Monsanto SAS and Others v Ministre de l'Agriculture et de la Pêche.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:170
Docket NumberC-58/10,C-68/10
Celex Number62010CC0058
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date22 March 2011

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 22 mars 2011 (1)

Affaires jointes C‑58/10 à C‑68/10

Monsanto SAS et autres

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

«Denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés – Mesures nationales interdisant ou suspendant l’utilisation et/ou la vente de ces produits après l’autorisation de mise sur le marché – Compétence des autorités nationales pour adopter ces mesures»





1. Par la présente affaire, née de la jonction de pas moins de onze procédures, la Cour a de nouveau l’occasion de se prononcer en matière d’organismes génétiquement modifiés (ci-après également dénommés les «OGM»). Le cœur du problème juridique essentiel à résoudre est relativement limité. Il s’agit en effet, en ce qui concerne certains produits autorisés par le passé au titre d’une réglementation déterminée, mais dont l’autorisation doit être renouvelée et régie sur la base d’une réglementation plus récente, de déterminer si, pour l’adoption de mesures d’urgence éventuelles pendant la période de transition entre l’ancienne et la nouvelle autorisation, ce sont les règles de la première ou de la deuxième réglementation, ou encore des deux, qui doivent s’appliquer.

2. Le produit qui fait l’objet du litige est une variété de maïs utilisée sur le territoire de l’Union comme aliment pour animaux: il s’agit du maïs MON 810, développé par la société Monsanto SAS (ci-après «Monsanto») et qui, grâce à une modification génétique, est particulièrement résistant à certains parasites.

I – Le cadre juridique

3. Le cadre juridique pertinent pour la solution de la présente affaire est constitué par trois catégories de règles. Il s’agit, en premier lieu, des règles relatives à la «dissémination volontaire dans l’environnement», c’est-à-dire principalement à la culture et à la vente d’OGM, contenues dans la directive 90/220/CEE et, à présent, dans la directive 2001/18/CE. Il s’agit, en deuxième lieu, des règles relatives à la sécurité alimentaire, plus précisément du règlement (CE) n° 178/2002. Il s’agit enfin, en troisième lieu, du règlement (CE) n° 1829/2003, qui constitue l’objet principal de l’interprétation à laquelle il est demandé à la Cour de procéder en l’espèce, et par lequel le législateur a entendu uniformiser autant que possible la réglementation applicable aux OGM: ledit règlement a en partie remplacé et en partie complété les règles précédemment applicables.

A – La directive 90/220/CEE

4. La directive 90/220 (2) a été la première à introduire un système uniforme d’autorisation de la dissémination d’OGM dans l’environnement au niveau communautaire. Le mécanisme qu’elle prévoyait reposait, de façon générale, sur la délivrance d’une autorisation par un État membre, subordonnée à l’absence d’opposition des autres États pendant un certain délai. En cas de désaccord, la décision appartenait à la Commission européenne. L’autorisation délivrée par un État membre était, en tout état de cause, valable pour toute la Communauté.

5. Comme on le verra en reconstituant les faits de la présente affaire, le MON 810 a initialement été autorisé au titre de cette directive.

B – La directive 2001/18/CE

6. La directive 2001/18 (3) (ci-après également dénommée la «directive») a abrogé et remplacé la directive 90/220. Le système d’autorisation de la dissémination d’OGM dans l’environnement est resté en grande partie semblable à celui de la directive précédente, même si certaines modifications y ont été apportées. En particulier, la directive 2001/18 a introduit le principe de la durée limitée (dix ans au maximum) de l’autorisation, en prévoyant une procédure simplifiée pour le renouvellement des autorisations déjà octroyées au titre de la directive 90/220.

7. L’article 12 de la directive dispose notamment:

«1. Les articles 13 à 24 ne s’appliquent pas aux OGM en tant que produits ou éléments de produits dans la mesure où ils sont autorisés par une législation communautaire qui prévoit une évaluation spécifique des risques pour l’environnement, effectuée conformément aux principes énoncés à l’annexe II et sur la base des informations spécifiées à l’annexe III, sans préjudice des exigences supplémentaires prévues par la législation communautaire mentionnée ci-dessus, et qui prévoit des exigences en matière de gestion de risques, d’étiquetage, de surveillance, le cas échéant, d’information du public et de clause de sauvegarde au moins équivalentes à celles contenues dans la présente directive.

[…]».

8. L’article 17 de la directive, intitulé «Renouvellement de l’autorisation», prévoit une procédure spécifique simplifiée de renouvellement pour les OGM déjà autorisés au titre de la directive 90/220. Ce renouvellement devait être effectué avant le 17 octobre 2006.

