Lafarge SA v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:71
CourtCourt of Justice (European Union)
Date11 February 2010
Docket NumberC-413/08
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62008CC0413

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN Mazák

présentées le 11 février 2010 (1)

Affaire C‑413/08 P

Lafarge SA

contre

Commission européenne

«Pourvoi – Concurrence – Entente – Marché des plaques en plâtre – Violation de l’article 81 CE – Dénaturation des faits – Charge de la preuve – Obligation de motivation – Principe d’égalité de traitement – Principe de proportionnalité – Calcul du montant de départ de l’amende – Récidive – Augmentation de l’amende – Effet dissuasif»





I – Introduction

1. Par son pourvoi, Lafarge SA (ci-après la «requérante» ou «Lafarge») demande à la Cour, inter alia, d’annuler l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre) du 8 juillet 2008, rendu dans l’affaire Lafarge/Commission (T-54/03, non publiée au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), et d’annuler la décision 2005/471/CE de la Commission, du 27 novembre 2002 (2) (ci-après la «décision attaquée»), en ce qu’elle infligeait une amende à la requérante, ou, à titre subsidiaire, d’annuler partiellement l’arrêt attaqué et de réduire le montant de l’amende infligée par la Commission des Communautés européennes à la requérante dans la décision attaquée.

II – Contexte du pourvoi

A – Le cadre juridique

2. L’article 15 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (3), dispose:

«[…]

2. La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d’un million d’unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81], paragraphe 1, ou de l’article [82] du traité,

[…]

Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

[…]»

B – La décision attaquée

3. Le 27 novembre 2002, la Commission a adopté la décision attaquée, dans laquelle elle concluait que BPB plc (ci-après «BPB»), le groupe Knauf (ci-après «Knauf»), Lafarge et Gyproc Benelux NV (ci-après «Gyproc») avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE, en concluant un ensemble d’accords et en participant à des pratiques concertées dans le secteur des plaques en plâtre (4). La Commission a considéré que BPB, Knauf, Lafarge et Gyproc avaient conclu et participé sans discontinuer à un accord complexe et continu contraire à l’article 81, paragraphe 1, CE, qui s’était manifesté par les comportements suivants, constitutifs d’accords ou de pratiques concertées:

– les représentants de BPB et de Knauf se sont rencontrés à Londres en 1992 et ont exprimé la volonté commune de stabiliser les marchés du territoire de l’Allemagne (ci-après le «marché allemand»), du territoire du Royaume-Uni (ci-après le «marché britannique»), du territoire de la France (ci-après le «marché français»), des territoires des Pays-Bas, de la Belgique et du Luxembourg (ci-après le «marché du Benelux»);

– les représentants de BPB et de Knauf ont mis en place, à partir de 1992, des systèmes d’échange d’informations, auxquels Lafarge et ensuite Gyproc ont adhéré, portant sur leurs volumes de ventes sur les marchés allemand, français, britannique et du Benelux des plaques en plâtre;

– les représentants de BPB, de Knauf et de Lafarge se sont, à diverses reprises, informés réciproquement à l’avance des hausses de prix sur le marché britannique;

– faisant face à des développements particuliers du marché allemand, les représentants de BPB, de Knauf, de Lafarge et de Gyproc se sont rencontrés à Versailles en 1996, à Bruxelles en 1997 et à La Haye en 1998 en vue de se répartir ou, tout au moins, de stabiliser le marché allemand;

– les représentants de BPB, de Knauf, de Lafarge et de Gyproc se sont informés réciproquement, à diverses reprises, et se sont concertés sur l’application de hausses de prix sur le marché allemand entre 1996 et 1998.

4. La durée de participation à l’infraction a été la suivante:

– ««BPB: du 31 mars 1992, au plus tard, au 25 novembre 1998,

– Knauf: du 31 mars 1992, au plus tard, au 25 novembre 1998,

– Lafarge: du 31 août 1992, au plus tard, au 25 novembre 1998,

– Gyproc: du 6 juin 1996, au plus tard, au 25 novembre 1998» (5).

5. La Commission a estimé, vu la nature des comportements examinés, leur impact concret sur le marché des plaques en plâtre, qui était fortement concentré et de nature oligopolistique, et le fait qu’ils ont visé les quatre principaux marchés au sein de la Communauté européenne, que les entreprises destinataires de la décision attaquée avaient commis une infraction très grave à l’article 81, paragraphe 1, CE. La Commission a appliqué un traitement différencié aux entreprises concernées afin de prendre en considération la capacité économique effective des entreprises visées à causer un dommage significatif à la concurrence et afin de fixer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif. Eu égard, notamment, à la considérable disparité dans la taille des entreprises ayant participé à l’infraction, la Commission a ainsi fixé le montant de départ des amendes, en fonction de la gravité:

– «BPB: 80 millions d’euros,

– Knauf: 52 millions d’euros,

– Lafarge: 52 millions d’euros,

– Gyproc: 8 millions d’euros» (6).

