Opinion of Advocate General Hogan delivered on 14 January 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:2
Date14 January 2020
Celex Number62019CC0019
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 14 janvier 2020 (1)

Affaire C19/19

État belge

contre

Pantochim SA, en liquidation

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 76/308/CEE – Assistance mutuelle en matière de recouvrement de créances —Directive 2008/55/CEArticles 6 et 10 – Directive 2010/24/UE – Article 13, paragraphe 1 – Compensation entre une créance fiscale recouvrée pour le compte de l’État membre requérant et une dette fiscale de l’État membre requis – Qualité de la créance recouvrée – Interprétation du terme “privilège” »





I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, et de l’article 10 de la directive 76/308/CEE du Conseil, du 15 mars 1976, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances résultant d’opérations faisant partie du système de financement du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), ainsi que de prélèvements agricoles et de droits de douane (2), conjointement avec l’article 6, second alinéa, et l’article 10 de la directive 2008/55/CE du Conseil, du 26 mai 2008, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives à certaines cotisations, à certains droits, à certaines taxes et autres mesures (3).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’État belge à la société Pantochim SA, en liquidation. En substance, les questions posées concernent le point de savoir si une créance fiscale détenue par Pantochim à l’égard de l’État belge peut être compensée avec une créance de taxe sur la valeur ajoutée (ci‑après « TVA ») détenue par l’État allemand envers cette société. L’État allemand avait formulé une demande d’assistance auprès de l’État belge sur le fondement de la directive 76/308, telle que transposée en droit belge, afin de recouvrer la dette en question.

3. Je propose de revenir sur les faits du litige dans les présentes conclusions, mais il convient, tout d’abord, d’exposer les dispositions juridiques pertinentes.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 76/308

4. L’article 6 de la directive 76/308, dans sa version initiale, dispose :

« 1. Sur demande de l’autorité requérante, l’autorité requise procède selon les dispositions législatives, réglementaires ou administratives applicables pour le recouvrement des créances similaires nées dans l’État membre où elle a son siège, au recouvrement des créances faisant l’objet d’un titre qui en permet l’exécution.

2. À cette fin, toute créance faisant l’objet d’une demande de recouvrement est traitée comme une créance de l’État membre où l’autorité requise a son siège, […] »

5. L’article 10 de la directive 76/308, dans sa version initiale, prévoit :

« Les créances à recouvrer ne jouissent d’aucun privilège dans l’État membre où l’autorité requise a son siège. »

2. La directive 2008/55

6. Le considérant 1 de la directive 2008/55 énonce :

« La directive 76/308/CEE du Conseil du 15 mars 1976 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives à certains cotisations, droits, taxes et autres mesures a été modifiée à plusieurs reprises et de façon substantielle. Il convient, dans un souci de clarté et de rationalité, de procéder à la codification de ladite directive. »

7. L’article 6 de la directive 2008/55 dispose :

« Sur demande de l’autorité requérante, l’autorité requise procède selon les dispositions législatives, réglementaires ou administratives applicables pour le recouvrement des créances similaires nées dans l’État membre où elle a son siège, au recouvrement des créances faisant l’objet d’un titre qui en permet l’exécution.

À cette fin, toute créance faisant l’objet d’une demande de recouvrement est traitée comme une créance de l’État membre où l’autorité requise a son siège, […] »

8. L’article 10 de la directive 2008/55 prévoit :

« Nonobstant l’article 6, deuxième alinéa, les créances à recouvrer ne jouissent pas nécessairement des privilèges des créances analogues nées dans l’État membre où l’autorité requise a son siège. »

3. La directive 2010/24/UE

9. La directive 2008/55 a été abrogée avec effet au 1er janvier 2012 par l’article 29 de la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (4).

10. L’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/24 dispose :

« À la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise recouvre les créances qui font l’objet d’un instrument permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’État membre requérant. »

11. L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2010/24 prévoit :

« Aux fins du recouvrement dans l’État membre requis, toute créance faisant l’objet d’une demande de recouvrement est traitée comme une créance de l’État membre requis, sauf disposition contraire prévue dans la présente directive. L’autorité requise met en œuvre les compétences et les procédures définies par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives de l’État membre requis applicables aux créances relatives aux mêmes droits, impôts ou taxes ou, à tout le moins, à des droits, impôts ou taxes similaires, sauf disposition contraire prévue dans la présente directive.

