Federal Republic of Germany (C-75/05 P), Glunz AG and OSB Deutschland GmbH (C-80/05 P) v Kronofrance SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:140
CourtCourt of Justice (European Union)
Date06 March 2008
Docket NumberC-80/05,C-75/05
Celex Number62005CC0075
Procedure TypeRecurso de anulación

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Yves Bot

présentées le 6 mars 2008 (1)

Affaires jointes C‑75/05 P et C‑80/05 P

République fédérale d’Allemagne

contre

Kronofrance SA


et


Glunz AG,

OSB Deutschland GmbH

contre

Kronofrance SA


Partie défenderesse en première instance dans les deux affaires:

Commission des Communautés européennes

«Pourvois – Aides d’État – Décision de la Commission de ne pas soulever d’objections – Recours en annulation – Recevabilité – Droit des ‘parties intéressées’ – Encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale en faveur de grands projets d’investissement»





1. Les présentes affaires ont pour objet les pourvois formés par la République fédérale d’Allemagne ainsi que par Glunz AG et OSB Deutschland GmbH (2) à l’encontre de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 1er décembre 2004, Kronofrance/Commission (3). Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision de la Commission du 25 juillet 2001, relative à une aide que la République fédérale d’Allemagne envisageait d’octroyer à l’entreprise Glunz (4). Dans la décision litigieuse, la Commission des Communautés européennes a considéré, à l’issue de l’examen préliminaire visé à l’article 88, paragraphe 3, CE, que la mesure en cause constituait une aide compatible avec le marché commun et qu’il n’y avait donc pas lieu de soulever d’objections à l’octroi de celle‑ci.

2. Ces pourvois soulèvent, en substance, deux problèmes juridiques.

3. Le premier problème est lié à l’étendue des droits reconnus aux «parties intéressées» dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État. La Cour est de nouveau invitée à examiner les conditions de recevabilité applicables aux recours en annulation dirigés contre une décision de la Commission adoptée sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, CE.

4. Le second problème est relatif à l’interprétation à laquelle a procédé le Tribunal de l’encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale en faveur de grands projets d’investissement adopté par la Commission dans une communication du 7 avril 1998 (5). Cet encadrement fixe les modalités de calcul de l’«intensité maximale admissible» des aides régionales à l’investissement. Il prévoit, à cet égard, différents critères d’évaluation, dont un facteur relatif à l’état de la concurrence sur le marché. C’est la manière dont ce facteur a été calculé par la Commission qui est en cause dans les présentes affaires. La Cour est notamment saisie du point de savoir si le Tribunal n’a pas méconnu les limites de sa compétence en contrôlant l’appréciation portée par la Commission quant à la méthode d’évaluation de ce facteur, et s’il n’a pas, en tout état de cause, commis une erreur de droit dans l’interprétation des règles fixées par ledit encadrement.

5. Dans les présentes conclusions, nous proposerons à la Cour de rejeter ces pourvois.

6. Nous soutiendrons, tout d’abord, que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit dans le cadre de l’examen de la recevabilité du recours introduit par Kronofrance SA (6). Nous relèverons, à cet égard, que le Tribunal a fait une application correcte de la jurisprudence que la Cour a dégagée dans les arrêts Cook/Commission (7) ainsi que Matra/Commission (8) et qu’elle a confirmée depuis dans l’arrêt du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (9).

7. Nous démontrerons, ensuite, pourquoi, à notre sens, le Tribunal pouvait exercer un contrôle entier sur l’appréciation que la Commission a portée quant à la méthode de calcul de l’intensité maximale admissible de l’aide.

8. Enfin, nous exposerons les raisons pour lesquelles le Tribunal était, à notre avis, en droit de considérer que le calcul du facteur relatif à l’état de la concurrence nécessitait de tenir compte non seulement des capacités structurelles du marché, mais également de l’existence d’un déclin de celui‑ci.

