adidas AG andt adidas Benelux BV v Marca Mode CV and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:14
Date16 January 2008
Celex Number62007CC0102
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-102/07

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 16 janvier 2008 (1)

Affaire C‑102/07

Adidas AG et

Adidas Benelux BV

contre

Marca Mode CV,

C&A Nederland,

H&M Hennes & Mauritz Netherlands BV et

Vendex KBB Nederland BV

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]

«Marque – Caractère distinctif d’une marque ou de signes servant à décorer les produits – Impératif de disponibilité»





I – Introduction

1. Le célèbre équipementier sportif Adidas AG (ci-après «Adidas») et sa filiale néerlandaise sont à nouveau (2) en conflit avec d’autres entreprises à propos de l’usage de certains signes analogues à sa marque à trois bandes bien connue, après les avoir accusées de porter atteinte aux droits de propriété industrielle dont ils sont titulaires sur cette marque.

2. Cette fois-ci, Adidas oppose sa marque à d’autres vendeurs de ce type de vêtements qui souhaitent utiliser deux bandes de couleur contrastée afin de dissimuler et de renforcer les coutures de leurs vêtements. Dans ce contexte, la demande du Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) porte sur l’application de l’impératif de disponibilité afin de délimiter l’exercice des droits du titulaire d’une marque.

3. Il s’agit, au fond, d’une lutte pour se frayer un chemin sur un marché caractérisé par de féroces rivalités alimentées par les importants bénéfices escomptés par les entreprises. On comprend alors que ce qui pourrait apparaître comme une banalité aux yeux d’un observateur non averti, à savoir la lutte pour s’emparer de deux ou trois bandes superposées et colorées d’une certaine manière, revêt une importance cruciale lorsque le conflit a lieu dans le secteur de l’équipement des athlètes.

4. Dans le monde de la compétition de haut niveau, le triomphe des vedettes soutenues, à l’évidence au moyen de sommes importantes, par les fabricants de maillots et de chaussures de sport leur procure la meilleure des publicités; néanmoins, il existe des coureurs qui ont couvert même de grandes distances pieds nus, à l’instar de l’Éthiopien Abebe Bikila.(3)

II – Cadre juridique

5. À titre liminaire, il convient de préciser que, compte tenu de la proximité matérielle de la directive 89/104/CEE (4) (ci-après la «directive») et du règlement (CE) nº 40/94 sur la marque communautaire (5) (ci-après le «règlement»), il apparaît opportun de faire référence à certains arrêts de la Cour relatifs aux dispositions du règlement cité aux fins de l’interprétation de la directive (6).

6. L’article 2 de la directive, intitulé «Signes susceptibles de constituer une marque», permet d’enregistrer tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

7. L’article 3, intitulé «Motifs de refus ou de nullité», comprend une liste exhaustive de ces motifs dans son paragraphe 1:

«1. Sont refusés à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarés nuls s’ils sont enregistrés:

a) les signes qui ne peuvent constituer une marque;

b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;

c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci;

d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce;

e) les signes constitués exclusivement:

– par la forme imposée par la nature même du produit,

– par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique,

– par la forme qui donne une valeur substantielle au produit;

[…]»

8. L’article 3, paragraphe 3, régit ce qu’il est convenu d’appeler l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque dans les termes suivants:

«Une marque n’est pas refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, n’est pas susceptible d’être déclarée nulle en application du paragraphe 1 points b), c) ou d) si, avant la date de la demande d’enregistrement et après l’usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif. En outre, les États membres peuvent prévoir que la présente disposition s’applique également lorsque le caractère distinctif a été acquis après la demande d’enregistrement ou après l’enregistrement.»

9. Sous le titre «Droits conférés par la marque», l’article 5 de la directive décrit l’ensemble des prérogatives revenant au titulaire du droit de propriété industrielle; ses paragraphes 1 et 2 sont notamment rédigés comme suit:

«1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

2. Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.»

10. En revanche, la directive consacre son article 6 à la «limitation des effets de la marque»; son paragraphe 1, pertinent dans le cadre de cette question préjudicielle, prévoit ce qui suit:

«1. Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires:

a) de son nom et de son adresse;

b) d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci;

c) de la marque lorsqu’elle est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoires ou pièces détachées,

pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.»

III – Les faits dans le litige au principal et les questions préjudicielles

11. Adidas AG est, par l’effet de quelque sept enregistrements effectués au Benelux, ainsi qu’au niveau international, titulaire au Benelux de marques figuratives, consistant, à chaque fois, en un motif de trois bandes verticales parallèles, de largeur égale, qui sont apposées latéralement sur toute la longueur des épaules, des manches et des jambes, et/ou sur les coutures latérales des vêtements, et dont la couleur contraste avec la couleur principale des vêtements. Les marques ont été enregistrées pour des vêtements de sport et de loisirs.

12. L’entreprise allemande susvisée qui avait accordé une licence exclusive pour la distribution de ses produits au Benelux à sa filiale Adidas BV (ci-après, indistinctement, «Adidas») est en conflit au sujet de ses droits avec les entreprises du secteur textile Marca Mode, C&A Nederland (ci-après «C&A»), Hennes & Mauritz Netherlands BV (ci-après «H&M») et Vendex KBB Nederland BV (ci-après «Vendex») (ci-après, conjointement, les «quatre sociétés défenderesses»), également établies aux Pays-Bas.

13. En 1986, Adidas a constaté que Marca Mode et C&A avaient commencé à vendre des vêtements de sport et de loisirs sur lesquels figuraient deux bandes verticales parallèles dont la couleur contrastait avec la couleur principale du vêtement (noir/blanc).

14. Il ne fait pas de doute que les protagonistes étaient d’une manière ou d’une autre en relation antérieurement aux litiges puisqu’il ressort de la décision de renvoi que, avant de s’engager dans une bataille judiciaire, Marca Mode et C&A n’étaient pas disposées à cesser d’utiliser les deux bandes verticales parallèles d’aspect nettement différent.

15. Dans le cadre d’une procédure de référé contre H&M, et dans une autre procédure au fond contre Marca Mode et C&A, toutes deux engagées devant le Rechtbank Breda (le tribunal d’arrondissement de Breda), la demanderesse en cassation, invoquant l’atteinte à ses droits de propriété industrielle, a demandé l’interdiction et l’abandon d’un signe consistant en la marque figurative à trois bandes ou de tout autre signe correspondant à la marque figurative d’Adidas, tel que le motif à deux bandes décrit ci-dessus, utilisés par les quatre sociétés défenderesses.

16. Tant H&M que Marca Mode, C&A et Vendex se sont opposées à de telles demandes. Par voie reconventionnelle, dans un premier temps, puis, dans un deuxième temps, par demande séparée, les quatre sociétés défenderesses ont demandé au Rechtbank de déclarer qu’elles étaient libres d’utiliser deux bandes pour orner des vêtements de sport et de loisirs.

17. Le juge des référés, par décision du 2 octobre 1997, ainsi que le Rechtbank saisi du fond des affaires, par jugement avant dire droit du 13 octobre 1998, ont observé qu’elles violaient, sous certains angles, les droits de marque d’Adidas.

18. Les quatre sociétés défenderesses ont alors interjeté appel contre...

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