[…]

L’État membre requis n’est pas tenu d’accorder aux créances des autres États membres les préférences accordées pour les créances analogues nées dans cet État membre, à moins qu’il n’en ait été convenu autrement entre les États membres concernés ou que la législation de l’État membre requis n’en dispose autrement. Un État membre qui accorde des privilèges pour les créances d’un autre État membre ne peut refuser d’accorder des privilèges identiques pour les créances d’autres États membres, aux mêmes conditions.

[…] »

12. L’article 13, paragraphe 5, de la directive 2010/24 énonce :

« Sans préjudice de l’article 20, paragraphe 1, l’autorité requise remet à l’autorité requérante le montant recouvré en rapport avec la créance ainsi que le montant des intérêts visés aux paragraphes 3 et 4 du présent article. »

B. Le droit belge

13. L’article 12 de la loi, du 20 juillet 1979, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives à certaines cotisations, droits, taxes et autres mesures (Moniteur belge du 30 août 1979, p. 9457, ci‑après la « loi du 20 juillet 1979 ») prévoit :

« L’autorité belge requise procède aux recouvrements demandés par l’autorité étrangère requérante comme s’il s’agissait de créances nées dans le royaume [de Belgique]. »

14. L’article 15 de cette loi énonce :

« Les créances à recouvrer ne jouissent d’aucun privilège. »

15. L’article 334 de la loi-programme du 27 décembre 2004 (Moniteur belge du 31 décembre 2004, p. 87006, ci‑après la « loi‑programme du 27 décembre 2004 »), dans sa version en vigueur jusqu’au 7 janvier 2009, prévoit :

« Toute somme à restituer ou à payer à un redevable dans le cadre de l’application des dispositions légales en matière d’impôts sur les revenus et de taxes y assimilées, de taxe sur la valeur ajoutée […] peut être affectée sans formalités par le fonctionnaire compétent au paiement […] des impôts sur les revenus, des taxes y assimilées, de la taxe sur la valeur ajoutée […] lorsque ces derniers ne sont pas ou plus contestés.

L’alinéa précédent reste applicable en cas de saisie, de cession, de situation de concours ou de procédure d’insolvabilité. »

16. L’article 334, paragraphe 1, de la loi-programme du 27 décembre 2004, tel que modifié par l’article 194 de la loi-programme du 22 décembre 2008 (Moniteur belge du 29 décembre 2008, p. 68649, ci‑après la « loi‑programme du 22 décembre 2008 ») et avant sa modification par la loi du 25 décembre 2016, tel qu’il est applicable aux faits à partir du 8 janvier 2009 dispose :

« Toute somme à restituer ou à payer à une personne, […] dans le cadre de l’application des lois d’impôts qui relèvent de la compétence du Service public fédéral Finances ou pour lesquelles la perception et le recouvrement sont assurées par ce Service public fédéral […] peut être affectée sans formalités et au choix du fonctionnaire compétent, au paiement des sommes dues par cette personne en application des lois d’impôts concernées ou au règlement de créances fiscales ou non‑fiscales dont la perception et le recouvrement sont assurés par le Service public fédéral Finances […] Cette affectation est limitée à la partie non contestée des créances à l’égard de cette personne.

L’alinéa précédent reste applicable en cas de saisie, de cession, de situation de concours ou de procédure d’insolvabilité. »

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

17. Pantochim est une société anonyme qui a été mise en liquidation par un jugement du tribunal de commerce de Charleroi (Belgique) rendu le 26 juin 2001. Dans le cadre de cette liquidation, Pantochim a entièrement apuré la créance privilégiée en matière de TVA détenue par l’État belge.

18. Celui-ci a par ailleurs déclaré au cours de la procédure de liquidation une créance détenue par l’État allemand d’un montant de 634 275, 50 euros, portant sur de la TVA et des intérêts. Cette créance spécifique de TVA (ci‑après la « créance allemande de TVA ») a été admise au passif à titre chirographaire. Il semble ressortir de la demande de décision préjudicielle que l’État allemand a formulé une demande d’assistance sur le fondement de la directive 76/308, telle que transposée en droit belge, afin de recouvrer la créance de TVA en question.

19. Le problème qui nous concerne à présent survient car Pantochim dispose d’une importante créance fiscale à l’égard de l’État belge. Lorsque l’État belge a fait part de son intention de compenser sa dette fiscale envers Pantochim avec la créance allemande de TVA sur le fondement de l’article 334 de la...

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