José Perez Naranjo v Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) Nord-Picardie.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:475
Date13 July 2006
Celex Number62005CC0265
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-265/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. Geelhoed

présentées le 13 juillet 2006 (1)

Affaire C-265/05

José Perez Naranjo

contre

Caisse régionale d’assurance maladie Nord-Picardie

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (France)]

«Interprétation des articles 4, paragraphe 2 bis, 10 bis, 19, paragraphe 1, et 95 ter du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté – Législation nationale subordonnant l’octroi de l’allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité à la condition de résidence – Notion de prestation spéciale à caractère non contributif – Allocation inscrite à l’annexe II bis du règlement (CEE) nº 1408/71»





I – Introduction

1. Dans cette affaire, il est demandé à la Cour de se prononcer sur l’interprétation des articles 4, paragraphe 2 bis, et 10 bis, lus conjointement avec l’annexe II bis du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (2) (ci-après le «règlement n° 1408/71»). La Cour de cassation (France) voudrait plus particulièrement savoir si l’allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité, inscrite à l’annexe II bis du règlement n° 1408/71 présente un caractère spécial et un caractère non contributif au sens de l’article 4, paragraphe 2 bis, de ce règlement.

II – Les dispositions applicables

A – La législation communautaire

2. L’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 prévoit, pour ce qui nous intéresse:

«Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

[…]

c) les prestations de vieillesse;

[…]»

3. L’article 4, paragraphe 2 bis, inséré par le règlement (CEE) n° 1247/92 (3) est libellé comme suit:

«Le présent règlement s’applique aux prestations spéciales à caractère non contributif relevant d’une législation ou d’un régime autres que ceux qui sont visés au paragraphe 1 ou qui sont exclus au titre du paragraphe 4, lorsque ces prestations sont destinées:

a) soit à couvrir, à titre supplétif, complémentaire ou accessoire, les éventualités correspondant aux branches visées au paragraphe 1 points a) à h);

b) soit uniquement à assurer la protection spécifique des handicapés.»

4. L’article 4, paragraphe 4, prévoit, pour ce qui nous intéresse:

«Le présent règlement ne s’applique [pas] à l’assistance sociale et médicale […].»

5. L’article 10, paragraphe 1, qui prévoit la levée des clauses de résidence, est libellé comme suit:

«À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les prestations en espèces d’invalidité, de vieillesse ou des survivants, les rentes d’accident du travail ou de maladie professionnelle et les allocations de décès acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice.»

6. L’article 10 bis du règlement n° 1408/71 (4) prévoit:

«Prestations spéciales à caractère non contributif

1. Nonobstant les dispositions de l’article 10 et du titre III, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable bénéficient des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 4 paragraphe 2 bis exclusivement sur le territoire de l’État membre dans lequel elles résident et au titre de la législation de cet État, pour autant que ces prestations soient mentionnées à l’annexe II bis. Les prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge.»

7. L’annexe II bis, jointe au règlement à l’occasion de l’insertion des articles 4, paragraphe 2 bis, et 10 bis, a pour titre: «Prestations spéciales à caractère non contributif (article 10 bis du règlement)». Dans cette annexe, le point «E. France» mentionne, sous a):

«Allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité (loi du 30 juin 1956)».

B – Le régime législatif national

8. La République française a mis en place, en 1956, un Fonds national de solidarité (ci-après le «FNS»), dans le but de développer une politique globale visant à offrir aux personnes âgées une meilleure protection, et ce notamment par l’amélioration des pensions, rentes et allocations de vieillesse. Le FNS est devenu, le 1er janvier 1994, le Fonds de solidarité vieillesse (ci-après le «FSV»). Ce fonds octroie des allocations supplémentaires aux bénéficiaires d’allocations de vieillesse et d’invalidité dont les revenus sont insuffisants.

