Anacleto Cordero Alonso v Fondo de Garantía Salarial (Fogasa).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:261
Date27 April 2006
Celex Number62005CC0081
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-81/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTONIO Tizzano

présentées le 27 avril 2006 (1)

Affaire C-81/05

Anacleto Cordero Alonso

contre

Fondo de Garantía Salarial (Fogasa)

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla y León (Espagne)]

«Protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur – Indemnité de licenciement convenue par accord de conciliation – Directive 80/987/CEEDirective 2002/74/CE – Champ d’application – Principe d’égalité – Primauté du droit communautaire»





1. La présente affaire concerne trois questions préjudicielles soumises à la Cour par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla y León (Espagne), conformément à l’article 234 CE, et portant sur l’interprétation de la directive 80/987/CEE (2) du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (ci-après la «directive 80/987» ou simplement la «directive»), telle que modifiée par la directive 2002/74/CE (3) (ci‑après la «directive 2002/74»).

2. En résumé, cette affaire soulève une fois de plus la question de la compatibilité avec le droit communautaire d’une réglementation nationale qui prévoit, en cas d’insolvabilité de l’employeur, le paiement de créances dues aux travailleurs (en l’espèce, des indemnités de licenciement) par un fonds de garantie, seulement dans le cas où lesdites créances ont été reconnues par voie de jugement ou de décision administrative, à l’exclusion donc de celles résultant d’un accord de conciliation.

I – Cadre juridique

Le droit communautaire pertinent

3. L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 80/987 dispose que «[l]a présente directive s’applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l’égard d’employeurs qui se trouvent en état d’insolvabilité au sens de l’article 2, paragraphe 1».

4. Il est précisé à l’article 2, paragraphe 2, de la directive, que cette dernière «ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition des termes ‘travailleur salarié’, ‘employeur’, ‘rémunération’, ‘droit acquis’ et ‘droit en cours d’acquisition’».

5. Enfin l’article 3, paragraphe 1, dispose:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que des institutions de garantie assurent, sous réserve de l’article 4, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et portant sur la rémunération afférente à la période qui se situe avant une date déterminée.»

6. Aux fins de la présente affaire, il y a lieu de rappeler également la directive 2002/74, qui a modifié la directive 80/987 en remplaçant, pour ce qui nous intéresse ici, le texte de l’article 3 de cette dernière par le texte suivant:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que les institutions de garantie assurent, sous réserve de l’article 4, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail y compris, lorsque le droit national le prévoit, des dédommagements pour cessation de la relation de travail».

7. En vertu de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa de la directive 2002/74, entrée en vigueur le 8 octobre 2002, les États membres avaient jusqu’au 8 octobre 2005 pour «mett[re] en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive». À cet égard, il est précisé au deuxième alinéa de cette même disposition:

«[les États membres] appliquent les dispositions visées au premier alinéa à tout état d’insolvabilité d’un employeur intervenu après la date de mise en vigueur de ces dispositions.»

Le droit national

8. L’article 26 du statut des travailleurs (Estatuto de los Trabajadores), tel que modifié par le décret législatif royal n° 1, du 24 mars 1995 (4), prévoit:

«1. Sont considérés comme salaires tous les avantages économiques que les travailleurs perçoivent, en espèce ou en nature, en contrepartie des services qu’ils fournissent à titre professionnel pour le compte d’autrui dès lors que ces avantages rétribuent le travail effectif, quelle que soit la forme de la rémunération, ou les périodes de repos assimilables à du travail. [...]

2. Sont exclues de la notion de salaire les sommes perçues par le travailleur à titre de remboursement des frais qu’il a exposés à l’occasion de son activité professionnelle, les prestations et indemnités de la sécurité sociale et les indemnités correspondant à des transferts, suspensions ou licenciements.»

9. Ensuite, en vertu de l’article 33 du statut des travailleurs, dans la version résultant de la loi n° 60 du 19 décembre 1997 (5):

«1. Le Fonds de garantie salariale [ci-après le ‘Fogasa’], organisme autonome relevant du ministère du Travail et de la Sécurité sociale […] verse aux travailleurs le montant des salaires qui leur sont dus en cas d’insolvabilité, de suspension des paiements, de faillite ou de redressement judiciaire des employeurs.

[…]

2. Le Fonds de garantie salariale, dans les cas visés au paragraphe précédent, verse les indemnités reconnues par un jugement ou une décision administrative en faveur des travailleurs du fait du licenciement ou de la cessation du contrat conformément aux articles 50, 51 et 52, sous c), de la présente loi, dans la limite maximale d’une annuité, étant entendu que le salaire journalier, servant de base au calcul, ne peut excéder le double du salaire minimal interprofessionnel.»

10. Enfin, il est prévu au paragraphe 8 de cette même disposition qu’en cas de licenciement pour cause économique dans des entreprises de moins de 25 salariés le Fogasa est tenu de prendre en charge, à ses seuls dépens et sans qu’il soit nécessaire que l’employeur soit en état d’insolvabilité, 40 % de l’indemnité de licenciement.

II – Faits et procédure

11. Le 4 novembre 2002, M. Cordero Alonso a été licencié de la société Transportes San-Gom SL dans laquelle il travaillait, pour des causes imputables à la situation économique de l’entreprise.

12. À la suite du recours de M. Cordero Alonso à l’encontre de ce licenciement, celui-ci et Transportes San-Gom ont conclu un accord de conciliation, entériné ultérieurement par le magistrat saisi du recours, qui confirmait la cessation de la relation de travail pour les motifs invoqués par l’employeur et prévoyait le versement au travailleur d’une indemnité de licenciement de 5540,06 euros.

13. Transportes San-Gom ayant été déclarée insolvable le 24 avril 2003, M. Cordero Alonso a demandé au Fogasa de lui verser ladite indemnité. Ce dernier a accepté de verser à M. Cordero Alonso, en application de l’article 33, paragraphe 8, du statut des travailleurs, 40 % de l’indemnité qui lui était due, mais a refusé de lui verser les 60 % restants au motif que, selon le Fogasa, ce montant ne lui était pas dû, s’agissant d’une indemnité prévue par un accord de conciliation et non par un jugement ou une décision administrative.

14. Par arrêt du 9 juillet 2004, le Juzgado de lo Social de Palencia a rejeté le recours de M. Cordero Alonso dirigé à l’encontre de la décision du Fogasa. M. Cordero Alonso a fait appel de ce jugement auprès du Tribunal Superior de Justicia de Castilla y León, lequel, ayant des doutes quant à l’interprétation des directives 80/987 et 2002/74 et quant à la portée du principe général d’égalité ainsi que du principe de la primauté du droit communautaire, a décidé, par ordonnance du 28 janvier 2005, de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) L’obligation imposée aux États membres de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté (article 10 CE), ainsi que le principe de la primauté du droit communautaire sur le droit national, impliquent-ils par eux-mêmes et sans que des dispositions explicites du droit interne soient nécessaires, l’attribution aux organes judiciaires nationaux du pouvoir d’écarter l’application de tous les types de...

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