Karl Heinz Bablok and Others v Freistaat Bayern.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:58
Docket NumberC-442/09
Celex Number62009CC0442
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date09 February 2011

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 9 février 2011 (1)

Affaire C‑442/09

Karl Heinz Bablok,

Stefan Egeter,

Josef Stegmeier,

Karlhans Müller,

Barbara Klimesch

contre

Freistaat Bayern

[demande de décision préjudicielle formée par le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (Allemagne)]

«Denrées alimentaires génétiquement modifiées – Règlement (CE) n° 1829/2003 – Produits apicoles – Présence de pollens issus de plantes génétiquement modifiées – Conséquences – Mise sur le marché – Notions d’‘organisme génétiquement modifié’ et de ‘produit à partir d’OGM’»





1. Le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (Allemagne) pose à la Cour plusieurs questions préjudicielles ayant pour objet l’interprétation de dispositions du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (2).

2. Ces questions concernent le statut juridique de denrées alimentaires telles que du miel et des compléments alimentaires à base de pollen, dans lesquels est constatée, en faibles quantités, une présence involontaire de pollen provenant de plantes génétiquement modifiées telles que le maïs MON 810 produit par Monsanto et renfermant de l’ADN ainsi que des protéines génétiquement modifiés.

3. Lesdites questions visent, en substance, à savoir si de telles denrées alimentaires sont soumises au régime d’autorisation, d’étiquetage et de surveillance des denrées alimentaires génétiquement modifiées institué par le règlement n° 1829/2003.

4. Des réponses qui seront données par la Cour dépend, dans le litige au principal, un droit à compensation pécuniaire d’apiculteurs (3) qui exploitent des ruchers à proximité de terrains appartenant au Freistaat Bayern et sur lesquels du maïs génétiquement modifié MON 810 a été cultivé à des fins de recherche au cours des dernières années.

5. La présente affaire invite ainsi la Cour à se pencher sur les problèmes liés à la coexistence entre les cultures génétiquement modifiées et les productions traditionnelles qui les entourent. Le législateur de l’Union a, pour le moment, fait le choix, en vertu du principe de subsidiarité, de laisser les États membres définir les règles visant à assurer cette coexistence. De telles règles peuvent, comme en témoignent les dispositions nationales au cœur du litige au principal, consister dans la mise en place d’un régime de responsabilité spécifique à ce contexte. La mise en œuvre d’un tel régime de responsabilité, et en particulier la constatation d’un dommage dans le chef de l’agriculteur subissant une contamination de sa production, peut nécessiter de déterminer si un produit donné doit ou non être qualifié de denrée alimentaire génétiquement modifiée, soumise, en raison de ce caractère, à une obligation d’autorisation de mise sur le marché, de surveillance et d’étiquetage en application du règlement n° 1829/2003. Ce problème de qualification constitue l’un des enjeux principaux de la présente affaire.

6. Dans les présentes conclusions, nous proposerons, d’abord, à la Cour de considérer que l’article 2, point 1, de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés (4) dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil (5), et l’article 2, point 4, du règlement n° 1829/2003 doivent être interprétés en ce sens que ne constitue pas un «organisme» au sens de ces dispositions du pollen issu d’une plante génétiquement modifiée qui, lorsqu’il est incorporé dans du miel ou est utilisé en tant que complément alimentaire, cesse d’être en mesure d’assurer sa fonction dans le processus de reproduction des plantes.

7. Nous suggérerons, ensuite, à la Cour de dire pour droit que l’article 2, point 10, du règlement n° 1829/2003 doit être interprété en ce sens qu’il suffit, pour considérer qu’une denrée alimentaire est «produit[e] à partir d’OGM», que cette denrée contienne du matériel provenant de plantes génétiquement modifiées. En outre, nous indiquerons que l’article 3, paragraphe 1, sous c), de ce règlement doit, à notre avis, être interprété en ce sens que du miel contenant du pollen issu d’une plante génétiquement modifiée ainsi que les compléments alimentaires à base de ce pollen constituent des denrées alimentaires contenant un ingrédient produit à partir d’OGM. Nous préciserons que peu importe, à cet égard, que le matériel issu d’une plante génétiquement modifiée soit inclus de manière intentionnelle ou non dans de telles denrées.

8. Enfin, nous proposerons à la Cour de dire pour droit que les articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2, du règlement n° 1829/2003 doivent être interprétés en ce sens que la présence involontaire dans du miel de pollen issu d’une variété de maïs, telle que le maïs MON 810, qui a obtenu une autorisation de mise sur le marché sur le fondement de la directive 90/220/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (6), et dont seulement certains produits dérivés sont autorisés en tant que produits existants, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, a pour conséquence que la mise sur le marché de ce miel requiert une autorisation délivrée conformément audit règlement. Nous ajouterons que les seuils de tolérance prévus aux articles 12, paragraphe 2, et 47, paragraphe 1, du règlement n° 1829/2003 ne sont pas applicables par analogie à l’exigence d’une autorisation de mise sur le marché qui résulte de l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La directive 2001/18

9. Conformément à son article 1er, lu à la lumière, notamment, de son vingt-huitième considérant, la directive 2001/18, telle que modifiée par le règlement n° 1829/2003 et le règlement (CE) n° 1830/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003 (7), régit la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement à toute autre fin que la mise sur le marché à l’intérieur de la Communauté européenne ainsi que la mise sur le marché des OGM en tant que produits ou éléments de produits, lorsque l’utilisation envisagée des produits implique une dissémination volontaire des organismes dans l’environnement.

10. Le quatrième considérant de cette directive énonce:

«Les organismes vivants disséminés dans l’environnement, en grande ou en petite quantité, à des fins expérimentales ou en tant que produits commerciaux, peuvent se reproduire dans l’environnement et franchir les frontières nationales, affectant ainsi d’autres États membres. Une telle dissémination peut produire des effets irréversibles sur l’environnement.»

11. Selon le cinquième considérant de ladite directive, «[l]a protection de la santé humaine demande qu’une attention particulière soit accordée au contrôle des risques résultant de la dissémination volontaire d’[OGM] dans l’environnement».

12. Par ailleurs, le treizième considérant de la directive 2001/18 prévoit que «[l]e contenu de [celle-ci] tient dûment compte de l’expérience internationale dans ce domaine et des engagements commerciaux internationaux et devrait respecter les critères établis dans le protocole de Carthagène sur la biosécurité [(8)], annexé à la convention sur la diversité biologique [(9)]».

13. L’article 4, paragraphe 1, de cette directive énonce que les OGM ne peuvent être disséminés volontairement dans l’environnement ou mis sur le marché que selon les dispositions prévues respectivement dans la partie B ou la partie C de ladite directive, c’est-à-dire, principalement, après notification d’une demande en ce sens, évaluation des risques pour la santé humaine et l’environnement, puis autorisation de l’autorité compétente.

14. L’article 4, paragraphe 3, de la directive 2001/18 dispose que l’évaluation, qui doit être effectuée cas par cas, porte sur les effets néfastes potentiels sur la santé humaine et l’environnement susceptibles de découler directement ou indirectement du transfert de gènes d’OGM à d’autres organismes.

2. Le règlement n° 1829/2003

15. Le premier considérant du règlement n° 1829/2003 indique que «[l]a libre circulation de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux sûrs et sains constitue un aspect essentiel du marché intérieur et contribue de façon notable à la santé et au bien-être des citoyens, ainsi qu’à leurs intérêts économiques et sociaux».

16. Le deuxième considérant de ce règlement souligne qu’«[i]l importe d’assurer un niveau élevé de protection de la vie et de la santé humaine dans l’exécution des politiques communautaires».

17. Le troisième considérant dudit règlement prévoit, en conséquence, que, «[p]our protéger la santé humaine et animale, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux contenant des [OGM], consistant en de tels organismes ou produits à partir de ceux-ci (ci-après dénommés ‘les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés’) devraient faire l’objet d’une évaluation de l’innocuité selon une procédure communautaire, avant leur mise sur le marché au sein de la Communauté».

18. Le neuvième considérant du règlement n° 1829/2003 précise que la «mise sur le marché de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux génétiquement modifiés ne devrait être autorisée qu’après une évaluation scientifique, du plus haut niveau possible, des risques qu’ils présentent pour la santé humaine et animale et, le cas échéant, pour l’environnement, effectuée sous la responsabilité de l’Autorité européenne de sécurité des aliments [(10)]».

19. Selon le onzième considérant de ce règlement, «lorsqu’un OGM utilisé dans la production de denrées alimentaires et/ou d’aliments pour animaux a été autorisé en vertu du présent règlement, les denrées alimentaires et/ou les aliments pour animaux contenant cet OGM, consistant en cet OGM ou produits à...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Karl Heinz Bablok and Others v Freistaat Bayern.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 6 September 2011
    ...C-442/09 Karl Heinz Bablok and Others Freistaat Bayern (Reference for a preliminary ruling from the Bayerischer Verwaltungsgerichtshof) (Genetically modified food for human consumption – Regulation (EC) No 1829/2003 – Articles 2 to 4 and 12 – Directive 2001/18/EC – Article 2 – Directive 200......
1 cases
  • Karl Heinz Bablok and Others v Freistaat Bayern.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 6 September 2011
    ...C-442/09 Karl Heinz Bablok and Others Freistaat Bayern (Reference for a preliminary ruling from the Bayerischer Verwaltungsgerichtshof) (Genetically modified food for human consumption – Regulation (EC) No 1829/2003 – Articles 2 to 4 and 12 – Directive 2001/18/EC – Article 2 – Directive 200......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT