A. Foster and others v British Gas plc.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1990:188
Date08 May 1990
Celex Number61989CC0188
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-188/89
EUR-Lex - 61989C0188 - FR 61989C0188

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 8 mai 1990. - A. Foster e.a. contre British Gas plc. - Demande de décision préjudicielle: House of Lords - Royaume-Uni. - Politique sociale - Égalité de traitement entre travailleurs masculins et féminins - Effet direct d'une directive à l'encontre d'une entreprise nationalisée. - Affaire C-188/89.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-03313
édition spéciale suédoise page 00479
édition spéciale finnoise page 00499


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . En vertu de l' article 177 du traité CEE, la House of Lords ( ci-après "juge de renvoi ") a déféré à titre préjudiciel la question énoncée ci-après à la Cour :

"La British Gas Corporation était-elle ( à l' époque des faits ) un organisme d' un type tel que les appelantes sont habilitées à invoquer directement la directive 76/207 du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l' accès à l' emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, devant les juridictions anglaises et peuvent donc prétendre à des dommages et intérêts au motif que la politique de licenciement de la British Gas Corporation était contraire à la directive?" ( 1 ).

Mme Foster et les autres demanderesses ( ci-après "demanderesses dans la procédure au principal ") sont des travailleurs de sexe féminin, occupées par la British Gas Corporation ( ci-après "BGC ") et qui, dans le cadre de la politique générale de la BGC, ont été mises à la retraite au moment où elles ont atteint l' âge de 60 ans à des dates se situant entre le 27 décembre 1985 et le 22 juillet 1986 . A la même époque, les travailleurs de sexe masculin, occupés par la même entreprise, n' étaient mis à la retraite qu' à l' âge de 65 ans .

Dans les arrêts Defrenne III ( 2 ), Burton ( 3 ), Roberts ( 4 ), Marshall ( 5 ) et Beets-Proper ( 6 ), la Cour a affirmé qu' une limite d' âge, utilisée pour la cessation d' une relation de travail, était une condition de travail, plus précisément une condition de licenciement, dont la validité doit être appréciée au regard de la directive 76/207/CEE sur l' égalité de traitement ( 7 ).

L' article 5, paragraphe 1, de ladite directive se lit comme suit :

"L' application du principe de l' égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions, sans discrimination fondée sur le sexe ."

Le juge de renvoi fait observer qu' à l' époque des faits le Royaume-Uni n' avait pas encore mis son droit national en conformité avec la directive relative à l' égalité de traitement . En effet, l' article 6, paragraphe 4, du Sex Discrimination Act 1975, qui était en vigueur à l' époque des faits, prévoyait que l' interdiction d' exercer une discrimination contre les femmes par le biais des conditions de recrutement et de licenciement, appliquées par l' employeur, ou tout autre traitement défavorable, ne s' appliquait pas aux dispositions relatives au décès ou à la retraite ( 8 ), ( 9 ).

2 . Les parties dans la procédure au principal ne s' opposent pas sur le fait que, si l' article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 est directement applicable aux conditions de licenciement des demanderesses dans la procédure au principal, la distinction entre hommes et femmes établie par la BGC en matière de mise à la retraite est illégale, et cela en dépit de la disposition de l' article 6, paragraphe 4, du Sex Discrimination Act 1975, alors que, si l' article précité n' est pas directement applicable, la politique de la BGC est légale .

Au point 49 des motifs de l' arrêt Marshall du 26 février 1986 dans l' affaire 152/84 ( 10 ), la Cour a affirmé que les justiciables ne peuvent se prévaloir d' une disposition telle que celle de l' article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 qu' à l' encontre de l' "État", agissant en qualité "d' employeur ou d' autorité publique", étant donné "qu' il convient d' éviter que l' État ne puisse tirer avantage de sa méconnaissance du droit communautaire" ( 11 ). En revanche, au point 48 des motifs de son arrêt, la Cour a exclu que la disposition précitée puisse être invoquée à l' encontre d' un particulier, étant donné qu' une directive ne peut pas par elle-même créer d' obligations dans le chef d' un particulier . Selon la terminologie habituellement utilisée par la doctrine, cela signifie que les dispositions des directives, qui, du point de vue de leur contenu, sont inconditionnelles et suffisamment précises ( 12 ) et pour lesquelles le délai de mise en oeuvre est venu à expiration, ont un "effet direct vertical", mais pas un "effet direct horizontal ".

La demande de décision à titre préjudiciel soulève dès lors la question de savoir si, à l' époque en cause, la BGC devait être considérée comme "relevant de l' État" ou comme "un particulier ". Dans la première hypothèse, les demanderesses dans la procédure au principal peuvent se prévaloir de l' article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 à l' encontre de la BGC, alors qu' elles ne le peuvent pas dans la seconde hypothèse .

