Tetra Pak International SA v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:256
CourtCourt of Justice (European Union)
Date27 June 1996
Docket NumberC-333/94
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number61994CC0333
61994C0333

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 27 juin 1996 ( *1 )

1.

La présente affaire trouve son origine dans un pourvoi introduit par Tetra Pak International SA (ci-après « Tetra Pak ») contre l'arrêt prononcé par le Tribunal de première instance (ci-après le « TPI ») le 6 octobre 1994 dans l'affaire Tetra Pak/Commission ( 1 ) (ci-après l'« arrêt attaqué »). Cet arrêt a rejeté le recours en annulation introduit par Tetra Pak contre la décision 92/163/CEE ( 2 ) (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle la Commission a déclaré que cette entreprise occupait une position dominante sur les marchés des machines et des cartons aseptiques destinés au conditionnement des liquides alimentaires dans la Communauté économique européenne (ci-après la « Communauté ») et qu'elle a abusé de cette position, au sens de l'article 86 du traité CEE, depuis 1976 au moins, jusqu'en 1991, tant sur ces marchés aseptiques que sur les marchés des machines et des cartons non aseptiques ( 3 ). La Commission a infligé à l'intéressée une amende de 75 millions d'écus et lui a enjoint de mettre fin sans retard aux infractions constatées.

I — Les faits et la procédure

2.

Les faits qui sont à l'origine du litige ont été décrits par le TPI aux points 1 à 15 de l'arrêt attaqué, à partir des constatations que la Commission avait faites dans la décision attaquée et que Tetra Pak n'a pas contestées dans leur substance. Ci-après, j'exposerai ces faits, mais en suivant un ordre différent de celui de l'arrêt attaqué.

3.

Le litige se rapporte au secteur du conditionnement et du remplissage des produits alimentaires liquides et semi-liquides (le lait et les produits laitiers liquides, les jus de fruits, le vin, les eaux minérales, les sauces, les produits élaborés à base de tomate, les aliments pour bébés, etc.). Il existe divers matériaux pour la mise en récipients et le conditionnement de ce type de produits (bouteilles en plastique, bouteilles en verre, etc.), mais ces dernières années certains de ces produits sont de plus en plus souvent commercialisés dans des emballages en carton. Les faits litigieux se sont déroulés précisément sur le marché des emballages en carton pour le conditionnement des produits alimentaires liquides et semi-liquides.

4.

Les emballages en carton sont utilisés principalement pour le conditionnement des produits laitiers et, dans une moindre mesure, pour celui d'autres produits alimentaires. En 1983, 90 % des emballages en carton ont été utilisés pour le conditionnement de lait et de produits laitiers liquides. Ce taux a atteint environ 79 % en 1987, dont 72 % étaient consacrés au conditionnement de lait. Environ 16 % de ce type d'emballage a été destiné au conditionnement de jus de fruits. Les autres produits (vin, eaux minérales, produits élaborés à base de tomate, soupes, sauces et aliments pour bébés) ne représentaient que 5 % de l'utilisation des emballages en carton.

5.

En ce qui concerne le lait, qui constitue le segment principal du marché des emballages en carton, il y a lieu de souligner qu'il est vendu surtout sous forme pasteurisée (lait frais) ou après un traitement à ultra-haute température sous conditions aseptiques (lait UHT), qui permet une conservation de plusieurs mois dans un milieu non réfrigéré. Le lait « stérilisé » ne représente qu'une part assez marginale du marché communautaire.

6.

L'existence de ces procédés permet de distinguer, au sein du marché des emballages en carton, deux secteurs aux caractéristiques bien distinctes. D'une part, le secteur aseptique, qui comprend les emballages et les machines de remplissage utilisés pour le conditionnement d'aliments qui peuvent être conservés plusieurs mois dans un milieu non réfrigéré. D'autre part, le secteur non aseptique, qui englobe les emballages et machines employés dans le conditionnement de produits à consommation rapide.

7.

Un opérateur économique de premier ordre dans le secteur des emballages en carton est Tetra Pak, une société dont le siège social se trouve en Suisse et qui coordonne la politique d'un groupe d'entreprises initialement suédoises, qui a acquis des dimensions mondiales ( 4 ). Le groupe Tetra Pak est spécialisé dans les équipements utilisés pour le conditionnement dans des cartons de produits alimentaires liquides et semi-liquides, principalement le lait, et il opère tant dans le secteur de l'emballage aseptique que dans celui de l'emballage non aseptique. Ses activités consistent essentiellement à produire des emballages en carton et à fabriquer des machines de remplissage employant une technologie propre au groupe. Outre Tetra Pak, ce marché comprend encore d'autres producteurs, tant dans le secteur aseptique que dans le secteur non aseptique.

8.

