ArcelorMittal Luxembourg SA v European Commission (C-201/09 P) and European Commission v ArcelorMittal Luxembourg SA and Others (C-216/09 P).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:634
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-216/09,C-201/09
Date26 October 2010
Celex Number62009CC0201
Procedure TypeRecurso de anulación

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Yves Bot

présentées le 26 octobre 2010 (1)

Affaires jointes C‑201/09 P et C‑216/09 P

ArcelorMittal Luxembourg SA, anciennement Arcelor Luxembourg SA (C‑201/09 P)

contre

Commission européenne


et


Commission européenne (C‑216/09 P)

contre

ArcelorMittal Luxembourg SA, anciennement Arcelor Luxembourg SA,

ArcelorMittal Belval & Differdange SA, anciennement Arcelor Profil Luxembourg SA,

ArcelorMittal International SA, anciennement Arcelor International SA

«Pourvois – Concurrence – Ententes sur le marché des poutrelles – Annulation d’une décision de la Commission – Adoption d’une nouvelle décision après l’expiration du traité CECA – Compétence de la Commission – Choix de la base juridique – Application de l’article 65 CA après la date d’expiration du traité CECA sur le fondement du règlement (CE) n° 1/2003 – Continuité de l’ordre juridique communautaire et cohérence des traités – Principes régissant l’application de la loi dans le temps – Imputabilité des infractions – Principe de la responsabilité personnelle – Exceptions – Responsabilité d’une société mère pour les infractions au droit de la concurrence commises par sa filiale – Influence déterminante exercée par la société mère – Présomption réfragable en cas de détention d’une participation de 100 % – Responsabilité de la société à laquelle ont été transférées les activités économiques sur le marché concerné par l’entente – Critère de la continuité économique – Règles applicables en matière de prescription des poursuites – Interruption de la prescription à l’égard des entreprises ‘ayant participé à l’infraction’ – Objet de la suspension de la prescription – Effet inter partes ou erga omnes – Violation des droits de la défense – Charge de la preuve»





1. La présente affaire a pour objet le pourvoi formé par ArcelorMittal Luxembourg SA (2) (C‑201/09 P) et celui formé par la Commission européenne (C‑216/09 P), dans le cadre duquel ArcelorMittal Belval & Differdange SA (3) et ArcelorMittal International SA (4) ont introduit un pourvoi incident. Ces pourvois ont été dirigés à l’encontre de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission (5).

2. Cette affaire a pour origine la décision de la Commission du 8 novembre 2006 relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles (Affaire COMP/F/38.907 – Poutrelles en acier). Par cette décision, la Commission a constaté que lesdites entreprises, appartenant à une seule et même entreprise, ont enfreint, du 1er juillet 1988 au 16 janvier 1991, l’article 65, paragraphe 1, CA, en fixant les prix, en attribuant des quotas et en échangeant des informations sur le marché communautaire des poutrelles (6). À ce titre, la Commission a condamné à titre solidaire ARBED, TradeARBED et ProfilARBED au paiement d’une amende de 10 millions d’euros.

3. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse pour autant qu’elle concerne TradeARBED et ProfilARBED.

4. Il convient, d’emblée, d’indiquer que ces pourvois soulèvent certaines questions identiques, voire étroitement liées à celles qui se posent dans le cadre du pourvoi introduit contre l’arrêt du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission (7), actuellement pendant devant la Cour (ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P), à l’occasion duquel nous présentons également des conclusions.

5. La première question concerne l’interprétation des règles relatives à la prescription des poursuites et, en particulier, de la suspension de celle-ci. Il s’agit de savoir si, lorsqu’un recours est introduit devant le juge de l’Union, la suspension de la prescription a un effet relatif, c’est-à-dire qu’elle ne vaut qu’à l’égard de l’entreprise requérante (thèse retenue par le Tribunal dans l’arrêt attaqué), ou erga omnes, auquel cas la suspension de la prescription pendant la procédure vaut à l’égard de toutes les entreprises ayant participé à l’infraction, qu’elles aient ou non formé un recours (thèse soutenue par la Commission).

6. La deuxième question concerne la validité de la base juridique de la décision litigieuse. En effet, alors que le traité CECA a expiré le 23 juillet 2002, la Commission s’est fondée sur les dispositions du règlement (CE) n° 1/2003 (8) pour constater et sanctionner l’infraction commise à l’article 65, paragraphe 1, CA.