3 . A l' époque des faits, la BGC était une entreprise nationalisée de distribution du gaz, qui a été, par la suite, privatisée par le Gas Act 1986; à la suite de cette privatisation, British Gas plc ( ci-après "défenderesse dans la procédure au principal ") a été constituée et elle a été subrogée, le 24 août 1986, dans les droits et obligations de la BGC ( 13 ).

Le statut de la BGC, qui était, à l' époque des faits, l' employeur des demanderesses dans la procédure au principal, doit être situé dans le contexte de la nationalisation de la production et la distribution du gaz par le Gas Act 1948, qui a été ultérieurement remplacée par le Gas Act 1972 . En vertu du Gas Act 1948, la propriété, les droits et les obligations ont été conférés aux "Area Boards" ou au "Gas Council ". En vertu du Gas Act 1972, la propriété, les droits et les obligations ont été transférés au "Gas Council", devenu "BGC ". La BGC était un organisme contrôlé par les pouvoirs publics, doté de la personnalité morale et jouissant d' un monopole pour la distribution du gaz aux maisons d' habitation et aux entreprises en Grande-Bretagne . Le ministre nommait les membres du conseil d' administration de la BGC et fixait aussi leur rémunération ( article 1er, paragraphes 2 et 3 ). La BGC était chargée de développer et de gérer un système efficace, cohérent et rentable de distribution du gaz en Grande-Bretagne et de satisfaire, dans les limites de la rentabilité, toutes les demandes raisonnables de fourniture de gaz en Grande-Bretagne ( article 2, paragraphe 1 ). Elle était chargée de définir périodiquement, en concertation avec le ministre, un programme général d' analyse des questions liées à la distribution du gaz ( article 3, paragraphe 3 ).

Le ministre était habilité à demander à la BGC de lui communiquer un rapport d' activités et, après transmission de celui-ci aux deux chambres du parlement, de donner à la BGC toutes les instructions qui lui paraissaient nécessaires sur la base de ce rapport pour une gestion aussi efficace que possible de l' entreprise ( article 4 ). La BGC était tenue d' exécuter ces instructions ( article 4, paragraphe 3 ). Le ministre pouvait aussi donner à la BGC, après concertation avec celle-ci, des instructions générales sur l' exécution et l' exercice de ses tâches, y compris l' exercice de ses droits d' actionnaire, lorsqu' il l' estimait nécessaire pour l' intérêt national, et la BGC était tenue de donner suite à ces instructions ( article 7 ). A la fin de chaque exercice financier, la BGC était tenue de communiquer dans les plus brefs délais au ministre un rapport sur l' exercice et l' exécution de ses tâches au cours de cet exercice financier, ainsi que sur sa gestion et ses programmes prévisionnels ( article 8 ).

La BGC devait s' acquitter de ses tâches et exercer un contrôle sur ses filiales d' une manière telle que l' ensemble des recettes, obtenues par la BGC et ses filiales au cours de deux exercices financiers successifs, étaient au moins suffisantes pour couvrir l' ensemble des frais d' exploitation et pour permettre la constitution des réserves nécessaires pour donner suite à d' éventuelles instructions du ministre ( article 14 ). Après concertation avec la BGC et avec l' approbation du ministère des Finances, le ministre pouvait, à l' occasion, ordonner à la BGC de mettre certaines sommes en réserve, que ce soit dans des buts précis ou non, et la BGC était tenue de donner suite à ces demandes ( article 15 ). Si, au cours d' un exercice financier déterminé, l' ensemble des recettes dépassait de loin l' ensemble des dépenses, le ministre pouvait ordonner à la BGC, avec l' autorisation du ministre des Finances, de lui céder la partie des recettes qui dépassait les besoins de la BGC et la BGC était tenue de donner suite à cette demande .

Selon le Gas Act 1972, la BGC n' était pas un "agent" du ministre . Le personnel de la BGC n' était pas au service de la Couronne au sens de la législation anglaise sur le travail . La BGC n' exerçait aucune fonction législative .

La base de l' arrêt Marshall : "nemo auditur"

4 . Pour la commodité, nous commencerons par reproduire les passages essentiels de l' arrêt Marshall . Ils figurent aux points 47 à 49 des motifs et au point 2 du dispositif de l' arrêt .

- Point 47 des motifs :

"Cette jurisprudence se fonde sur la considération qu' il serait incompatible avec le caractère contraignant que l' article 189 reconnaît à la directive d' exclure, en principe, que l' obligation qu' elle impose puisse être invoquée par des personnes concernées . La Cour en a tiré la conséquence que l' État membre qui n' a pas pris, dans les délais...

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