9. Les conditions pour bénéficier de ces allocations sont prévues aux articles L 815-1 à L 815-11 du code de la sécurité sociale (ci-après le «CSS»). Conformément à ces dispositions, cette allocation supplémentaire est octroyée à l’intéressé, que celui-ci ait été antérieurement salarié ou indépendant. Il s’agit d’une allocation complétant les ressources de toute nature, y compris les allocations à caractère contributif, jusqu’à un niveau jugé indispensable, compte tenu du coût de la vie en France. L’article L 815-11 prévoit par ailleurs que les personnes qui transportent leur résidence en dehors du territoire français perdent leur droit à l’allocation supplémentaire en cause (5).

III – Les faits et la procédure

10. Le requérant dans le litige au principal, M. José Perez Naranjo, né le 27 septembre 1931, est un ressortissant espagnol qui réside actuellement en Espagne. Il a travaillé en France de 1957 à 1964. Il bénéficie d’une pension de vieillesse de régime français depuis le 1er novembre 1991.

11. Le requérant a demandé le versement de l’allocation supplémentaire du FNS, qui lui a été refusé par décision du 5 août 1999. Le requérant a introduit un recours contre cette décision de refus et la cour d’appel a rejeté ce recours de M. Perez Naranjo, au motif que l’allocation supplémentaire litigieuse constituait une prestation spéciale à caractère non contributif, au sens de l’article 10 bis du règlement n° 1408/71, qui, conformément à cet article, ne pouvait être octroyée à une personne séjournant habituellement dans un État membre autre que la République française.

12. Le requérant s’est dès lors pourvu devant la Cour de cassation, qui a sursis à statuer sur l’affaire et a posé la question préjudicielle suivante à la Cour:

«Le droit communautaire doit-il être interprété en ce sens que l’allocation supplémentaire litigieuse, inscrite à l’annexe II bis du règlement n° 1408/71, présente un caractère spécial et un caractère non contributif excluant, par application des articles 10 bis et 95 ter du règlement n° 1408/71, son attribution au demandeur non résident qui n’en remplissait pas la condition d’âge à la date du 1er juin 1992, ou bien, en ce sens que, s’analysant en une prestation de sécurité sociale, cette allocation doit, par application de l’article 19, paragraphe 1, du même règlement, être servie à la personne concernée en remplissant les conditions d’attribution, quel que soit l’État membre dans lequel il réside?»

13. Des observations écrites ont été déposées par le requérant et les gouvernements français, espagnol, italien, finlandais et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission des Communautés européennes. Les gouvernements français, espagnol et du Royaume-Uni et la Commission ont fait valoir oralement leur position à l’audience du 20 juin 2006.

IV – Observations des intéressés

14. Le requérant dans le litige au principal fait valoir que l’allocation supplémentaire française n’est pas une prestation spéciale à caractère non contributif visée par l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement nº 1408/71, mais une prestation de sécurité sociale, et ce parce qu’elle est accordée aux bénéficiaires d’une prestation de vieillesse en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels. De plus, l’allocation supplémentaire est, selon le requérant, soutenu en cela par le gouvernement espagnol, financée indirectement par des cotisations sociales. L’allocation est versée par le FSV, lui-même financé principalement par la contribution sociale généralisée (ci-après la «CSG»). L’allocation supplémentaire doit donc être versée quel que soit le lieu de résidence du bénéficiaire.

15. Le gouvernement français estime que la prestation en cause doit être considérée comme une prestation spéciale à caractère contributif, au sens des articles 4, paragraphe 2 bis, et 10 bis du règlement n° 1408/71.

16. Pour ledit gouvernement français, l’allocation supplémentaire est une prestation spéciale, parce qu’elle présente les caractéristiques aussi bien d’une prestation de sécurité sociale que d’une prestation d’assistance sociale.

17. La prestation s’apparente tout d’abord à la sécurité sociale. Elle n’est octroyée qu’aux bénéficiaires de prestations de vieillesse qui ont atteint l’âge de 65 ans, ou de 60 ans en cas d’inaptitude au travail. Elle correspond à la prestation de vieillesse visée à l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1408/71, puisqu’elle est accordée en complément de la pension. Par ailleurs, elle est octroyée, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, aux bénéficiaires d’une ou de plusieurs prestations de vieillesse sur une base...

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