7. La troisième question concerne l’imputabilité de l’infraction commise par TradeARBED. En effet, la Commission a, tout d’abord, imputé la responsabilité de ce comportement à ARBED après avoir démontré que cette dernière avait effectivement exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Puis, la Commission a imputé la responsabilité de l’infraction qu’ARBED était donc censée avoir commise à ProfilARBED, considérant que cette dernière était le successeur économique de la première dans le domaine de la production de poutrelles. La Commission a donc successivement appliqué les deux exceptions au principe de la responsabilité personnelle que la Cour tolère lorsque nous sommes en présence d’un groupe de sociétés.

8. En ce qui concerne la mise en cause d’ARBED, la Cour est une nouvelle fois interrogée sur la nature et la portée de la présomption selon laquelle une société mère qui détient 100 % du capital de sa filiale exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de celle-ci et doit, par conséquent, répondre du comportement anticoncurrentiel de sa filiale.

9. En ce qui concerne la mise en cause de ProfilARBED, la question est de savoir s’il était nécessaire, voire même possible, de déroger une nouvelle fois au principe de la responsabilité personnelle en lui imputant la responsabilité du comportement anticoncurrentiel d’ARBED et, par ricochet, celle de TradeARBED.

I – Le cadre juridique

A – Les dispositions du traité CECA

10. L’article 65 CA dispose:

«1. Sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence et en particulier:

a) à fixer ou à déterminer les prix;

b) à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements;

c) à répartir les marchés, produits, clients ou sources d’approvisionnement.

[…]

4. Les accords ou décisions interdits en vertu du paragraphe 1 du présent article sont nuls de plein droit et ne peuvent être invoqués devant aucune juridiction des États membres.

La [Commission] a compétence exclusive, sous réserve des recours devant la Cour, pour se prononcer sur la conformité avec les dispositions du présent article desdits accords ou décisions.

5. La [Commission] peut prononcer contre les entreprises qui auraient conclu un accord nul de plein droit, appliqué ou tenté d’appliquer, par voie d’arbitrage, dédit, boycott, ou tout autre moyen, un accord ou une décision nuls de plein droit ou un accord dont l’approbation a été refusée ou révoquée, ou qui obtiendraient le bénéfice d’une autorisation au moyen d’informations sciemment fausses ou déformées, ou qui se livreraient à des pratiques contraires aux dispositions du paragraphe 1, des amendes et astreintes au maximum égales au double du chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet de l’accord, de la décision ou de la pratique contraires aux dispositions du présent article, sans préjudice, si cet objet est de restreindre la production, le développement technique ou les investissements, d’un relèvement du maximum ainsi déterminé à concurrence de 10 % du chiffre d’affaires annuel des entreprises en cause, en ce qui concerne l’amende, et de 20 % du chiffre d’affaires journalier, en ce qui concerne les astreintes.»

11. Conformément à l’article 97 CA, le traité CECA a expiré le 23 juillet 2002.

B – Les dispositions du traité CE

12. L’article 305, paragraphe 1, CE, abrogé à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, énonçait:

«Les dispositions du présent traité ne modifient pas celles du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, notamment en ce qui concerne les droits et obligations des États membres, les pouvoirs des institutions de cette Communauté et les règles posées par ce traité pour le fonctionnement du marché commun du charbon et de l’acier.»

C – Le règlement n° 1/2003

13. Le règlement n° 1/2003, nous le rappelons, est relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 CE et 82 CE.

14. L’article 7, paragraphe 1, de ce règlement est rédigé comme suit:

«Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou 82 [CE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée […] Lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu’une infraction a été commise dans le passé.»

15. En vertu de l’article 23, paragraphe 2, sous a), dudit règlement, la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et aux associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions des articles 81 CE ou 82 CE.

16. L’article 25 du règlement n° 1/2003 édicte les dispositions relatives à la prescription des poursuites.

17. Ces règles sont en substance identiques à celles visées dans la décision n° 715/78/CECA de la Commission, du 6 avril 1978, relative à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans le domaine d’application du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (9).

18. En application de l’article 1er...

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