Merci convenzionali porto di Genova SpA v Siderurgica Gabrielli SpA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1991:347
Date19 September 1991
Celex Number61990CC0179
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-179/90
EUR-Lex - 61990C0179 - FR 61990C0179

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 19 septembre 1991. - Merci convenzionali porto di Genova SpA contre Siderurgica Gabrielli SpA. - Demande de décision préjudicielle: Tribunale di Genova - Italie. - Entreprises portuaires - Monopole légal - Règles de concurrence - Non-discrimination en raison de la nationalité - Libre circulation des marchandises. - Affaire C-179/90.

Recueil de jurisprudence 1991 page I-05889
édition spéciale suédoise page I-00507
édition spéciale finnoise page I-00537


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . La présente affaire concerne une demande de décision préjudicielle introduite par le Tribunale di Genova ( Italie ), conformément à l' article 177 du traité CEE, afin que la Cour se prononce sur l' interprétation des articles 7, 30, 85, 86 et 90 du traité CEE . Les questions déférées à la Cour ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant Merci convenzionali porto di Genova SpA ( ci-après "Merci ") à Siderurgica Gabrielli SpA ( ci-après "Siderurgica "), ayant pour objet l' indemnisation du dommage subi par suite du retard de livraison d' un lot d' acier, ainsi que la répétition de montants, censés inéquitables, payés pour des prestations de services dans le port de Gênes . Dans ce litige, la juridiction de renvoi se trouve confrontée essentiellement à la question de savoir si la réglementation des opérations portuaires dans les ports italiens, prévue par la législation italienne, est compatible avec le traité CEE et si les dispositions pertinentes du traité produisent un effet direct .

Le contexte en droit et en fait

2 . L' article 110 du "Codice della navigazione" ( code italien de la navigation, ci-après "code de la navigation ") prévoit que toutes les opérations portuaires ( 1 ) dans les ports italiens sont réservées aux "compagnie portuali", soit des compagnies de travailleurs portuaires ( ci-après "compagnies portuaires ").

Ce monopole est garanti par l' article 1172 du code de la navigation, qui prévoit des sanctions pénales contre toute personne qui, pour des opérations portuaires, recourt à des travailleurs portuaires qui ne sont pas affiliés à une compagnie portuaire . Conformément aux articles 152 et 156 du "Regolamento navigazione marittima" ( règlement italien de la navigation maritime, ci-après "règlement de la navigation maritime "), relatifs à l' inscription au registre des membres des compagnies portuaires et à la radiation de ce registre, les travailleurs portuaires doivent satisfaire à certaines conditions, au nombre desquelles figure la nécessité de posséder la nationalité italienne ( 2 ).

Conformément à l' article 111 du code de la navigation, l' organisation d' opérations portuaires pour compte de tiers dans les ports italiens est concédée à des "imprese portuali" ( ci-après "entreprises portuaires "), soit, généralement, des sociétés de droit privé qui sont entièrement ou en grande partie détenues par les autorités portuaires . Il est important de relever que, en vertu de l' article 111, dernier paragraphe, du code de la navigation, et conformément aux dispositions précitées, pour les opérations portuaires qu' elles organisent pour compte de tiers, lesdites entreprises portuaires peuvent exclusivement faire appel aux compagnies portuaires précitées et aux travailleurs portuaires qui y sont affiliés .

Conformément à l' article 112 du code de la navigation et aux articles 202 et 203 du règlement de la navigation maritime, les tarifs et autres conditions relatifs tant à l' exécution d' opérations portuaires par les compagnies portuaires qu' à l' organisation d' opérations portuaires pour compte de tiers par les entreprises portuaires sont établis par les autorités portuaires .

3 . Le 2 décembre 1988, Siderurgica, partie défenderesse dans le litige au principal, a acheté à Hambourg un lot d' acier brésilien d' une valeur d' environ 6 milliards de LIT et a expédié par bateau ce lot d' acier à destination de Gênes . A l' arrivée dans le port de Gênes, les 22 et 23 décembre 1988, conformément à la législation italienne mentionnée ci-avant, l' équipage du navire n' a pas été autorisé à décharger lui-même la cargaison, bien que le navire sur lequel l' acier avait été expédié fût équipé à cet effet . En vertu de l' article 111, précité, du code de la navigation, Siderurgica était tenue de faire appel à Merci, l' entreprise portuaire à laquelle l' organisation pour compte de tiers d' opérations portuaires concernant le fret ordinaire dans le port de Gênes avait été concédée et, conformément au dernier alinéa de l' article qui vient d' être cité, Merci a fait appel, pour l' exécution proprement dite des opérations portuaires, le déchargement et le transport ultérieur dans le port du lot d' acier concerné, à la compagnie portuaire du port de Gênes, la Compagnia unica lavoratori merci varie del porto di Genova ( ci-après "Compagnia ") et aux travailleurs portuaires qui y étaient affiliés .

