ClientEarth and Pesticide Action Network Europe (PAN Europe) v European Food Safety Authority (EFSA).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:219
CourtCourt of Justice (European Union)
Date14 April 2015
Docket NumberC-615/13
Celex Number62013CC0615
Procedure TypeRecurso de anulación
62013CC0615

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 14 avril 2015 ( 1 )

Affaire C‑615/13 P

ClientEarth

Pesticide Action Network Europe (PAN Europe)

contre

Autorité européenne de sécurité des aliments

«Pourvoi — Accès aux documents des institutions — Règlement (CE) no 1049/2001 et règlement (CE) no 45/2001 — Documents concernant l’élaboration d’une orientation sur la documentation scientifique à joindre aux demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques et de substances actives contenues dans ces produits — Refus partiel d’accès — Exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu — Notion de ‘données à caractère personnel’ — Conditions du transfert de données à caractère personnel — Démonstration de la ‘nécessité’ du transfert»

1.

La présente affaire donne à la Cour la possibilité de se prononcer sur une question relativement proche d’un problème récurrent dans sa jurisprudence, celui de l’articulation entre le régime général ou commun d’accès aux documents des institutions établi par le règlement (CE) no 1049/2001 ( 2 ) et les régimes particuliers ou spécifiques prévus par d’autres dispositions réglementaires de l’Union ( 3 ). Dans la présente affaire, il ne s’agit toutefois pas précisément d’harmoniser les dispositions du règlement no 1049/2001 et celles d’un règlement régissant l’accès à des documents faisant partie de certaines procédures ( 4 ), mais, d’une manière si l’on veut plus générale, de concilier le régime d’accès régi par le règlement no 1049/2001 et la réglementation sur le traitement des données à caractère personnel contenue dans le règlement (CE) no 45/2001 ( 5 ).

2.

En particulier, c’est la première fois que la Cour a l’occasion de se prononcer sur l’exigence que «le destinataire démontre la nécessité [ ( 6 )] [du] transfert» des données à caractère personnel, au sens de l’article 8, sous b), du règlement no 45/2001, lorsque ces données, réclamées au titre du règlement no 1049/2001, portent sur l’identité des auteurs de certains rapports professionnels élaborés par une institution.

I – Le cadre normatif

A – Le règlement no 45/2001

3.

L’article 2, sous a), du règlement no 45/2001 définit la notion de «données à caractère personnel» comme «toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable», indiquant qu’«est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale».

4.

L’article 8 de ce règlement, intitulé «Transferts de données à caractère personnel à des destinataires autres que les institutions et organes communautaires et relevant de la directive 95/46/CE», prévoit:

«Sans préjudice des articles 4, 5, 6 et 10, les données à caractère personnel ne sont transférées à des destinataires relevant de la législation nationale adoptée en application de la directive 95/46/CE que si:

a)

le destinataire démontre que les données sont nécessaires à l’exécution d’une mission effectuée dans l’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique, ou

b)

le destinataire démontre la nécessité de leur transfert et s’il n’existe aucune raison de penser que ce transfert pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée.»

B – Le règlement no 1049/2001

5.

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, «[t]out citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement».

6.

Sous le titre «Exceptions», l’article 4 de ce règlement prévoit, dans son paragraphe 1, que «[l]es institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection: […] b) de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel».

7.

Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, dudit règlement:

«L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle‑ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.»

II – Antécédents

8.

Le 25 septembre 2009, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority, ci‑après l’«EFSA») a demandé à l’une de ses unités d’élaborer une orientation pour la préparation des demandes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 1107/2009 ( 7 ). L’unité en question a formé un groupe de travail qui a finalement présenté un projet d’orientation à deux organismes de l’EFSA, d’une part, le groupe scientifique spécialisé dans les produits phytopharmaceutiques et leurs résidus (ci‑après le «PPR») et, d’autre part, le comité directeur sur les pesticides (ci‑après le «PSC»), organismes dont certains membres étaient des experts scientifiques externes.

9.

Ces experts ont été invités à présenter des observations sur le projet d’orientation. Au vu des observations présentées, le groupe de travail a apporté quelques modifications au projet, qui a été soumis à la consultation publique entre le 23 juillet et le 15 octobre 2010, dans le cadre de laquelle plusieurs personnes, dont Pesticide Action Network Europe (ci‑après «PAN Europe»), une organisation environnementale, ont présenté des observations.

10.

Le 10 novembre 2010, PAN Europe et ClientEarth (une autre organisation de protection de l’environnement) ont présenté conjointement à l’EFSA une demande d’accès à des documents en vertu du règlement no 1049/2001 et du règlement (CE) no 1367/2006 ( 8 ). La demande portait sur plusieurs documents relatifs à la préparation du projet d’orientation, y compris les observations des experts externes faisant partie du PPR et du PSC, ainsi que le nom de l’auteur de chaque observation.

11.

Par lettre du 1er décembre 2010, l’EFSA a donné accès à une partie des documents demandés. En vertu de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 1049/2001 (protection du processus décisionnel des institutions), elle a refusé l’accès à deux ensembles de documents: d’une part, différentes versions de travail du projet d’orientation et, d’autre part, les observations des experts du PPR et du PSC.

12.

L’EFSA a confirmé le refus d’accès par décision du 10 février 2011.

13.

L’orientation a été adoptée et publiée officiellement le 28 février 2011.

14.

Le 11 avril 2011, les requérantes ont introduit un recours en annulation devant le Tribunal de l’Union européenne contre la décision confirmative du 10 février 2011.

15.

Le 12 décembre 2011, l’EFSA a pris une nouvelle décision, indiquant aux requérantes qu’elle avait décidé de «retirer», d’«annuler» et de «remplacer» la décision confirmative du 10 février 2011. En vertu de la nouvelle décision, l’EFSA a donné accès à tous les documents visés par la demande initiale, à l’exception de certains dont elle n’avait pu constater l’existence.

16.

S’agissant des observations des experts externes, l’EFSA a masqué leurs noms, en se fondant sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 (vie privée et intégrité de l’individu) et sur la législation de l’Union européenne concernant la protection des données à caractère personnel. L’EFSA a signalé que la divulgation du nom des experts devait être considérée comme un transfert de données à caractère personnel au sens de l’article 8 du règlement no 45/2001 et que les conditions requises par cette disposition pour permettre un tel transfert n’étaient pas remplies.

17.

Les requérantes ont demandé au Tribunal qu’il leur soit permis d’adapter leur recours au contenu de la nouvelle décision de l’EFSA du 12 décembre 2011, l’objet du recours devenant par la suite l’annulation de cette dernière décision.

18.

Le recours présenté devant le Tribunal s’articulait en trois moyens: (A) non‑applicabilité de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, ainsi que du règlement no 45/2001; (B) existence de raisons d’intérêt public justifiant la divulgation du nom des experts, conformément à l’article 8, sous a) et b), du règlement no 45/2001; (C) violation de l’obligation de motivation.

III – L’arrêt du Tribunal

19.

Le recours a été rejeté par arrêt du Tribunal du 13 septembre 2013 ( 9 ) (ci‑après l’«arrêt attaqué»).

20.

Concernant le premier moyen, le Tribunal a considéré que le nom des experts constituait une donnée à caractère personnel au sens du règlement no 45/2001, bien que l’EFSA ait divulgué préalablement le nom, la biographie et une déclaration d’intérêts des...

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