6. Afin d’assurer un caractère suffisamment dissuasif des amendes infligées et au regard de la taille importante et des ressources globales de cette entreprise, le montant de départ de l’amende de Lafarge a été majoré de 100 %; il a donc été porté à 104 millions d’euros. La Commission a conclu que l’infraction avait été de longue durée (plus de cinq ans) pour Knauf, BPB et Lafarge et de durée moyenne (de un à cinq ans) dans le cas de Gyproc; en conséquence, elle a majoré de 65 % le montant de base de l’amende infligée à BPB et à Knauf Westdeutsche Gipswerke, de 60 % le montant de base de l’amende infligée à Lafarge et de 20 % le montant de base de l’amende infligée à Gyproc. S’agissant des circonstances aggravantes, la Commission a indiqué que BPB et Lafarge avaient déjà fait l’objet de mesures antérieures de la Commission dans des affaires d’entente, respectivement dans les décisions 94/601/CE (7) et 94/815/CE (8) de la Commission.

7. La Commission a notamment indiqué qu’elle avait déjà imposé une amende à Lafarge (alors dénommée Lafarge Coppée SA) pour avoir participé à une entente illicite dans le secteur du ciment. Lafarge a continué à participer activement à une entente dans le secteur des plaques en plâtre, après que lui a été notifiée la décision susmentionnée. Le fait que cette entreprise a répété le même type de comportement dans un secteur autre que celui pour lequel elle a été sanctionnée révèle, selon la Commission, que la première sanction infligée n’a pas conduit cette entreprise à modifier son comportement et que cela constituait donc une circonstance aggravante.

8. La Commission a donc augmenté de 50 % le montant de base de l’amende infligée à BPB et à Lafarge.

9. Gyproc s’est vu accorder une réduction de 25 % du montant de base de l’amende au titre de circonstance atténuante. La Commission a également accordé une réduction du montant des amendes de 30 % pour BPB et de 40 % pour Gyproc conformément à la communication de la Commission concernant la non‑imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (9) (ci-après la «communication sur la coopération»). Les amendes suivantes ont donc été infligées aux entreprises suivantes:

– «BPB PLC: 138,6 millions d’euros;

– Gebrüder Knauf Westdeutsche Gipswerke KG: 85,8 millions d’euros;

– Société Lafarge SA: 249,6 millions d’euros;

– Gyproc Benelux NV: 4,32 millions d’euros» (10).

C – La procédure devant le Tribunal

10. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 février 2003, Lafarge a, inter alia, conclu à l’annulation de la décision attaquée ou, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée dans cette décision. Au soutien de ses conclusions, Lafarge a soulevé six moyens de recours. Le premier moyen était tiré de la violation des droits de la défense. Le deuxième moyen était tiré, d’une part, de la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE et, d’autre part, d’erreurs manifestes d’appréciation. Le troisième moyen était tiré de la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE, en ce que la décision attaquée établissait l’existence d’une infraction unique et continue, et concluait que Lafarge y avait participé. Le quatrième moyen était tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 en ce qui concerne le chiffre d’affaires retenu pour le calcul de l’amende. Le cinquième moyen était fondé sur l’illégalité de la décision attaquée en ce qu’elle infligeait à Lafarge une amende globale pour des infractions distinctes. Le sixième moyen était tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, ainsi que de principes généraux, dans le calcul du montant de l’amende.

11. Dans son arrêt du 8 juillet 2008, le Tribunal a rejeté le recours de Lafarge. Cette dernière a été condamnée à supporter ses propres dépens et ceux exposés par la Commission. Dans le présent pourvoi, Lafarge conteste les points de l’arrêt attaqué qui traitent des deuxième, troisième et sixième moyens soulevés devant le Tribunal.

III – Procédure de pourvoi

12. Le 22 septembre 2008, Lafarge a formé un pourvoi contre l’arrêt attaqué. Lafarge conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– annuler l’arrêt attaqué, et

– faire droit aux conclusions présentées par Lafarge en première instance, et annuler par conséquent la décision attaquée, en ce qu’elle impose une amende à Lafarge;

–...

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