Toutefois, après le déchargement du lot d' acier, Merci s' est abstenue, pendant des mois, de fournir l' acier à Siderurgica et a également empêché Siderurgica de venir elle-même chercher l' acier .

4 . Le 10 avril 1989, à la demande de Siderurgica, le président du Tribunale di Genova a donné à Merci l' injonction de procéder immédiatement à la livraison du lot d' acier en question . Le 28 avril 1989, Merci a formé opposition contre cette ordonnance devant le Tribunale di Genova, la juridiction de renvoi et, dans le cadre de cette procédure, Siderurgica a réclamé des dommages et intérêts pour le préjudice qu' elle avait subi, ainsi que la répétition des sommes qu' elle prétend avoir indûment payées pour les prestations de services de travailleurs portuaires qu' elle n' avait pas demandées et qui lui avaient été imposées ( 3 ). S' agissant du préjudice, Siderurgica a soutenu que, par suite du défaut de livraison du lot d' acier, elle avait dû arrêter momentanément sa production et qu' elle n' avait pas pu livrer à ses clients les produits usinés qu' ils avaient commandés . Elle a, en outre, subi un préjudice important du fait de l' immobilisation, pendant des mois, de la contre-valeur du prix d' achat de l' acier . Étant donné qu' entre-temps Merci a livré l' acier à Siderurgica, le litige au principal ne porte plus, à l' heure actuelle, sur l' injonction de procéder à la livraison, mais uniquement sur la demande en dommages et intérêts et en répétition formée par Siderurgica .

5 . Dans sa défense devant la juridiction de renvoi, Merci soutient qu' elle n' exerce pas son activité avec du personnel propre, mais que, conformément à la législation italienne, elle est obligée de recourir à la main-d' oeuvre qui est mise à sa disposition par Compagnia, qui est seule habilitée à transporter les marchandises dans le port de Gênes . En outre, elle affirme, ce qui d' ailleurs n' est pas contesté, qu' elle n' a pas pu procéder à la livraison de l' acier à Siderurgica par suite d' une longue série de grèves du personnel de la compagnie portuaire précitée . Elle se trouvait, dès lors, dans l' impossibilité temporaire de respecter son engagement et, à ce titre, n' était pas responsable du préjudice découlant du retard de livraison . En outre, continue Merci dans sa défense, elle ne saurait pas davantage être rendue responsable des sommes, que Siderurgica considère comme inéquitables, qui ont été portées en compte pour les opérations portuaires exécutées, et ce en raison du fait que ces sommes avaient été calculées en se fondant sur les tarifs établis par les autorités portuaires que, en tant qu' entreprise portuaire, elle était obligée d' appliquer conformément à l' article 112 du code de la navigation et à l' article 203 du règlement de la navigation maritime .

Siderurgica affirme, en revanche, que la législation italienne invoquée par Merci pour justifier son attitude est contraire aux articles 90, 86, 85 et 37 du traité CEE, et que la juridiction nationale est tenue d' écarter l' application des dispositions de droit national contraires au droit communautaire . Cela conduirait, en l' espèce, à conclure que Merci est néanmoins responsable du retard de livraison des marchandises et du préjudice causé de ce fait, ainsi que de la répétition des sommes indûment payées pour les opérations portuaires .

6 . Bien que, pour justifier son attitude, Merci invoque la législation italienne applicable, elle estime néanmoins, tout comme Siderurgica que, dans la mesure où cette législation prévoit un monopole au bénéfice des compagnies portuaires ( article 110 du code de la navigation ), elle est incompatible avec le droit communautaire ( 4 ). Toutefois, Merci soutient qu' à ses yeux ( à tout le moins en théorie ) cette incompatibilité justifierait effectivement la demande en dommages et intérêts pour retard de livraison, mais pas la demande en répétition des sommes payées par Siderurgica pour des prestations de services portuaires non demandées qui lui ont été imposées, car elle-même - Merci - ne se serait pas enrichie en exécutant ces prestations de services .

Les questions préjudicielles et la compétence de la Cour

7 . Confronté à ce litige, le Tribunale di Genova défère à la Cour deux questions préjudicielles visant à l' interprétation des articles 7, 30, 85, 86 et 90 du traité CEE, par lesquelles il demande :

"1 ) En l' état actuel du droit communautaire, en cas d' importation, par mer, sur le territoire d' un État membre de la CEE, de marchandises provenant d' un autre État membre de la même Communauté, les dispositions de l' article 90 du traité instituant la CEE et les interdictions prévues par les articles 7, 30, 85 et 86 du même traité attribuent-elles aux sujets de l' ordre juridique communautaire des droits que les États membres sont tenus de respecter, dans l' hypothèse où l' exécution des opérations...

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