I – Le cadre juridique communautaire

9. Nous présenterons, tout d’abord, les articles pertinents du traité CE avant de préciser les dispositions applicables du règlement (CE) n° 659/1999 (10) ainsi que les lignes directrices fixées par l’encadrement multisectoriel.

A – Le traité

10. Aux termes de l’article 87 CE, les aides accordées par les États membres ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence intracommunautaire, font l’objet d’une interdiction de principe qui est assortie des dérogations énumérées à l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE.

11. L’article 87, paragraphe 2, CE énumère les aides qui sont compatibles de plein droit avec le marché commun. Il s’agit des aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine des produits, des aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ainsi que des aides accordées à certaines régions de la République fédérale d’Allemagne afin de compenser les désavantages économiques causés par la division du territoire de cet État membre.

12. L’article 87, paragraphe 3, CE précise, quant à lui, les aides qui peuvent être déclarées compatibles avec le marché commun. Parmi celles‑ci figurent les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles sévit un grave sous‑emploi.

13. Afin d’assurer la mise en œuvre de ces dispositions, le traité, et en particulier son article 88 CE, établit une procédure de contrôle ainsi que d’autorisation préalable des aides d’État dont le rôle central est dévolu à la Commission.

14. L’article 88, paragraphe 2, CE donne ainsi pour mission à la Commission d’apprécier la compatibilité des aides avec l’article 87 CE. En vertu du premier alinéa de cette disposition, «[s]i, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine».

15. L’article 88, paragraphe 3, CE impose, quant à lui, aux États membres de notifier à la Commission leurs projets tendant à instituer ou à modifier des aides et leur interdit de mettre à exécution de tels projets, avant que la Commission ne soit parvenue à une décision conformément à l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE.

16. Ainsi, comme nous le relèverons dans le cadre de notre analyse, la procédure d’examen prévue à l’article 88 CE comprend deux phases, à savoir un examen préliminaire de la mesure projetée et, le cas échéant, si la Commission doute de la compatibilité de celle‑ci avec le marché commun, un examen plus approfondi, destiné à lui permettre d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire (11). À cet effet, conformément à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission doit inviter les intéressés à présenter leurs observations.

17. Enfin, l’article 89 CE habilite le Conseil de l’Union européenne à prendre des règlements en vue de l’application des articles 87 CE et 88 CE. En vertu de cette habilitation, le Conseil a adopté le règlement n° 659/1999.

B – Le règlement n° 659/1999

18. Le règlement n° 659/1999 a codifié la pratique par la Commission des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 88 CE. Il édicte des règles précises qui ont été rédigées en conformité avec la jurisprudence de la Cour (12).

19. Ainsi, l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999 reprend, en des termes quasi identiques, la définition que la Cour a donnée de la notion de «parties intéressées», notion qui, nous le rappelons, est au cœur des présentes affaires. Dans l’arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission (13), la Cour a considéré que les intéressés sont les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est‑à‑dire, notamment, les entreprises concurrentes et les organisations professionnelles (14). L’article 1er, sous h), de ce règlement définit la notion de «parties intéressées» comme étant «tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle‑ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles».

20. L’article 4 dudit règlement, quant à lui, est relatif à l’examen préliminaire auquel la Commission doit procéder lorsqu’un État membre lui notifie un projet tendant à instituer ou à modifier une aide.

21. Aux termes de cette disposition, la Commission peut adopter trois types de décisions. Elle peut décider que la mesure notifiée ne constitue pas une aide. Elle peut également constater qu’il n’y a aucun doute concernant la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché commun et décider de ne pas soulever d’objections à l’octroi de l’aide en cause. Enfin, elle peut décider d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE si le projet d’aide notifiée suscite des doutes quant à la compatibilité de celui‑ci avec le marché commun.

C – L’encadrement multisectoriel

22. Dans le cadre de son appréciation de la compatibilité des aides à finalité régionale, la Commission est tenue de prendre en considération, outre les effets positifs sur le développement de la région, les répercussions que ces aides peuvent entraîner sur la situation économique de certains secteurs (15).

