Ebony Maritime SA and Loten Navigation Co. Ltd v Prefetto della Provincia di Brindisi and others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:445
Docket NumberC-177/95
Celex Number61995CC0177
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date19 November 1996
EUR-Lex - 61995C0177 - FR 61995C0177

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 19 novembre 1996. - Ebony Maritime SA et Loten Navigation Co. Ltd contre Prefetto della Provincia di Brindisi et autres. - Demande de décision préjudicielle: Consiglio di Stato - Italie. - Sanctions à l'encontre de la république fédérative de Yougoslavie - Comportement en haute mer - Confiscation d'un navire et de sa cargaison. - Affaire C-177/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-01111


Conclusions de l'avocat général

1 Le présent cas d'espèce est l'une des quatre affaires déférées à la Cour à propos de la mise en oeuvre de sanctions économiques à l'encontre de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) dans le cadre de la guerre dans l'ex-Yougoslavie (1). Ces sanctions comportaient l'interdiction de l'entrée dans la mer territoriale de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) de tout trafic à caractère commercial. La société Loten Navigation Co. Ltd est propriétaire du navire Lido II; la société Ebony Maritime est propriétaire, en tout ou en partie, de la cargaison de produits pétroliers que le navire transportait à l'époque considérée en l'espèce. Ce navire est soupçonné d'avoir violé ou essayé de violer l'interdiction susmentionnée: il était sur le point d'entrer dans la mer territoriale yougoslave lorsqu'il a été intercepté par les forces OTAN-UEO, qui l'ont ensuite remorqué vers le port italien de Brindisi. Dans le cadre de la procédure devant les juridictions italiennes compétentes, les deux sociétés contestent qu'il y ait eu violation de l'interdiction en question.

Contexte juridique

2 Pendant la guerre dans l'ex-Yougoslavie, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté un certain nombre de résolutions imposant aux États membres des Nations unies de prendre différentes mesures d'embargo et d'autres sanctions (2). Dans la résolution 757 (1992), adoptée le 30 mai 1992, le Conseil de sécurité a condamné les autorités de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) pour ne pas avoir pris de mesures efficaces en vue de satisfaire aux exigences de la résolution 752 (1992) tendant à ce qu'il soit mis fin aux combats en Bosnie-Herzégovine. Il a en conséquence adopté un embargo commercial et un embargo financier.

3 Les mesures d'embargo ont été renforcées par la résolution 820 (1993), adoptée le 17 avril 1993 (ci-après la «résolution»). Le paragraphe 25 de cette résolution a un rapport direct avec la présente affaire. Il dispose que:

«tous les États membres immobiliseront, en attendant qu'une enquête soit effectuée, tous les navires, véhicules de transport de marchandises, matériels roulants, aéronefs et cargaisons qui auront été trouvés sur leur territoire et que l'on soupçonne d'avoir été ou d'être utilisés en violation des résolutions 713 (1991), 757 (1992) ou 787 (1992), ou de la présente résolution, et s'il est établi qu'ils sont en infraction, que ces navires, véhicules de transport de marchandises, matériels roulants et aéronefs seront saisis et, selon le cas, pourront eux-mêmes ainsi que leurs cargaisons être confisqués par l'État qui les immobilise».

4 Le paragraphe 28 est tout aussi important, dans la mesure où le Conseil de sécurité y décide:

«d'interdire l'entrée dans la mer territoriale de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) à tout trafic maritime commercial, sauf lorsque le Comité créé par la résolution 724 (1991) l'aura autorisé au cas par cas ou en cas de force majeure» (3).

5 La Communauté a pris différentes mesures destinées à mettre en oeuvre les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité. Les questions dont la Cour est saisie en l'espèce ont trait au règlement (CEE) n_ 990/93 du Conseil, du 26 avril 1993, concernant les échanges entre la Communauté économique européenne et la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) (ci-après le «règlement») (4), et à la décision 93/235/CECA des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 26 avril 1993, concernant les échanges entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) (ci-après la «décision») (5).

6 En arrêtant le règlement, le Conseil s'est efforcé de donner suite au renforcement de l'embargo à l'encontre de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) décidé par la résolution. Le règlement qui était fondé sur l'article 113 du traité remplaçait et abrogeait les règlements antérieurs du Conseil concernant l'embargo (6).

7 Les considérants font référence à la situation régnant en ex-Yougoslavie, particulièrement en Bosnie-Herzégovine, au rôle joué par la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), et aux diverses résolutions du Conseil de sécurité. Il y est indiqué que:

«la Communauté et ses États membres sont convenus de recourir à un instrument communautaire, notamment afin d'assurer une mise en oeuvre uniforme dans l'ensemble de la Communauté de certaines de ces mesures».

