European Commission v Kronoply GmbH & Co. KG and Kronotex GmbH & Co. KG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:715
CourtCourt of Justice (European Union)
Date25 November 2010
Docket NumberC-83/09
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62009CC0083

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Niilo Jääskinen

présentées le 25 novembre 2010 (1)

Affaire C‑83/09 P

Commission européenne

contre

Kronoply GmbH & Co. KG,

Kronotex GmbH & Co. KG

«Pourvoi – Aides d’État – Recours en annulation d’une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE – Conditions de recevabilité – Notion d’’intéressé’ au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE»





1. Par son pourvoi, la Commission des Communautés européennes demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 10 décembre 2008, Kronoply et Kronotex/Commission (T‑388/02, ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a déclaré recevable le recours en annulation formé par Kronoply GmbH & Co. KG (ci‑après «Kronoply») et Kronotex GmbH & Co. KG (ci‑après «Kronotex») à l’encontre de la décision C(2002) 2018 final de la Commission, du 19 juin 2002, de ne pas soulever d’objections concernant l’aide accordée par les autorités allemandes en faveur de Zellstoff Stendal GmbH pour la construction d’une usine de production de pâte à papier (ci‑après la «décision litigieuse»). La Commission demande également que le recours en annulation porté devant le Tribunal à l’encontre de ladite décision litigieuse soit déclaré irrecevable.

2. Dans le cadre de la présente affaire, la Commission invite la Cour à se départir de la jurisprudence actuelle, dite «Cook et Matra» (2), portant sur les conditions de recevabilité des recours introduits contre les décisions que la Commission adopte dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE (3).

3. À cet égard, tout en étant favorable à la protection efficace des droits procéduraux des parties intéressées au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, je propose à la Cour d’apporter à la jurisprudence Cook et Matra des précisions afin de clarifier la procédure, tout en répondant à un impératif de sécurité juridique qui préside à l’administration de la justice.

I – Les faits, la procédure et l’arrêt attaqué

A – Les antécédents du litige et la décision litigieuse

4. Kronoply et Kronotex, sociétés de droit allemand, fabriquent des matériaux dérivés du bois dans leurs sites de production implantés à Heiligengrabe, dans le Land de Brandebourg (Allemagne).

5. Par une lettre du 9 avril 2002, les autorités allemandes ont notifié à la Commission un projet d’aides d’État en faveur de Zellstoff Stendal GmbH (ci‑après «ZSG») destiné à financer la construction d’une installation de production de pâte à papier de haute qualité ainsi que la création d’une entreprise d’approvisionnement en bois et d’une entreprise de logistique à Arnebourg dans le Land de Saxe‑Anhalt (Allemagne).

6. Par une lettre du 19 juin 2002, la Commission a adopté la décision litigieuse. Le 28 septembre 2002, la Commission a, conformément à l’article 26, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1), publié au Journal officiel des Communautés européennes une communication succincte mentionnant la décision litigieuse (4).

7. Compte tenu de l’absence de surcapacités dans ce secteur et du nombre d’emplois directs (580 emplois directs dans l’usine à pâte) et indirects (environ 1 000 emplois indirects dans la région concernée ou dans les zones voisines) créés, la Commission a décidé d’autoriser les mesures notifiées, qui consistaient en un prêt non remboursable, une prime fiscale à l’investissement et une caution.

B – Sur l’arrêt attaqué

8. Par requête déposée au greffe le 23 décembre 2002, Kronoply et Kronotex ont saisi le Tribunal d’un recours en annulation de la décision litigieuse.

9. Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 25 février 2003, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité fondée sur deux moyens tirés, premièrement, du caractère tardif du recours et, deuxièmement, du défaut de qualité pour agir des requérantes. Par ordonnance du 14 juin 2005, le Tribunal a décidé de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.

10. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’exception d’irrecevabilité tirée du caractère tardif du recours tout en accueillant le moyen déniant aux sociétés requérantes la qualité pour agir en contestation du bien‑fondé de la décision litigieuse. En revanche, le Tribunal a déclaré lesdites requérantes recevables dans leur demande visant à sauvegarder des garanties procédurales tout en jugeant celle-ci non fondée.

11. En premier lieu, le Tribunal a mis en exergue, aux points 57 à 59 de l’arrêt attaqué, la distinction, dans le contrôle par la Commission de la compatibilité d’une aide d’État avec le marché commun, entre la phase préliminaire d’examen et la procédure formelle d’examen. En deuxième lieu, le Tribunal s’est appuyé, aux points 60 et 61 dudit arrêt, sur la jurisprudence en vertu de laquelle le recours d’un intéressé, au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, dirigé contre la décision de la Commission de ne pas émettre d’objections à l’issue de la phase préliminaire doit être déclaré recevable pour autant qu’il vise à sauvegarder des garanties procédurales qu’il tire de cette disposition.

