Khaled Boudjlida v Préfet des Pyrénées-Atlantiques.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2032
Date25 June 2014
Celex Number62013CC0249
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-249/13
62013CC0249

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 25 juin 2014 ( 1 )

Affaire C‑249/13

Khaled Boudjlida

contre

Préfet des Pyrénées-Atlantiques

[demande de décision préjudicielle

formée par le tribunal administratif de Pau (France)]

«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Directive 2008/115/CE — Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier — Procédure d’adoption d’une décision de retour — Principe du respect des droits de la défense — Droit d’être entendu avant l’adoption d’une décision susceptible d’affecter les intérêts d’un ressortissant de pays tiers en situation irrégulière — Contenu des droits de la défense et du droit d’être entendu — Droit de pouvoir exprimer un point de vue avec un délai de réflexion suffisant — Droit de bénéficier de l’aide d’un conseil — Limitations du droit d’être entendu»

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle, déposée au greffe de la Cour le 6 mai 2013 par le tribunal administratif de Pau (France), concerne la nature et la portée du droit d’être entendu prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») avant l’adoption d’une décision de retour en application de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Boudjlida au préfet des Pyrénées-Atlantiques. M. Boudjlida demande, notamment, l’annulation de l’arrêté du 15 janvier 2013 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé 1’Algérie, ou tout autre pays dans lequel il établirait être légalement admissible, comme lieu de destination de son éventuel éloignement.

3.

Dans les présentes conclusions, j’analyserai les conditions et les modalités dans lesquelles un ressortissant d’un pays tiers en situation irrégulière devant faire l’objet d’une décision de retour doit pouvoir exercer son droit d’être entendu tel que consacré par la jurisprudence de la Cour et confirmé par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, qu’il s’agisse notamment de la possibilité pour lui d’analyser l’ensemble des éléments qui lui sont opposés en ce qui concerne son droit au séjour, d’exprimer son point de vue après un temps de réflexion et de bénéficier de l’aide du conseil de son choix.

II – La directive 2008/115

4.

L’article 3 de la directive 2008/115, intitulé «Définitions», énonce:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

4)

‘décision de retour’: une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour;

[...]»

5.

L’article 5 de la directive 2008/115, intitulé «Non-refoulement, intérêt supérieur de l’enfant, vie familiale et état de santé», dispose:

«Lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte:

a)

de l’intérêt supérieur de l’enfant,

b)

de la vie familiale,

c)

de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers,

et respectent le principe de non-refoulement.»

6.

L’article 6 de cette directive, intitulé «Décision de retour», dispose:

«1. Les États membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5.

[…]

4. À tout moment, les États membres peuvent décider d’accorder un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs charitables, humanitaires ou autres à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. Dans ce cas, aucune décision de retour n’est prise. Si une décision de retour a déjà été prise, elle est annulée ou suspendue pour la durée de validité du titre de séjour ou d’une autre autorisation conférant un droit de séjour.

[…]

6. La présente directive n’empêche pas les États membres d’adopter une décision portant sur la fin du séjour régulier en même temps qu’une décision de retour et/ou une décision d’éloignement et/ou d’interdiction d’entrée dans le cadre d’une même décision ou d’un même acte de nature administrative ou judiciaire […]»

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

7.

M. Boudjlida, de nationalité algérienne, est arrivé en France le 26 septembre 2007 et a bénéficié de plusieurs titres de séjour en qualité d’étudiant. Il n’a pas demandé le renouvellement de son dernier titre de séjour, dont la validité expirait le 31 octobre 2012, ni sollicité la délivrance d’un nouveau titre.

8.

Bien que se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français, il a demandé le 7 janvier 2013 à s’enregistrer en tant qu’autoentrepreneur auprès de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) pour créer une microentreprise dans le domaine de l’ingénierie.

9.

En raison de sa situation irrégulière, il a été convoqué le 15 janvier 2013 par les services de la police aux frontières et a déféré volontairement à cette convocation. M. Boudjlida a été entendu par ces services sur sa situation au regard du droit au séjour en France. L’entretien, qui a duré 30 minutes, a porté sur sa demande d’enregistrement comme autoentrepreneur ainsi que sur les circonstances de son arrivée en France, sur les conditions de son séjour comme étudiant depuis cette date et sur ses liens familiaux en France et en Algérie. À la question de savoir s’il consentirait à quitter le territoire français, si telle était la décision de la préfecture, il a répondu par l’affirmative.

10.

À l’issue de cet entretien, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pris ce même 15 janvier 2013 un arrêté obligeant M. Boudjlida à quitter le territoire français, lui accordant un délai de retour volontaire de 30 jours et fixant notamment l’Algérie comme pays de destination.

11.

Le 18 février 2013, M. Boudjlida a saisi le tribunal administratif de Pau d’un recours en annulation de cet arrêté.

12.

M. Boudjlida a notamment fait valoir devant la juridiction de renvoi que l’arrêté du 15 janvier 2013 était entaché d’une erreur de droit, car, eu égard à son intégration en France et à son parcours universitaire ainsi qu’à la présence en France de deux de ses oncles professeurs d’université, il porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée. En outre, il a fait valoir que le délai de 30 jours était trop court pour quelqu’un présent sur le territoire depuis plus de cinq ans et qu’il n’avait pas effectivement bénéficié du droit d’être entendu utilement, avant la prise de l’arrêté lui ordonnant de quitter le territoire français.

13.

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a relevé qu’aucune décision de refus de titre de séjour n’avait été prise à l’encontre de M. Boudjlida. En effet, M. Boudjlida aurait obtenu, sans difficulté, le renouvellement de ses cartes de séjour entre le 26 septembre 2007 et le 31 octobre 2012 et n’aurait pas sollicité le renouvellement de son dernier titre dans les conditions prévues par la législation française, soit dans les deux mois qui précèdent l’expiration du titre précédent. Selon le préfet des Pyrénées-Atlantiques, M. Boudjlida était donc en situation irrégulière au jour de l’arrêté attaqué. Il ajoute que l’obligation de quitter le territoire français était fondée, puisque, en l’espèce, l’étranger était en situation irrégulière. En outre, en l’absence d’attaches familiales plus fortes en France que dans son pays d’origine, l’arrêté litigieux ne porterait pas une atteinte disproportionnée au droit de M. Boudjlida de mener sa vie privée et familiale. De surcroît, le délai laissé pour exécuter cette obligation serait le délai de principe et, selon le préfet des Pyrénées-Atlantiques, aucune circonstance particulière justifiant un délai plus long n’aurait été alléguée.

14.

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques défend la légalité de son arrêté en faisant référence à un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon dont il ressort que le droit d’être entendu énoncé par l’article 41 de la Charte n’implique pas pour l’administration l’obligation d’organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l’intéressé ou de l’inviter à faire valoir ses observations, une atteinte à ce droit n’étant au surplus susceptible d’affecter la régularité de la procédure que si l’intéressé établit qu’il a été privé de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influencer le contenu de la décision (arrêt du 14 mars 2013, requête no 12LY02737).

15.

Le préfet a, par ailleurs, indiqué que le droit d’être entendu de M. Boudjlida avait été respecté, puisqu’il avait pu s’entretenir pendant 30 minutes avec les services de police à la fois au sujet de sa demande d’enregistrement comme autoentrepreneur, des circonstances de son arrivée en France, de ses conditions de séjour comme étudiant depuis cette date et de la situation de sa famille. Il en est ressorti qu’il se trouvait en situation irrégulière, qu’il n’avait pas plus d’attaches en France qu’en Algérie et qu’aucune circonstance particulière ne justifiait un délai plus long de départ volontaire.

16.

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