Orizzonte Salute - Studio Infermieristico Associato v Azienda Pubblica di Servizi alla persona San Valentino - Città di Levico Terme and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:307
Docket NumberC-61/14
Celex Number62014CC0061
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 May 2015
62014CC0061

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 7 mai 2015 ( 1 )

Affaire C‑61/14

Orizzonte Salute – Studio Infermieristico Associato

contre

Azienda Pubblica di Servizi alla persona San Valentino – Città di Levico Terme,

Ministero della Giustizia,

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Presidenza del Consiglio dei Ministri et

Segretario Generale del Tribunale Regionale di Giustizia Amministrativa di Trento (TRGA)

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale regionale di giustizia amministrativa di Trento (Italie)]

«Marchés publics — Directive 89/665/CEE — Législation prévoyant des frais élevés d’accès à la justice dans le domaine des marchés publics — Frais de justice cumulatifs pour l’introduction de nouvelles demandes étayées par des moyens complémentaires, dans le cadre d’un recours juridictionnel concernant une seule procédure de passation de marché — Droit à un recours effectif au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Frais dissuasifs — Accès à un tribunal — Principes d’effectivité et d’équivalence»

I – Introduction

1.

Au XIXe siècle, le juge Sir James Matthew aurait dit qu’«en Angleterre, la justice est ouverte à tous, comme l’hôtel Ritz». La présente affaire offre à la Cour l’occasion d’examiner si cela s’applique aux procédures juridictionnelles relatives à l’attribution de marchés publics en Italie, qui sont régies par le droit des marchés publics de l’Union.

2.

Selon le droit italien, les frais de justice applicables dans les procédures de recours juridictionnel relatives aux marchés publics sont considérablement plus élevés que ceux généralement applicables dans les procédures administratives. En outre, ces frais sont perçus de manière cumulative pour chaque nouvelle étape de la procédure qui constitue, en droit italien, un moyen nouveau ou une demande fondée sur des moyens complémentaires.

3.

Cela soulève la question de savoir si les dispositions italiennes en cause sont compatibles avec les objectifs de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux ( 2 ). Cette directive doit être interprétée à la lumière des principes d’effectivité et d’équivalence, ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») et de sa garantie de l’accès à la justice.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

Le troisième considérant de la directive 89/665 dispose:

«considérant que l’ouverture des marchés publics à la concurrence communautaire nécessite un accroissement substantiel des garanties de transparence et de non‑discrimination et qu’il importe, pour qu’elle soit suivie d’effets concrets, qu’il existe des moyens de recours efficaces et rapides en cas de violation du droit communautaire en matière de marché public ou des règles nationales transposant ce droit».

5.

L’article 1er de la directive 89/665, intitulé «Champ d’application et accessibilité des procédures de recours», dispose:

«1. La présente directive s’applique aux marchés visés par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services [ ( 3 )], sauf si ces marchés sont exclus en application des articles 10 à 18 de ladite directive.

Les marchés au sens de la présente directive incluent les marchés publics, les accords-cadres, les concessions de travaux publics et les systèmes d’acquisition dynamiques.

Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant du champ d’application de la directive 2004/18/CE, les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la présente directive, au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.

2. Les États membres veillent à ce qu’il n’y ait, entre les entreprises susceptibles de faire valoir un préjudice dans le cadre d’une procédure d’attribution de marché, aucune discrimination du fait de la distinction opérée par la présente directive entre les règles nationales transposant le droit communautaire et les autres règles nationales.

3. Les États membres s’assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée.

[…]».

6.

L’article 2 de la directive 89/665, intitulé «Exigences en matière de procédures de recours», dispose:

«1. Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l’article 1er prévoient les pouvoirs permettant:

a)

de prendre, dans les délais les plus brefs et par voie de référé, des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ou d’empêcher qu’il soit encore porté atteinte aux intérêts concernés, y compris des mesures destinées à suspendre ou à faire suspendre la procédure de passation de marché public en cause ou l’exécution de toute décision prise par le pouvoir adjudicateur;

b)

d’annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans les documents de l’appel à la concurrence, dans les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation du marché en cause;

c)

d’accorder des dommages et intérêts aux personnes lésées par une violation.

[…]».

B – Le droit italien

7.

L’article 13, paragraphe 1, du décret du président de la République no 115, tel que modifié en dernier lieu par la loi no 228 du 24 décembre 2012 (ci-après le «décret no 115/2002») ( 4 ), a introduit un régime de frais de justice constitué par une contribution unifiée. Conformément à l’article 13, paragraphe 6 bis, dans le cadre des procédures administratives, le montant de la contribution unifiée dépend de la matière. S’agissant des recours introduits devant les juridictions administratives, le montant de la contribution unifiée s’élève généralement à 650 euros. Pour les matières particulières, des montants différents sont fixés ( 5 ). Dans le domaine des marchés publics, depuis le 1er janvier 2013, la contribution unifiée s’échelonne de 2000 à 6000 euros, en fonction de la valeur du marché ( 6 ). En vertu de l’article 13, paragraphe 6 bis 1, la contribution unifiée est due non seulement lors de l’inscription au rôle de la requête introductive d’instance, mais également pour les moyens procéduraux et les recours fondés sur des moyens nouveaux introduisant de nouvelles demandes.

8.

Concernant la détermination de la valeur du litige dans les affaires relatives aux marchés publics, en vertu de l’article 14, paragraphe 3 ter, du décret no 115/2002, celle-ci est égale à la valeur de base du marché, telle que définie par le pouvoir adjudicateur dans le cahier de charges.

III – Les faits de l’affaire au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

9.

La requérante, Orizzonte Salute – Studio Infermieristico Associato (ci-après «Orizzonte Salute»), est une association qui fournit des services de soins infirmiers pour des entités publiques et privées. Elle a saisi le Tribunale regionale di giustizia amministrativa di Trento (Italie) d’un recours (ci-après le «recours initial»), complété par trois recours ultérieurs fondés sur des moyens nouveaux, contestant certaines mesures adoptées du 21 décembre 2012 au 23 mai 2013 par la défenderesse, l’Azienda Pubblica di servizi alla persona San Valentino – Città di Levico Terme (ci-après l’«APSP»).

10.

Les mesures contestées concernaient la prorogation d’un marché de services de soins infirmiers au bénéfice d’une autre association et l’appel d’offres ultérieurement publié par l’Azienda Pubblica di servizi alla persona San Valentino – Città di Levico Terme, qui n’invitait à présenter des offres que de certaines associations accréditées auprès du collège infermieri professionali assistenti sanitari vigilatrici d’infanzia (infirmiers professionnels, auxiliaires de santé et puéricultrices, IPASVI), dont Orizzonte Salute n’était pas membre.

11.

Orizzonte Salute a initialement payé une contribution unifiée de 650 euros pour l’introduction d’un recours administratif ordinaire. Toutefois, le 5 juin 2013, la juridiction de renvoi lui a demandé de compléter le paiement jusqu’à la concurrence d’une contribution unifiée de 2000 euros, étant donné que son recours initial relevait de la matière des marchés publics.

12.

Par un nouveau recours introduit le 2 juillet 2013, qui est le quatrième recours complémentaire fondé sur des moyens nouveaux, Orizzonte Salute a contesté cette décision. Pour des raisons d’économie de procédure, la juridiction de renvoi a décidé de statuer d’abord sur cette demande.

13.

La juridiction de renvoi a des doutes sur la compatibilité du régime de frais de justice appliqué par l’État membre avec plusieurs dispositions et principes du droit de l’Union. Par conséquent, elle a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante:

«Les principes fixés...

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