23. C’est à cette fin que la Commission a adopté l’encadrement multisectoriel. Cet encadrement constitue des lignes directrices qui permettent à la Commission de calculer, au cas par cas, l’intensité maximale admissible des aides régionales à l’investissement (16).

24. L’intensité maximale de l’aide est calculée selon une...

To continue reading

Request your trial
9 practice notes
  • 3F v Commission of the European Communities.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • July 9, 2009
    ...a 25; Comisión/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, antes citada, apartado 37; de 11 de septiembre de 2008, Alemania y otros/Kronofrance, C‑75/05 P y C‑80/05 P, Rec. p. I‑0000, apartado 40, y British Aggregates/Comisión, antes citada, apartado 35). 35 En efecto, conforme al artículo 4, a......
  • Federal Republic of Germany (C-75/05 P), Glunz AG and OSB Deutschland GmbH (C-80/05 P) v Kronofrance SA.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • September 11, 2008
    ...Cases C-75/05 P and C-80/05 P Federal Republic of Germany and Others v Kronofrance SA (Appeals – State aid – Commission decision not to raise objections – Action for annulment – Admissibility – Interested parties – Regional aid for large investment projects – Multisectoral framework 1998) S......
  • Opinion of Advocate General Pikamäe delivered on 9 March 2023.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • March 9, 2023
    ...Eigentum (C‑78/03 P, EU:C:2005:106, point 138), et celles de l’avocat général Bot relatives aux affaires jointes Allemagne e.a./Kronofrance (C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:140, points 106 à 37 Arrêts Kronoply, point 56, et Autriche/Scheucher-Fleisch, points 47 à 50. 38 Arrêt du 22 septem......
  • British Aggregates Association v Commission of the European Communities and United Kingdom.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • December 22, 2008
    ...Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, apartado 33, así como de 11 de septiembre de 2008, Alemania y otros/Kronofrance, C‑75/05 P y C‑80/05 P, Rec. p. I‑0000, apartado 36). 27 Puesto que el presente recurso afecta a una decisión de la Comisión en materia de ayudas de Estado, proced......
  • Request a trial to view additional results
9 cases
  • 3F v Commission of the European Communities.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • July 9, 2009
    ...a 25; Comisión/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, antes citada, apartado 37; de 11 de septiembre de 2008, Alemania y otros/Kronofrance, C‑75/05 P y C‑80/05 P, Rec. p. I‑0000, apartado 40, y British Aggregates/Comisión, antes citada, apartado 35). 35 En efecto, conforme al artículo 4, a......
  • Federal Republic of Germany (C-75/05 P), Glunz AG and OSB Deutschland GmbH (C-80/05 P) v Kronofrance SA.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • September 11, 2008
    ...Cases C-75/05 P and C-80/05 P Federal Republic of Germany and Others v Kronofrance SA (Appeals – State aid – Commission decision not to raise objections – Action for annulment – Admissibility – Interested parties – Regional aid for large investment projects – Multisectoral framework 1998) S......
  • British Aggregates Association v Commission of the European Communities and United Kingdom.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • December 22, 2008
    ...Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, apartado 33, así como de 11 de septiembre de 2008, Alemania y otros/Kronofrance, C‑75/05 P y C‑80/05 P, Rec. p. I‑0000, apartado 36). 27 Puesto que el presente recurso afecta a una decisión de la Comisión en materia de ayudas de Estado, proced......
  • European Commission v Kronoply GmbH & Co. KG and Kronotex GmbH & Co. KG.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • November 25, 2010
    ...d’exemple, voir point 81 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Allemagne e.a./Kronofrance (arrêt du 11 septembre 2008, C‑75/05 P et C‑80/05 P, Rec. p. I‑6619). 20 – Arrêts du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission (T‑371/94 et T‑394/94, Rec. p. II‑2405, p......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT