Naime Dogan v Bundesrepublik Deutschland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:287
Date30 April 2014
Celex Number62013CC0138
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-138/13
62013CC0138

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 30 avril 2014 ( 1 )

Affaire C‑138/13

Naime Dogan

contre

Bundesrepublik Deutschland

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Berlin (Allemagne)]

«Accord d’association CEE-Turquie — Protocole additionnel — Article 41, paragraphe 1 — Réglementation nationale qui modifie les conditions d’entrée sur le territoire national à titre de regroupement familial du conjoint d’un ressortissant turc ayant exercé la liberté d’établissement — Directive 2003/86/CE — Article 7, paragraphe 2 — Réglementation nationale exigeant la preuve de connaissances linguistiques de base pour le conjoint souhaitant entrer sur le territoire national à titre de regroupement familial»

1.

Par la présente demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) no 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 ( 2 ) (ci‑après le «protocole additionnel»), relatif aux mesures à prendre au cours de la phase transitoire de l’association créée par l’accord entre la Communauté économique européenne et la République de Turquie, signé, le 12 septembre 1963, à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 ( 3 ) (ci-après l’«accord d’association»), ainsi que l’article 7, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial ( 4 ). Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Naime Dogan à la République fédérale d’Allemagne au sujet du rejet par les autorités allemandes de sa demande de délivrance d’un visa au titre de regroupement familial.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. L’accord d’association et le protocole additionnel

2.

Conformément à son article 2, paragraphe 1, l’accord d’association a pour objet de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes, en tenant pleinement compte de la nécessité d’assurer le développement accéléré de l’économie de la Turquie et le relèvement du niveau de l’emploi et des conditions de vie du peuple turc. Aux termes de l’article 13 de cet accord, «[l]es parties contractantes conviennent de s’inspirer des articles [43 CE] à [46 CE] inclus et [48 CE] pour éliminer entre elles les restrictions à la liberté d’établissement».

3.

Au titre de son article 62, le protocole additionnel fait partie intégrante de l’accord d’association. L’article 41, paragraphe 1, de ce protocole prévoit que «[l]es parties contractantes s’abstiennent d’introduire entre elles de nouvelles restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services».

2. La directive 2003/86

4.

Conformément à son article 1er, le but de la directive 2003/86 est «de fixer les conditions dans lesquelles est exercé le droit au regroupement familial dont disposent les ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire des États membres». Aux termes de son article 4, paragraphe 1, les États membres autorisent l’entrée et le séjour, sous réserve du respect des conditions visées au chapitre IV de cette directive, ainsi qu’à son article 16, des membres de la famille nucléaire, parmi lesquels le conjoint du regroupant.

5.

L’article 7 de ladite directive, inséré dans le chapitre IV, intitulé «Conditions requises pour l’exercice du droit au regroupement familial», est libellé comme suit:

«1. Lors du dépôt de la demande de regroupement familial, l’État membre concerné peut exiger de la personne qui a introduit la demande de fournir la preuve que le regroupant dispose:

a)

d’un logement […];

b)

d’une assurance maladie […];

c)

de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille […].

2. Les États membres peuvent exiger des ressortissants de pays tiers qu’ils se conforment aux mesures d’intégration, dans le respect du droit national.

En ce qui concerne les réfugiés et/ou les membres de la famille de réfugiés visés à l’article 12, les mesures d’intégration visées au premier alinéa ne peuvent s’appliquer qu’une fois que les personnes concernées ont bénéficié du regroupement familial.»

6.

Aux termes de l’article 17 de la directive 2003/86, les États membres «prennent dûment en considération la nature et la solidité des liens familiaux de la personne et sa durée de résidence dans l’État membre, ainsi que l’existence d’attaches familiales, culturelles ou sociales avec son pays d’origine, dans les cas de rejet d’une demande, de retrait ou de non-renouvellement du titre de séjour, ainsi qu’en cas d’adoption d’une mesure d’éloignement du regroupant ou des membres de sa famille».

B – Le droit allemand

7.

Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la délivrance du visa sollicité par Mme Dogan est régie par les dispositions de la loi allemande relative au séjour, au travail et à l’intégration des étrangers sur le territoire fédéral (Gesetz über den Aufenthalt, die Erwerbstätigkeit und die Integration von Ausländern im Bundesgebiet, ci-après la «loi sur le séjour des étrangers»), dans sa version résultant de la communication du 25 février 2008 ( 5 ), modifiée en dernier lieu par l’article 2 de la loi du 21 janvier 2013 ( 6 ). Sous l’intitulé «Objectif de la loi; champ d’application», l’article 1er de ladite loi dispose à son paragraphe 2, point 1:

«La présente loi ne s’applique pas aux étrangers:

1)

dont le statut est régi par la loi relative à la libre circulation des citoyens de l’Union [Gesetz über die allgemeine Freizügigkeit von Unionsbürgern], sauf disposition légale contraire, [...]»

8.

Aux termes de l’article 2, paragraphe 8:

«Une connaissance élémentaire de la langue allemande correspond au niveau A 1 du [...] cadre européen commun de référence pour les langues (recommandations du comité des Ministres du Conseil de l’Europe no R (98) 6, du 17 mars 1998, relative au cadre commun de référence pour les langues).»

9.

L’article 4, intitulé «Exigence d’un titre de séjour», prévoit à son paragraphe 1, point 1, que, «[p]our pénétrer et séjourner sur le territoire de la République fédérale, les étrangers doivent posséder un titre de séjour […] à moins qu’un droit de séjour n’existe en vertu de l’accord du 12 septembre 1963 créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie [...]. Le titre de séjour est octroyé en tant que visa au sens de l’article 6, paragraphes 1, point 1, et 3, de la présente loi».

10.

Aux termes de l’article 6, paragraphe 3, «[l]es longs séjours nécessitent la possession d’un visa pour le territoire fédéral (visa national) délivré avant d’y pénétrer. [...]».

11.

L’article 27, paragraphe 1, dispose que, «[a]ux fins de la protection du mariage et de la famille, consacrée à l’article 6 de la Constitution allemande (Grundgesetz), le titre de séjour à durée déterminée peut être délivré et prolongé pour établir ou préserver, au profit des membres de la famille étrangers, la communauté de vie familiale sur le territoire fédéral (regroupement familial)».

12.

Sous l’intitulé «Regroupement des époux», l’article 30, paragraphe 1, premier phrase, point 2, prévoit qu’«[u]n titre de séjour à durée déterminée doit être délivré au conjoint d’un étranger lorsque […] le conjoint peut s’exprimer en allemand au moins avec des mots simples […]». La deuxième phrase, point 1, du même paragraphe dispose que «[l]e titre de séjour à durée déterminée peut être délivré nonobstant le point 2 de la première phrase lorsque […] l’étranger possède un titre de séjour en vertu des articles 19 à 21 de la présente loi [titre de séjour pour certaines activités lucratives] et que le mariage était déjà contracté à l’époque où l’étranger a déplacé son centre d’intérêts sur le territoire fédéral [...]». Enfin, la troisième phrase, point 2, prévoit que «[l]e titre de séjour à durée déterminée peut être délivré nonobstant le point 2 de la première phrase lorsque […] le conjoint n’est pas en mesure, en raison d’une maladie ou d’une incapacité physique, mentale ou psychologique, de prouver qu’il dispose de connaissances élémentaires en allemand […]».

13.

Il ressort de l’ordonnance de renvoi que l’article 30, paragraphe 1, première phrase, point 2, de la loi sur le séjour des étrangers a été introduit par la loi du 19 août 2007 visant à transposer les directives de l’Union européenne en matière de droit de séjour et d’asile (Gesetz zur Umsetzung aufenthalts- und asylrechtlicher Richtlinien der Europäischen Union) ( 7 ).

II – Le litige au principal et les questions préjudicielles

14.

La requérante, ressortissante turque résidant dans ce pays, demande un visa au titre du regroupement familial avec son époux, également ressortissant turc, qui vit en Allemagne depuis 1998, où il dirige une société à responsabilité limitée dont il est l’actionnaire majoritaire et où il dispose, depuis 2002, d’un titre de séjour à durée déterminée devenu, par la suite, un titre de séjour à durée indéterminée. Avant de se marier civilement en 2007, la requérante et M. Dogan avaient déjà contracté un mariage religieux devant un imam, union dont sont issus au total quatre enfants nés au cours des années 1988 à 1993.

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