Pearle BV, Hans Prijs Optiek Franchise BV and Rinck Opticiëns BV v Hoofdbedrijfschap Ambachten.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:145
Date11 March 2004
Celex Number62002CC0345
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-345/02
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER
présentées le 11 mars 2004(1)



Affaire C-345/02

Pearle BV e.a.
contre
Hoofdbedrijfschap Ambachten


[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]

«Aides d'État – Notion d'aide – Campagnes publicitaires collectives en faveur d'une branche économique – Financement opéré par une contribution spéciale à la charge des entreprises de cette branche – Financement décidé par un organisme de droit public»






Introduction 1. La présente affaire préjudicielle, dont vous avez été saisis par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême) (Pays-Bas), soulève des problèmes affectant un bon nombre d'éléments constitutifs du régime communautaire des aides d'État: la notion d'aide, la relation entre l'avantage octroyé et les moyens de le financer, la portée de l'obligation de notification, le rôle joué par la règle de minimis et les conséquences internes de l'absence de notification, entre autres. 2. Le paradoxe est qu'il ne s'agit pas, à première vue, d'un des cas auxquels le législateur a pu penser lorsqu'il a doté la Communauté d'instruments pour se protéger d'un interventionnisme étatique excessif, susceptible de fausser le jeu intracommunautaire de la concurrence: la procédure au principal vise à faire constater l'invalidité des mesures ayant permis de lancer, sous la férule d'un organisme professionnel, une campagne publicitaire collective de promotion des services des opticiens, ainsi qu'à obtenir le remboursement des charges supportées par les entrepreneurs affiliés pour le financement de cette campagne. Les entreprises requérantes dans la procédure au principal ne sont pas des concurrentes lésées par le régime d'aides, mais ses bénéficiaires théoriques. Elles utilisent les moyens qui garantissent l'effet utile du droit communautaire pour attaquer en justice une mesure qu'elles considèrent comme défavorable à leurs intérêts économiques. Droit applicable A – Réglementation communautaire 3. L'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE) dispose: «Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.» 4. L'article 93 du traité CE (devenu article 88 CE) précise que: «1. La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun. 2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine. […] 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 92, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.» 5. Conformément au premier alinéa de la communication de la Commission, du 6 mars 1996, relative aux aides de minimis (2) : «[…] Si toute intervention financière de l'État accordée à une entreprise fausse ou risque de fausser, dans une mesure plus ou moins importante, la concurrence entre cette entreprise et ses concurrents qui ne bénéficient pas d'une telle aide, toute aide n'a pas un impact sensible sur les échanges et la concurrence entre États membres. Ceci vaut en particulier pour les aides dont le montant est très peu élevé [...]» 6. Aux termes du deuxième alinéa de la communication, l'article 92, paragraphe 1, du traité peut être considéré comme inapplicable aux aides d'un montant n'excédant pas 100 000 écus (actuellement 100 000 euros), octroyées pour une période de trois ans à partir de la première aide de minimis. Ce seuil est fixé pour toutes les catégories d'aide, quels que soient leurs formes et leurs objectifs, à l'exception de celles accordées à l'exportation, qui sont exclues du bénéfice de la mesure. B – Droit néerlandais 7. La Wet op de bedrijfsorganisatie (loi néerlandaise sur l'organisation professionnelle, ci-après la «WBO») du 27 janvier 1950, réglemente la mission, la composition, les méthodes de travail, les aspects financiers et le régime de surveillance des groupements professionnels auxquels est confiée une responsabilité propre dans l'organisation et le développement de leur secteur d'activité. 8. Conformément à l'article 71 de la WBO, ces groupements professionnels, en tant qu'organismes publics, doivent tenir compte non seulement de l'intérêt commun des entreprises affiliées, mais également de l'intérêt général. 