En ce qui concerne les systèmes de conditionnement aseptique, la structure de l'offre est quasi monopolistique, puisque Tetra Pak contrôlait entre 90 et 95 % de ce secteur à la date d'adoption de la décision attaquée. En 1985, Tetra Pak occupait environ 89 % du marché des emballages en carton et 92 % de celui des machines aseptiques sur le territoire communautaire. Son seul concurrent réel dans le secteur de l'emballage aseptique était l'entreprise PKL, qui possédait la presque totalité du marché restant, c'est-à-dire entre 5 et 10 %.

9.

Dans le secteur aseptique, Tetra Pak produit le système dénommé « Tetra Brik », destiné essentiellement au conditionnement du lait UHT. Selon des chiffres fournis par la partie requérante, cet équipement a été lancé sur le marché en Allemagne en 1968, et dans les autres pays européens à partir de 1970. Avec cette technique, les emballages en carton sont livrés à l'utilisateur sous forme de rouleaux, qui sont aseptisés dans la machine même par trempage dans un bain de peroxyde d'hydrogène avant de venir envelopper le liquide tandis que celui-ci coule dans un environnement aseptique. Dans ce même secteur, le seul concurrent de Tetra Pak, l'entreprise PKL, contrôlée par la société suisse SIG (Société industrielle générale), produit également des emballages de carton aseptiques ayant le format « Brik », les « Combiblocs ». A la différence du procédé d'emballage en continu de Tetra Pak, ceux-ci sont préformés au moment de l'emballage. Pour des raisons techniques et parce que, en pratique, les fabricants de machines aseptiques fournissent également les cartons à utiliser sur leurs machines, la détention d'une technique de remplissage aseptique constitue la clé d'accès tant au marché des machines qu'à celui des cartons aseptiques.

10.

La structure de l'offre dans le secteur non aseptique est plus ouverte, même si elle a un caractère oligopolistique. Lorsque la Commission a adopté la décision attaquée, Tetra Pak occupait 50 à 55 % du secteur dans la Communauté. En 1985, elle détenait 48 % du marché des cartons et 52 % de celui des machines non aseptiques sur le territoire des douze États membres. Pour sa part, le groupe norvégien Elopak détenait en 1985 environ 27 % du marché des machines et des cartons non aseptiques, suivi de PKL, qui occupait 11 % de ce marché. Elopak n'était qu'un simple distributeur sur le marché des machines aseptiques avant d'acquérir la division « machines d'emballage » d'Ex-Cell-O en 1987. Les 12 % restants du marché des cartons non aseptiques se répartissaient entre trois entreprises, Schouw Packing (Danemark, approximativement 7 %, dont 50 % ont été acquis par Elopak), Mono-Emballage/Scalpack (France/Pays-Bas, environ 2,5 %) et Van Mierlo (Belgique, environ 0,5 %). Ces entreprises, dont le marché était concentré sur un seul ou sur un petit nombre de pays, fabriquaient leurs propres cartons, généralement sous licence (Ex-Cell-O reprise par Elopak en 1987, Nimco, Sealright, etc.). En ce qui concerne les machines, ces entreprises n'agissaient qu'en tant que distributeurs. Sur le marché communautaire des machines non aseptiques, les 13 % non occupés par Tetra Pak, Elopak et PKL se répartissaient entre une dizaine de petits producteurs, dont les principaux étaient Nimco (États-Unis, approximativement 4 %), Cherry Burrel (États-Unis, environ 2,5 %) et Shikoku (Japon, environ 1 %).

Partant, dans le secteur non aseptique, Elopak est le principal concurrent de Tetra Pak, mais ses activités ne s'étendent pas, pour l'heure, au secteur aseptique. La décision attaquée a estimé que le rapport entre les chiffres d'affaires de Tetra Pak et d'Elopak était de l'ordre de 7,5 à 1 en 1987. Elopak opère en Italie par l'intermédiaire d'une filiale, Elopak Italia (Milan), qui importe les emballages en carton d'autres filiales du groupe.

11.

L'emballage non aseptique, en particulier celui du lait frais pasteurisé, n'a pas besoin d'un degré de stérilité élevé et exige par conséquent un équipement nettement moins sophistiqué que l'emballage aseptique. Sur le marché des emballages non aseptiques, Tetra Pak utilisait dans un premier temps et continue d'utiliser des cartons ayant le format « Brik », mais actuellement son principal produit sur ce marché est un carton de format « Gable Top », en forme de pignon, le « Tetra Rex ». Ce carton est un concurrent direct du « Pure-Pak », produit par Elopak.

12.

Tetra Pak fabrique ses propres machines de remplissage non aseptique. En outre, à l'instar d'Elopak et de PKL, elle vend occasionnellement des machines produites par une dizaine de petits producteurs, comme Nimco, Cherry Burrel et Shikoku.

13.

Tetra Pak a développé dans la Communauté une stratégie commerciale particulière en ce qui concerne les brevets, les conditions de vente et de location et la distribution de ses produits. En premier lieu, ce groupe d'entreprises a suivi une politique de brevets particulièrement étendue...

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