12. En revanche, ayant précisé, au point 62 de l’arrêt attaqué, que, lorsqu’il s’agit de mettre en cause le bien‑fondé de la décision litigieuse, un requérant doit démontrer son statut particulier au sens de la jurisprudence Plaumann/Commission (5), le Tribunal a jugé, au point 63 de ce même arrêt, que, par leur recours, les requérantes mettaient en cause à la fois le refus de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen et le bien‑fondé de la décision litigieuse. Il s’est ainsi livré à un examen de la qualité pour agir des requérantes.

13. En ce qui concerne la qualité des requérantes pour contester le bien‑fondé de la décision litigieuse, le Tribunal a dénié aux requérantes la qualité pour agir dans la mesure où celles‑ci n’ont pas établi qu’elles disposaient d’un statut particulier au sens de l’arrêt Plaumann/Commission, précité, et a, en conséquence, rejeté ce volet du recours pour irrecevabilité aux points 64 à 69 de l’arrêt attaqué.

14. S’agissant de la qualité pour agir en vue de sauvegarder des garanties procédurales, le Tribunal a estimé, au point 77 de l’arrêt attaqué, que les requérantes ont établi à suffisance de droit un lien de concurrence et le risque de voir leur position être affectée sur le marché pour pouvoir les considérer comme des parties intéressées au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE et a, en conséquence, déclaré leur recours recevable en ce qu’elles visaient à défendre leurs droits procéduraux.

15. Sur ce fondement, le Tribunal s’est livré à un examen de chaque moyen invoqué par les requérantes.

16. Ayant relevé, au point 80 de l’arrêt attaqué, que seul le deuxième moyen portait sur l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen, le Tribunal a jugé, aux points 81 à 83 dudit arrêt, que, même s’il ne lui appartenait pas, en vertu de la jurisprudence, d’interpréter les moyens tendant exclusivement à remettre en cause le bien‑fondé de la décision comme visant en réalité à sauvegarder des droits procéduraux, il pouvait vérifier si des arguments de fond n’apportaient pas des éléments à l’appui d’un moyen soutenant l’existence de difficultés sérieuses devant justifier l’ouverture de la procédure visée à l’article 88, paragraphe 2, CE. Il a, par conséquent, déclaré recevables les premier et deuxième moyens, tout en rejetant le troisième moyen comme irrecevable. Enfin, le Tribunal a déterminé que c’est à juste titre que la Commission n’avait pas ouvert la procédure formelle d’examen.

II – Sur le pourvoi principal

A – Sur le pourvoi de la Commission

17. À l’appui de son pourvoi, la Commission invoque trois moyens.

18. Par son premier moyen, tiré d’une violation des articles 88 CE et 230, quatrième alinéa, CE, la Commission reproche au Tribunal de s’être fondé sur une jurisprudence contraire auxdits articles du traité. Le Tribunal aurait donc construit à tort son raisonnement sur le principe explicité au point 60 de l’arrêt attaqué selon lequel, lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen, la Commission constate la compatibilité d’une aide dans une décision prise sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, CE, les garanties de procédure prévues à l’article 88, paragraphe 2, CE ne peuvent jouer que si leurs bénéficiaires ont la possibilité de contester cette décision devant le juge communautaire (6).

19. Par son deuxième moyen, tiré d’une contradiction de motifs dans l’interprétation des moyens des requérantes, la Commission critique l’approche du Tribunal aboutissant, selon elle, à effacer la différence entre les moyens intéressant les droits procéduraux et les moyens de fond, réservés uniquement aux intéressés dont les droits sont sensiblement affectés par une décision de la Commission. L’interprétation à laquelle se livre le Tribunal aux points 82 et 83 de l’arrêt attaqué conduirait ainsi à élargir le concept de qualité pour agir.

20. Par son troisième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de la notion de partie intéressée, la Commission reproche au Tribunal de s’être écarté de la pratique courante en considérant que des concurrents du bénéficiaire d’une aide sur le seul marché d’approvisionnement en matières premières devaient se voir reconnaître le statut d’intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE.

III – Sur le mémoire en réponse de ZSG

21. La Commission est soutenue dans son pourvoi par ZSG qui a déposé un mémoire en réponse le 23 février 2009 en développant une argumentation propre, quoique coïncidant majoritairement avec les moyens de la Commission.

22. ZSG demande à la Cour, premièrement, d’annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il juge recevable le recours de Kronoply et de Kronotex, et deuxièmement, de rejeter dans...

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