Impresa Pizzarotti & C. Spa v Comune di Bari and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:335
Date15 May 2014
Celex Number62013CC0213
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-213/13
62013CC0213

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 15 mai 2014 ( 1 )

Affaire C‑213/13

Impresa Pizzarotti & C. SpA

contre

Comune di Bari

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Italie)]

«Marchés publics — Directives 93/37/CEE et 2004/18/CE — Notion de ‘marché public de travaux’ — Contrat à conclure portant sur la location d’un ouvrage non encore construit — Portée du principe de l’autorité de la chose jugée dans l’hypothèse d’une situation incompatible avec le droit de l’Union»

1.

Le projet de création de la nouvelle cité judiciaire de Bari (Italie), destinée à la rationalisation de l’utilisation des ressources mises à la disposition des juridictions relevant de son arrondissement par la création d’un siège unique, a, de manière pour le moins paradoxale, été le théâtre d’un contentieux abondant. En témoignent les antécédents de la présente demande de décision préjudicielle qui s’insère dans le cadre d’un litige opposant spécifiquement Impresa Pizzarotti & C. SpA (ci-après «Pizzarotti») aux autorités italiennes localement compétentes, à la suite de l’avis d’étude de marché ayant pour objet la réalisation de cette nouvelle cité judiciaire. Cette demande est concomitante à une plainte adressée à la Commission européenne par le Comune di Bari, plainte qui a donné lieu à l’ouverture d’une procédure d’infraction à l’encontre de la République italienne sur le fondement de l’article 258 TFUE.

2.

En l’occurrence, la Cour est invitée à préciser, dans le prolongement des enseignements de l’affaire dite «KölnMesse» ( 2 ), si le contrat de location d’un ouvrage en état futur d’achèvement, tel que celui visé dans l’affaire au principal, tombe ou non sous le coup des règles régissant l’attribution des marchés publics de travaux. Le cas échéant, et pour l’hypothèse où il devrait être conclu qu’une telle qualification se heurte à des décisions judiciaires passées en force de chose jugée, la Cour est amenée à se prononcer sur la portée de la règle d’intangibilité de la chose jugée en présence d’une situation considérée comme étant incompatible avec le droit de l’Union.

I – Le cadre juridique

3.

Aux termes du dixième considérant de la directive 92/50/CEE ( 3 ), «les marchés relatifs à l’acquisition ou à la location de biens immeubles ou à des droits sur ces biens présentent des caractéristiques particulières qui rendent inadéquate l’application des règles de passation des marchés».

4.

L’article 1er, sous a), de la directive 92/50 définit les «marchés publics de services», aux fins de cette directive, comme «des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur, à l’exclusion […] iii) des marchés qui ont pour objet l’acquisition ou la location, quelles qu’en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d’autres biens immeubles ou qui concernent des droits sur ces biens […]».

5.

L’article 1er, sous a), de la directive 93/37/CEE ( 4 ) définit les «marchés publics de travaux», aux fins de cette directive, comme «des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre, d’une part, un entrepreneur et, d’autre part, un pouvoir adjudicateur défini au point b) et ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement l’exécution et la conception des travaux relatifs à une des activités visées à l’annexe II ou d’un ouvrage défini au point c), soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur».

6.

Parmi les activités professionnelle visées à l’annexe II de la directive 93/37, figurent, sous la classe 50, le «Bâtiment et génie civil». Cette classe comprend, notamment, la «Construction de bâtiments et travaux de génie civil, sans spécialisation» (sous-groupe 500.1), ainsi que la «Construction d’immeubles (d’habitation et autres)» (groupe 501).

7.

Le considérant 24 de la directive 2004/18/CE ( 5 ) énonce:

«Dans le cadre des services, les marchés relatifs à l’acquisition ou à la location de biens immeubles ou à des droits sur ces biens présentent des caractéristiques particulières qui rendent inadéquate l’application de règles de passation des marchés publics.»

8.

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive:

«a)

Les ‘marchés publics’ sont des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services au sens de la présente directive.

b)

Les ‘marchés publics de travaux’ sont des marchés publics ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement la conception et l’exécution de travaux relatifs à une des activités mentionnées à l’annexe I ou d’un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. [...]

[...]»

9.

Aux termes de l’article 16 de ladite directive, intitulé «Exclusions spécifiques»:

«La présente directive ne s’applique pas aux marchés publics de services:

a)

ayant pour objet l’acquisition ou la location, quelles qu’en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d’autres biens immeubles ou qui concernent des droits sur ces biens; […]

[...]»

II – Les faits à l’origine du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

10.

Les antécédents du litige au principal, tels qu’ils ressortent en particulier de la décision de renvoi, sont caractérisés par une relative complexité. Pour les besoins de l’analyse, il convient de mentionner ce qui suit.

11.

L’affaire au principal trouve son origine dans la publication, le 14 août 2003, par le Comune di Bari d’un avis public d’étude de marché en vue de doter, dans les plus brefs délais, l’administration judiciaire d’un nouveau siège unique, idoine et approprié à l’accueil de l’ensemble des juridictions sises à Bari ( 6 ).

12.

L’avis exigeait que les soumissionnaires s’engagent à commencer les travaux de construction des ouvrages avant le 31 décembre 2003. Il requérait, en outre, des indications claires et exhaustives sur les coûts et les modalités de paiement à la charge de l’administration communale et du ministère de la Justice, compte tenu du fait que les ressources publiques disponibles s’élevaient à 43,5 millions d’euros, déjà affectés au projet, auxquels il convenait d’ajouter 3 millions d’euros correspondant aux montants des loyers annuels supportés à l’époque par le Comune di Bari pour la location des immeubles abritant les juridictions concernées. Cet avis était, enfin, accompagné d’un document, fixant un cadre d’exigences, établi par la Corte d’appello di Bari (Italie).

13.

Parmi les quatre propositions qui ont été présentées, celle de Pizzarotti a été sélectionnée par le Comune di Bari, par la décision no 1045/2003 datée du 18 décembre 2003. Cette décision prévoyait qu’une partie des ouvrages serait vendue au Comune di Bari pour la somme de 43 millions d’euros et que la partie restante serait mise à sa disposition en location pour un loyer annuel de 3 millions d’euros.

14.

Par un courrier du 4 février 2004, le ministère de la Justice a informé le Comune di Bari que les ressources publiques disponibles étaient ramenées à 18,5 millions d’euros et lui a demandé de vérifier si, eu égard aux propositions reçues, il était possible de mener à bien le projet dans les limites de ce nouveau cadre économique. Par une note du 11 février 2004, le Comune di Bari s’est enquis auprès de Pizzarotti de sa disponibilité à donner suite à la procédure entamée. Pizzarotti a répondu favorablement à cette demande, en reformulant son offre en fonction de la réduction des ressources publiques disponibles.

15.

Le financement public a été complètement supprimé en septembre 2004. Pizzarotti a présenté au Comune di Bari une nouvelle proposition faisant état de la possibilité de réaliser les ouvrages destinés à la location, tels qu’envisagés dans sa proposition initiale.

16.

Eu égard à l’inertie des autorités communales, Pizzarotti a engagé une procédure visant à dénoncer l’illégalité du silence de l’administration et à obliger le Comune di Bari à agir.

17.

Après un jugement défavorable du Tribunale amministrativo regionale per la Puglia du 8 février 2007, le Consiglio di Stato a, par l’arrêt no 4267/2007, fait droit à l’appel de Pizzarotti. Estimant que la procédure n’avait pas été clôturée par l’approbation du résultat de l’étude de marché, il a décidé que le Comune di Bari, «dans le respect des principes du raisonnable, de la bonne foi et de la confiance légitime, doit, en menant à bien ses propres actes, clore la procédure par une conclusion vraisemblablement appropriée, en vérifiant, dans le cadre des propositions parvenues, la possibilité de réaliser l’ouvrage dans les limites du cadre économique modifié».

18.

Saisi aux fins de l’exécution de son arrêt no 4267/2007, le Consiglio di Stato a, par l’arrêt no 3817/2008, constaté l’inertie du Comune di Bari et a ordonné à celui-ci d’exécuter intégralement le dispositif de son arrêt no 4267/2007 dans un délai de 30 jours. Il a nommé, en cas d’inertie prolongée, le préfet de Bari en tant que commissario ad acta, afin que celui-ci prenne, éventuellement par l’intermédiaire d’une personne déléguée, tous les actes nécessaires à l’exécution de cet arrêt.

19.

Le 21 novembre 2008, le commissario ad acta délégué par le préfet de Bari a établi la...

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