, pour autant qu’il intéresse présentement, dispose que:

«La Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides».

4. Importe en outre aux présentes fins l’article 25 CE, en vertu duquel:

«Les droits de douane à l’importation et à l’exportation ou taxes d’effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s’applique également aux droits de douane à caractère fiscal.»

5. Il y a lieu, enfin, de mentionner l’article 90 CE, qui dispose comme suit:

«Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.

En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d’impositions intérieures de nature à protéger indirectement d’autres productions.»

Le droit national

Dans l’affaire C‑393/04

6. Le 13 décembre 1999, le conseil communal de la ville de Seraing a adopté un règlement instaurant une taxe sur la force motrice (ci-après le «règlement communal»). Ce règlement établit, à charge des exploitations industrielles, commerciales, financières ou agricoles qui sont établies sur le territoire de la commune, une taxe annuelle sur les moteurs utilisés pour l’exploitation d’un établissement ou de ses annexes, quel que soit le fluide ou la source d’énergie qui les actionne. Le montant de la taxe est proportionnel à la puissance du moteur utilisé.

7. L’article 3 du règlement communal prévoit toutefois un certain nombre de situations qui sont exonérées de l’imposition susvisée. En particulier, et pour autant qu’il intéresse, l’article 3, neuvième alinéa, exonère de la taxe sur la force motrice «les moteurs utilisés dans les stations de pression de gaz naturel, pour actionner les compresseurs créant le régime de pression dans les conduites d’alimentation».

Dans l’affaire C‑41/05

8. Les 30 octobre 1998 et 29 octobre 1999, le conseil provincial de Liège a adopté un règlement (ci-après le «règlement provincial») instaurant une taxe sur la force motrice.

9. Ce règlement a un champ d’application identique à celui du règlement précité, adopté par la commune de Seraing, et, comme ce dernier, il exonère de la taxe sur la force motrice les moteurs utilisés dans les stations de compression de gaz naturel.

III – Faits et procédure

Introduction

10. Air Liquide est un groupe industriel spécialisé dans la production et le transport de gaz industriels et médicaux. La société Air Liquide Industries Belgium SA (ci-après «Air Liquide») fait partie de ce groupe.

11. Air Liquide assure le transport de gaz industriel au moyen de conduites sous très haute pression, au départ de ses différents sites de production établis en Belgique, à destination de ses clients établis en Belgique, en France et aux Pays-Bas.

12. Dans le cadre de cette activité, Air Liquide exploite une unité de production de gaz industriel sur le territoire de la commune de Seraing, située dans la province de Liège. Cette unité inclut une station de mise sous pression de ce gaz, nécessaire pour propulser les gaz dans les conduites appropriées et en permettre le transport.

Dans l’affaire C‑393/04

13. Le 28 juin 2000, Air Liquide a reçu un avis d’imposition de la commune de Seraing, l’invitant à s’acquitter d’une somme de 41 275 757 francs belges (soit 1 023 199,20 euros) au titre de la taxe sur la force motrice pour l’année 1999.

14. Par lettre du 22 septembre 2000, Air Liquide a introduit une réclamation à l’encontre de cette imposition auprès du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Seraing. Cette réclamation a cependant été rejetée par décision du 15 mars 2001.

15. La requérante a alors saisi le tribunal de première instance de Liège, en demandant au tribunal d’annuler cette dernière décision et en invoquant, notamment, la nature discriminatoire de la taxe en question, motif pris de ce qu’elle frappe les sociétés produisant et transportant du gaz industriel, alors qu’elle exonère celles qui transportent du gaz naturel.

16. Le juge saisi a, par jugement du 28 novembre 2002, déclaré le recours recevable mais non fondé. Air Liquide s’est alors tournée vers la cour d’appel, laquelle a, par arrêt du 15 septembre 2004, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice la question préjudicielle suivante:

«L’exonération d’une taxe communale sur la force motrice, profitant aux seuls moteurs utilisés dans les stations de gaz naturel, à l’exclusion des moteurs utilisés pour d’autres gaz industriels, doit-elle être considérée comme une aide d’État au sens de l’article 87 [CE] de la version consolidée du Traité instituant la Communauté européenne?»

Dans l’affaire C‑41/05

17. En date des 20 avril 2000 et 9 mai 2001, le Conseil provincial de Liège a notifié à Air Liquide deux avis de recouvrement, au titre de la taxe sur la force motrice pour les exercices 1999 (activité 1998) et 2000 (activité 1999), s’élevant respectivement à 4 744 980 francs belges (soit 117 624,98 euros) et 2 403 360 francs belges (soit 59 577,74 euros).

18. La réclamation présentée contre cet avis d’imposition ayant été rejetée par les autorités de la province de Liège, Air Liquide a saisi le tribunal de première instance de Liège en demandant l’annulation de la décision de rejet, tout en concluant au remboursement des taxes payées antérieurement, pour un montant total de 30 788 100 francs belges (soit 763 217,06 euros).

19. La requérante ayant invoqué, notamment, le caractère illégal de la taxe sur la force motrice au regard des articles 25 CE, 87 CE et 90 CE, le juge de première instance a, par jugement du 24 janvier 2005, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) L’exonération d’une taxe provinciale sur la force motrice, profitant aux seuls moteurs utilisés dans les stations de gaz naturel, à l’exclusion des moteurs utilisés pour d’autres gaz industriels, doit-elle être considérée comme une aide d’État au sens de l’article 87 [CE] de la version consolidée du traité instituant la Communauté européenne?

2) En cas de réponse positive à la question qui précède, le juge national, saisi d’un recours porté devant lui par un contribuable qui n’a pas bénéficié de l’exonération de la taxe provinciale sur la force motrice, doit-il condamner l’autorité publique qui a perçu cette taxe à la restituer à ce contribuable s’il constate que, en droit ou en fait, il n’est pas possible, pour l’autorité publique qui a perçu cette taxe, de la réclamer au contribuable qui a bénéficié de l’exonération de la taxe sur la force motrice?

3) Une taxe sur la force motrice, frappant les moteurs utilisés pour le transport de gaz industriel réalisée par des conduites sous très haute pression nécessitant la mise en œuvre de stations de compression, doit-elle être considérée comme une taxe d’effet équivalent, prohibée par les articles 25 et suivants de la version consolidée du Traité, dès lors qu’il apparaît que, de facto, elle est perçue par une province ou une commune à l’occasion du transport de gaz industriel en dehors des limites territoriales de celles-ci alors que le transport de gaz naturel dans les mêmes conditions est exonéré d’une telle taxe?

4) Une taxe sur la force motrice, frappant les moteurs utilisés pour le transport de gaz industriel réalisé par des conduites sous très haute pression nécessitant la mise en œuvre de stations de compression, doit-elle être considérée comme une mesure d’imposition intérieure, prohibée par les articles 90 et suivants du Traité, dès lors qu’il apparaît qu’est exonéré de cette taxe le transport de gaz naturel?

5) Dans l’hypothèse où les questions qui précèdent appelleraient une réponse positive, le contribuable ayant payé la taxe sur la force motrice est-il fondé à solliciter le remboursement de celle-ci depuis le 16 juillet 1992, date du prononcé de l’arrêt Legros e.a. [(2)]

Procédure devant la Cour

20. Par ordonnance du président de la deuxième chambre de la Cour, du 21 juillet 2005, les affaires C‑393/04 et C‑41/05 ont été...

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