9. Aux termes de l'article 73 de la WBO, les organes directeurs des groupements professionnels sont composés, paritairement, de délégués d'organisations représentatives des entrepreneurs et des salariés. 10. Le législateur néerlandais a conféré aux groupements professionnels les facultés nécessaires pour réaliser leur mission. Ainsi l'article 93 de la WBO permet-il à leurs organes directeurs de promulguer les règlements qu'ils estiment nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches, tant dans l'intérêt des entreprises du secteur économique en cause qu'en ce qui concerne les conditions de travail des salariés. Ces règlements sont approuvés par le Sociaal‑Economische Raad (Conseil économique et social), à condition toutefois de ne pas entraîner de restriction de la concurrence (article 93, paragraphe 5, de la WBO). 11. L'article 126 de la WBO permet aux groupements professionnels d'adopter, pour faire face à leurs dépenses, des règlements qui imposent des contributions à leurs affiliés. Les contributions générales financent le fonctionnement ordinaire de l'organisme, tandis que les «charges affectées obligatoires» visent des objectifs spécifiques. Conformément à l'article 127, ces paiements peuvent être recouvrés par commandement d'huissier. 12. Par ailleurs, la Wet administratieve rechtspraak bedrijfsorganisatie (loi néerlandaise sur les recours administratifs des organisations professionnelles), du 16 septembre 1954, dans sa version modifiée, fixe le régime des recours de contentieux administratif en matière de groupements professionnels. La procédure au principal 13. Pearle BV, Hans Prijs Optiek Franchise B.V. et Rinck Opticiens BV (ci‑après «Pearle e.a.» ou simplement «Pearle») sont des sociétés établies aux Pays-Bas qui se consacrent au commerce de matériel d'optique. En cette qualité, elles sont affiliées, en vertu de la WBO (3) , au Hoofdbedrijfschap Ambachten (groupement interprofessionnel de l'artisanat, ci-après le «HBA»), un organisme professionnel de droit public. 14. À la demande d'une association privée d'opticiens, la Nederlandse Unie van Opticiens (Union néerlandaise des opticiens, ci‑après la «NUVO»), dont Pearle e.a. faisaient alors partie, le HBA a imposé à ses membres, pour la première fois en 1988, une «charge affectée obligatoire» (4) destinée à financer une campagne publicitaire collective en faveur des entreprises du secteur. Cette contribution devait également servir à permettre la création d'une commission consultative annexée à l'organe directeur du HBA, la Commissie Optiekbedrijf. 15. La contribution imposée à Pearle e.a. s'est élevée à 850 NLG par établissement. Les règlements qui instauraient la redevance litigieuse, renouvelés chaque année jusqu'en 1998, n'ont jamais été contestés par les entreprises affiliées. 16. Pearle e.a. ont néanmoins estimé que les campagnes publicitaires collectives organisées par le HBA bénéficiaient surtout à leurs concurrents et grevaient inutilement leur propre budget publicitaire. 17. Le 29 mars 1995, elles ont saisi le tribunal civil de La Haye d'un recours contre le HBA en vue d'obtenir l'annulation des règlements ayant institué les contributions en question et le remboursement des montants versés. 18. La thèse des requérantes au principal était que les services fournis sous forme de campagnes publicitaires constituaient des aides d'État, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, de sorte que les règlements qui en ont imposé le financement auraient dû être communiqués à la Commission en vertu de l'article 93, paragraphe 3. Faute de notification, les mesures d'aide seraient dépourvues de base juridique. 19. La juridiction de première instance a rejeté les arguments des parties requérantes; ce rejet ayant été confirmé en appel, elles se sont pourvues en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden. Les questions préjudicielles 20. Dans ces circonstances, le Hoge Raad a sursis à statuer le 27 septembre 2002 et a saisi la Cour de justice des questions préjudicielles suivantes: «1) Le système en cause ici, imposant le prélèvement de charges en vue du financement de campagnes publicitaires collectives, doit‑il être considéré comme (une partie de) une mesure d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, CE et faut-il notifier à la Commission l'intention de le mettre en œuvre, sur la base de l'article 93, paragraphe 3, CE? Cela vaut-il uniquement pour l'organisation et...

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