8 La plupart des dispositions du règlement reprennent en substance les diverses mesures d'embargo visées dans les résolutions précitées du Conseil de sécurité. Les articles 1er, paragraphe 1, 9, 10 et 11 revêtent de l'importance en l'espèce:

«Article premier

1. A partir du 26 avril 1993, sont interdits:

a) l'introduction sur le territoire de la Communauté de tous produits de base et produits originaires ou en provenance de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou ayant transité par cette république;

b) l'exportation vers la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou le transit par cette dernière de tous produits de base et produits originaires ou en provenance de la Communauté ou ayant transité par cette dernière;

c) l'entrée dans la mer territoriale de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) de tout trafic à caractère commercial;

d) toute activité ayant pour objet ou pour effet de promouvoir, directement ou indirectement, les opérations mentionnées aux points a), b) ou c);

e) la fourniture à toute personne ou tout organisme de services non financiers aux fins d'une quelconque activité économique exercée par la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro).

...

Article 9

Tous les navires, véhicules de transport, matériels roulants, aéronefs et cargaisons soupçonnés d'avoir violé ou de violer le règlement (CEE) n_ 1432/92 ou le présent règlement sont immobilisés par les autorités compétentes des États membres en attendant l'enquête.

Article 10

Chaque État membre détermine les sanctions à imposer en cas de violation des dispositions du présent règlement.

Lorsqu'il est établi que des navires, véhicules de transport, matériels roulants, aéronefs et cargaisons ont violé le présent règlement, ils peuvent être confisqués par l'État membre dont les autorités compétentes ont procédé à leur saisie ou leur immobilisation.

Article 11

Le présent règlement s'applique sur tout le territoire de la Communauté, y compris son espace aérien, et sur tout aéronef ou navire relevant de la juridiction d'un État membre, ainsi que, en tout autre lieu, à tout ressortissant d'un État membre et à toute entité érigée en société ou autrement constituée sous le régime de la loi d'un État membre.»

9 La décision CECA est presque identique, à cette seule différence notable qu'elle s'applique, conformément à l'article 1er, sous a), à «tous produits de base et produits couverts par le traité CECA».

10 En Italie, la réglementation prise en application des dispositions communautaires susmentionnées est contenue en substance, pour ce qui concerne le présent litige, dans l'article 2, paragraphes 2 et 3, sous b), du décret-loi n_ 144 du 15 mai 1993, transformé en loi n_ 230 du 16 juillet 1993 (7).

11 En vertu de ces dispositions, les moyens de transport soupçonnés de violer l'embargo peuvent être arrêtés et inspectés à des fins d'enquête par les autorités douanières. Lorsqu'à la suite de cette inspection la violation des dispositions communautaires susmentionnées est établie, l'autorité compétente ordonne la confiscation de la marchandise frappée d'embargo. Lorsque le moyen de transport ne bat pas pavillon italien et n'appartient pas à un sujet de citoyenneté ou de nationalité italienne, l'autorité compétente saisit également le moyen de transport, et en informe sans délai, par le biais du ministère des Affaires étrangères, le consulat de l'État concerné afin que celui-ci prenne les mesures relevant de sa compétence. Et ce sans préjudice de la confiscation ultérieure du moyen de transport, si l'État du pavillon ne veille pas, dans un délai de vingt jours à compter de la communication, à retirer le moyen de transport après avoir payé les frais et pris l'engagement d'appliquer les sanctions prévues par la résolution.

Les faits et la procédure au principal

12 Les faits peuvent être résumés comme suit. Le Lido II est un bateau-citerne battant pavillon maltais; il appartient à la société maltaise Loten Navigation Co. Il apparaît qu'en avril 1994 le navire a appareillé du port tunisien de La Skhira en direction de Rijeka (Croatie), avec une cargaison composée de produits pétroliers destinés en partie (24 434 tonnes de «dirty gasoil») à l'acquéreur, la société Monteshell à Trieste, et pour le surplus (27 413 tonnes d'essence «premium mogas»), encore en attente d'un acquéreur à trouver sur la place de Gibraltar, conformément à la pratique commerciale et maritime. La cargaison était la propriété, en tout ou en partie, de la société de droit libérien Ebony Maritime. A l'entrée de la mer Adriatique, le Lido II a été dérouté par les forces OTAN-UEO auprès de la zone d'attente («waiting area») du port de Brindisi pour être soumis à inspection, dans le cadre des opérations de surveillance du...

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