Commission of the European Communities v Council of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1987:53
CourtCourt of Justice (European Union)
Date29 January 1987
Docket Number45/86
Celex Number61986CC0045
Procedure TypeRecours en annulation - fondé
EUR-Lex - 61986C0045 - FR 61986C0045

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 29 janvier 1987. - Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes. - Préférences tarifaires généralisées - Recours en annulation - Base juridique - Obligation de motiver les actes communautaires. - Affaire 45/86.

Recueil de jurisprudence 1987 page 01493
édition spéciale suédoise page 00055
édition spéciale finnoise page 00055


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - Les faits de la cause

1 . Les questions qui sont au centre de l' affaire sur laquelle nous présentons aujourd' hui nos conclusions sont les suivantes : sur la base de quelles dispositions du traité le Conseil des Communautés européennes pouvait-il adopter les règlements portant application de préférences tarifaires généralisées pour l' année 1986 à certains produits industriels et textiles originaires de pays en voie de développement? Lors de l' adoption desdits règlements, le Conseil était-il tenu de préciser, dans les considérants, les dispositions du traité sur lesquelles il se fondait?

2 . Le 17 décembre 1985, le Conseil des Communautés européennes, partie défenderesse, a arrêté les trois règlements suivants sur proposition de la Commission, partie requérante, après avis du Parlement européen et du Comité économique et social :

- le règlement n° 3599/85, portant application de préférences tarifaires généralisées pour l' année 1986 à certains produits industriels originaires de pays en voie de développement ( 1 );

- le règlement n° 3600/85, portant application de préférences tarifaires généralisées pour l' année 1986 aux produits textiles originaires de pays en voie de développement ( 2 ), et

- le règlement n° 3601/85, portant application de préférences tarifaires généralisées pour l' année 1986 à certains produits agricoles originaires de pays en voie de développement ( 3 ).

3 . En vertu des règlements en question - dont les premiers remontent à l' année 1971 - les droits de douane peuvent être suspendus pour une série de produits provenant des pays en voie de développement, soit en totalité, soit dans le cadre de contingents tarifaires ou de plafonds communautaires .

4 . Lorsque les contingents sont épuisés, le tarif douanier commun redevient automatiquement applicable . Dès que les plafonds individuels sont atteints au niveau de la Communauté, la perception des droits de douane à l' importation des marchandises concernées peut être rétablie . La perception des droits de douane peut aussi être rétablie lorsque l' accroissement des importations sous régime préférentiel, qui ne sont pas soumises à des contingents ou à des plafonds, provoque des difficultés économiques dans la Communauté ou dans une partie de la Communauté . Ce rétablissement des droits de douane n' est cependant pas autorisé pour les marchandises qui proviennent des pays en voie de développement les moins avancés .

5 . Pour certaines marchandises provenant des pays les plus compétitifs et soumises au régime des contingents tarifaires, les préférences tarifaires sont, au contraire, réduites de 50 %.

6 . Les contingents tarifaires sont répartis entre les États membres selon des clés forfaitaires, comportant en général l' attribution de quotas initiaux et le droit de bénéficier de quotes-parts supplémentaires dans une réserve communautaire .

7 . En général, les règlements prévoient des différences selon le degré de développement et de compétitivité des pays qu' ils favorisent et selon le caractère plus ou moins "névralgique" des produits concernés .

8 . Le système des préférences tarifaires généralisées consiste donc essentiellement en une suspension des droits de douane inscrits dans le tarif douanier commun, sans obligation juridique de la Communauté ni exigence de réciprocité, en vue de faciliter l' importation de certains produits en provenance de certains pays en voie de développement .

9 . Dans le contexte international, le système des préférences généralisées trouve son origine dans une initiative que la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement ( Cnuced ) a prise en 1964, après l' échec de la charte de La Havane de 1948, qui prévoyait déjà la possibilité de préférences régionales . Il répond à l' exigence d' une nouvelle conception des relations commerciales internationales entre les pays développés et les pays en voie de développement, conception devant accorder une plus large place aux objectifs de la politique de développement dans le domaine des relations commerciales .

10 . Dès 1961, dans une déclaration du 7 décembre, les parties contractantes à l' accord général sur les tarifs douaniers et le commerce avaient mis l' accent sur le fait que l' aide au développement et le commerce étaient intimement liés ( 4 ). Par la suite, l' octroi de préférences tarifaires a également trouvé une reconnaissance juridique; en raison de la contradiction entre les préférences généralisées et les principes fondamentaux du GATT, notamment la clause de la nation la plus favorisée, on a commencé, en 1971, par accorder une exonération de droits limitée dans le temps . Une résolution finalement adoptée dans le cadre du GATT, en 1979, a affirmé la compatibilité permanente avec l' accord général des préférences tarifaires accordées aux pays en voie de développement .