9. L’article 22 de la directive, reprenant un principe fondamental figurant déjà dans la directive 90/220, prévoit que, «[s]ans préjudice de l’article 23, les États membres ne peuvent interdire, restreindre ou empêcher la mise sur le marché d’OGM, en tant que produits ou éléments de produits, qui sont conformes aux exigences de la présente directive».

10. L’article 23, intitulé «Clause de sauvegarde», dispose:

«1. Lorsqu’un État membre, en raison d’informations nouvelles ou complémentaires, devenues disponibles après que l’autorisation a été donnée et qui affectent l’évaluation des risques pour l’environnement ou en raison de la réévaluation des informations existantes sur la base de connaissances scientifiques nouvelles ou complémentaires, a des raisons précises de considérer qu’un OGM en tant que produit ou élément de produit ayant fait l’objet d’une notification en bonne et due forme et d’une autorisation écrite conformément à la présente directive présente un risque pour la santé humaine ou l’environnement, il peut limiter ou interdire, à titre provisoire, l’utilisation et/ou la vente de cet OGM en tant que produit ou élément de produit sur son territoire.

[…]

L’État membre informe immédiatement la Commission et les autres États membres des actions entreprises au titre du présent article et indique les motifs de sa décision […].

2. Dans un délai de soixante jours suivant la réception des informations communiquées par l’État membre, une décision est prise concernant la mesure prise par cet État membre conformément à la procédure de réglementation visée à l’article 30, paragraphe 2 […]».

C – Le règlement (CE) n° 1829/2003

11. Le règlement n° 1829/2003 (4) (ci-après également dénommé le «règlement»), bien que son titre puisse laisser penser qu’il concerne seulement la consommation d’OGM en tant que denrées alimentaires ou aliments pour animaux, a en réalité institué un système intégré qui permet aux opérateurs qui le souhaitent d’obtenir une autorisation unique, qui porte aussi bien sur la culture que sur les utilisations alimentaires d’un produit génétiquement modifié. De plus, dans le système mis en place par le règlement, l’autorisation n’est pas délivrée par un seul État membre, mais elle fait suite à une procédure qui se déroule principalement au niveau de l’Union.

12. L’article 17 du règlement, relatif aux demandes d’autorisation pour les aliments pour animaux génétiquement modifiés, prévoit:

«[…]

5. Dans le cas d’OGM ou d’aliments pour animaux contenant des OGM ou consistant en de tels organismes, la demande est également accompagnée des éléments suivants:

a) le dossier technique complet contenant les renseignements exigés dans les annexes III et IV de la directive 2001/18/CE et les informations et conclusions de l’évaluation des risques réalisée conformément aux principes énoncés à l’annexe II de la directive 2001/18/CE ou, lorsque la mise sur le marché de l’OGM a été autorisée conformément à la partie C de la directive 2001/18/CE, une copie de la décision d’autorisation;

[…]»

13. L’article 20 du règlement traite de la situation des OGM déjà autorisés au titre d’autres dispositions réglementaires. Son paragraphe 1 prévoit notamment que «les produits relevant du champ d’application de la présente section qui ont été légalement mis sur le marché dans la Communauté avant la date d’application du présent règlement peuvent continuer à être mis sur le marché, utilisés et transformés si […] dans le cas des produits qui ont été autorisés en vertu de la directive 90/220/CEE ou de la directive 2001/18/CE, y compris l’utilisation comme aliment pour animaux, […] les exploitants responsables de la mise sur le marché des produits concernés notifient à la Commission la date de la première mise sur le marché de ces produits dans la Communauté, dans les six mois qui suivent la date d’application du présent règlement».

14. Le paragraphe 2 du même article 20 précise que «[l]a notification visée au paragraphe 1 est accompagnée, le cas échéant, des éléments visés à l’article 17, paragraphes 3 et 5, que la Commission transmet à l’Autorité et aux États membres».

15. Par ailleurs, l’article 20, paragraphe 4, ajoute que, pour les produits déjà autorisés au titre de la directive 90/220 ou de la directive 2001/18, une demande de renouvellement doit être introduite «[d]ans un délai de neuf ans à compter de la date de la première mise sur le marché des produits […], mais en aucun cas avant que trois ans se soient écoulés depuis la date d’application du présent règlement».

16. Le règlement contient également une disposition relative à la possibilité d’adopter des mesures d’urgence en cas de risques pour la santé ou pour l’environnement. Il s’agit de l’article 34. Conformément à la nature du règlement, qui a centralisé la délivrance des autorisations pour les OGM, le pouvoir d’adopter des mesures d’urgence est en principe attribué à la Commission. L’article 34 est libellé comme suit:

«Lorsqu’un produit autorisé par le présent règlement ou conformément à celui-ci est, de toute évidence, susceptible de présenter un risque grave pour la santé humaine, la santé...

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