L'Oréal SA, Lancôme parfums et beauté & Cie SNC and Laboratoire Garnier & Cie v Bellure NV, Malaika Investments Ltd and Starion International Ltd.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:70
Date10 February 2009
Celex Number62007CC0487
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-487/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Paolo Mengozzi

présentées le 10 février 2009 (1)

Affaire C‑487/07

L’Oréal SA e.a.

contre

Bellure NV

Malaika Investments Ltd

Starion International Ltd

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni)]

«Rapprochement des législations – Marques – Directive 89/104/CEE – Article 5, paragraphe 1, sous a) – Usage d’une marque appartenant à autrui pour des produits identiques dans une publicité comparative – Article 5, paragraphe 2 – Profit indûment tiré de la renommée attachée à une marque – Publicité comparative – Directives 84/450/CEE et 97/55/CEE – Article 3 bis, paragraphe 1 – Conditions de licéité de la publicité comparative – Profit indûment tiré de la notoriété de la marque du concurrent – Imitation ou reproduction des biens protégés par la marque du concurrent»





1. Par la présente demande de décision préjudicielle, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni) soumet à la Cour des questions portant sur l’interprétation de l’article 5 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (2), ainsi que de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450/CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative (3), telle que modifiée par la directive 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 1997 (4).

I – Cadre normatif

2. L’article 5 de la directive 89/104 (5), intitulé «Droits conférés par la marque», dispose comme suit:

«1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

2. Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.

3. Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit:

a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

b) d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;

c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;

d) d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.

[…]»

3. L’article 6, paragraphe 1, de la directive 89/104, intitulé «Limitation des effets de la marque», prévoit que «[l]e droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires:

a) de son nom et de son adresse;

b) d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci;

c) de la marque lorsqu’elle est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoires ou pièces détachées,

pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.»

4. La directive 97/55 a introduit dans la directive 84/450, qui ne concernait, à l’origine, que la publicité trompeuse, une série de dispositions en matière de publicité comparative.

5. L’article 2, point 2 bis, de la directive 84/450, telle que modifiée par la directive 97/55 (6), définit la «publicité comparative», aux fins de cette directive, comme «toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent».

6. L’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 dispose comme suit:

«Pour autant que la comparaison est concernée, la publicité comparative est licite dès lors que les conditions suivantes sont satisfaites:

[…]

d) elle n’engendre pas de confusion sur le marché entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l’annonceur et ceux d’un concurrent;

e) elle n’entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situation d’un concurrent;

[…]

g) elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine de produits concurrents;

h) elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service portant une marque ou un nom commercial protégés.»

II – Affaire au principal et questions préjudicielles

7. L’Oréal SA, Lancôme Parfums et Beauté & Cie et Laboratoires Garnier & Cie (ci-après, collectivement, «L’Oréal») sont des sociétés du groupe L’Oréal, dont l’activité s’étend, notamment, à la production et à la commercialisation de parfums de luxe.

8. L’Oréal est titulaire, notamment, des marques nationales (britanniques), internationales ou communautaires, enregistrées pour des parfums et d’autres produits parfumés, comme suit:

– les marques «Trésor»:

– la marque verbale nationale Tresor (sans accent, ci-après la «marque verbale Trésor»),

– la marque verbale et figurative nationale constituée d’une représentation d’un flacon de parfum, vu de face et de côté, flacon sur lequel figure notamment le mot Trésor (ci-après la «marque flacon de Trésor»),

– la marque verbale et figurative nationale constituée d’une représentation de l’emballage dans lequel ce flacon est commercialisé, vu de face (ci-après la «marque emballage de Trésor»);

– les marques «Miracle»:

– la marque verbale communautaire Miracle (ci-après la «marque verbale Miracle»),

– la marque verbale et figurative communautaire constituée d’une représentation d’un flacon de parfum, vu de face, flacon sur lequel figure notamment le mot Miracle (ci-après la «marque flacon de Miracle»),

– la marque verbale et figurative internationale constituée d’une représentation en couleurs d’un emballage de parfum sur lequel figure notamment le mot Miracle (ci-après la «marque emballage de Miracle»);

– la marque verbale nationale Anaïs-Anaïs;

– les marques «Noa»:

– la marque verbale nationale Noa Noa;

– les marques verbales et figuratives nationale et communautaire constituées toutes deux du mot Noa écrit de façon stylisée.

9. La société Bellure NV (ci-après «Bellure»), société de droit belge, a entrepris, respectivement en 1996 et en 2001, la commercialisation sur les marchés européens de parfums des gammes Creation Lamis et Dorall, fabriquées pour son compte et suivant un design voulu par elle, dans un pays tiers. La société Starion International Ltd (ci-après «Starion») a acquis ces parfums auprès de la société Bellure, pour les distribuer à des grossistes ou au réseau hard discount au Royaume-Uni. La société Starion distribuait dans cet État membre également des parfums de la gamme Stitch. La société Malaika Investments Ltd, agissant sous la dénomination commerciale Honeypot Cosmetics & Perfumery Sales (ci-après «Malaika»), vendait en gros au Royaume-Uni les parfums de la gamme Creation Lamis, qui lui étaient fournis par Starion. Les parfums des trois gammes précitées imitaient l’odeur de parfums à succès et étaient vendus au détail à un prix extrêmement bas (moins de 4 GBP).

10. Dans le cadre de la commercialisation au Royaume-Uni de ces parfums, Starion et Malaika utilisaient, en les transmettant à leurs revendeurs, des listes comparatives établissant une correspondance, par similitude d’odeur, entre chacun de ces parfums et un parfum de luxe identifié par référence à la marque verbale du parfum (ci-après: les «listes comparatives»). Sur ces listes figuraient les marques verbales Trésor, Miracle, Anaïs-Anaïs et Noa Noa de L’Oréal.

11. En outre, quatre parfums de la gamme Creation Lamis et un parfum de la gamme Dorall étaient vendus en flacons et en emballages présentant une ressemblance générale avec les flacons et les emballages des parfums Trésor, Miracle, Anaïs-Anaïs ou Noa, même s’il est constant que ladite ressemblance n’était pas de nature à tromper les revendeurs ou les consommateurs quant à l’origine du produit.

12. L’Oréal a introduit devant la High Court of Justice (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni) une action en contrefaçon de marques à l’encontre, notamment, de Bellure, de Starion et de Malaika. D’une part, elle a fait valoir que l’utilisation des listes comparatives, par Starion et Malaika, constituait une violation des droits qu’elle tire de ses marques verbales Trésor, Miracle, Anaïs-Anaïs et Noa Noa, ainsi que des marques verbale et figurative Noa, contraire à l’article 10, paragraphe 1, de la loi anglaise sur les marques (Trade Mark Act 1994, (ci-après le «TMA»), qui constitue la transposition en droit interne de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104. D’autre part, elle a soutenu que l’imitation des noms, des flacons et des emballages de ses parfums Trésor, Miracle, Anaïs-Anaïs et Noa, et la vente de parfums dans...

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