11 . Dans le règlement n° 3601/85, portant application de préférences tarifaires généralisées à certains produits agricoles - règlement qui n' est pas attaqué en l' espèce -, le Conseil a visé "le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 43"; au contraire, les considérants des règlements n°s 3599/85 et 3600/85 ne contiennent que la formule : "Vu le traité instituant la Communauté économique européenne ."

12 . Dès la première mise en oeuvre des préférences tarifaires généralisées par la Communauté, en 1971, la Commission avait proposé de fonder les règlements portant application de ces préférences ( 5 ) sur l' article 113 du traité CEE . Le Conseil n' a cependant pas suivi cette proposition et s' est contenté de viser "le traité" à titre de base juridique .

13 . En outre, s' étant également écarté des propositions de la Commission sur le fond, le Conseil s' est fondé sur l' article 149 du traité CEE pour la procédure d' adoption de la décision, qui a donc aussi été prise à l' unanimité en raison du recours à cet article .

14 . Dans une déclaration inscrite au procès-verbal, la Commission expose ses vues, différentes de celles du Conseil, sur la teneur du système des préférences tarifaires; il s' agit, en particulier, d' une différenciation plus marquée de la réglementation et de la gestion des contingents et des plafonds .

15 . La requérante considère que, d' un point de vue formel, la procédure suivie par le Conseil est irrégulière . Elle estime que cette procédure constitue à la fois une violation de l' obligation de motivation prévue à l' article 190 du traité CEE et une infraction à l' article 113 du traité CEE qui était, selon elle, la seule base juridique envisageable .

16 . Renonçant à son droit de réplique aux observations du défendeur, en mai 1986, la requérante a demandé, en application de l' article 55 du règlement de procédure, que l' affaire soit jugée par priorité .

17 . La requérante conclut à ce qu' il plaise à la Cour :

1 ) à titre principal :

- déclarer nuls et non avenus les règlements n°s 3599/85 et 3600/85 du Conseil, du 17 décembre 1985;

- statuer que les dispositions de ces règlements continueront à produire effet jusqu' aux règlements à intervenir consécutivement à l' arrêt de la Cour;

à titre subsidiaire :

- déclarer nulle et non avenue la délibération du 17 décembre 1985 du Conseil, par laquelle ce dernier, rejetant la proposition de la Commission de baser ces règlements sur l' article 113, y a substitué la formule "vu le traité";

2 ) de condamner le défendeur aux dépens .

18 . Le défendeur conclut à ce qu' il plaise à la Cour :

1 ) de rejeter le recours de la Commission tant dans ses conclusions principales que dans ses conclusions subsidiaires;

2 ) de condamner la requérante aux dépens de l' instance .

19 . Le défendeur, sans contester formellement la recevabilité du recours, exprime d' emblée des doutes sur la réalité du litige . Selon lui, la requérante vise en fait à obtenir un avis de la Cour sur l' interprétation de l' article 113 du traité CEE .

20 . Il met aussi en doute l' intérêt à agir de cette dernière, en faisant valoir que, en cas d' annulation des règlements en cause pour violation de formes substantielles, lesdits règlements seraient à nouveau adoptés, sans modification quant au fond .

21 . Il déplore certes que la base juridique des règlements attaqués n' ait pu être indiquée de manière plus précise, mais ne voit dans cette circonstance aucune violation de formes substantielles . En raison des objectifs relevant de la politique d' aide au développement que vise l' adoption des règlements en cause, il n' aurait pas été possible, selon le Conseil, d' accepter l' article 113 du traité CEE à titre de base juridique unique . C' est pourquoi, indique-t-il, le recours à l' article 235 du traité CEE a été nécessaire .

22 . En réponse à une question de la Cour de justice, le défendeur a précisé qu' il avait effectivement présents à l' esprit les articles 113 et 235 du traité CEE lorsqu' il a adopté les règlements attaqués et la formule "vu le traité ".

23 . Le détail des arguments présentés par les parties sera examiné, dans la mesure où cela sera nécessaire, dans le cadre de notre analyse juridique . Pour le reste, nous renvoyons au contenu du rapport d' audience .

B - Analyse juridique

I - Sur la recevabilité

24 . a ) Le défendeur présente une série d' objections à l' encontre de la recevabilité de la requête . Il expose qu' il n' existe en l' espèce aucun litige réel, dans la mesure...

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