Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 30 April 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:328
Date30 April 2020
Celex Number62019CC0253
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 30 avril 2020 (1)

Affaire C253/19

MH,

NI

contre

OJ,

Novo Banco SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal da Relação de Guimarães (cour d’appel de Guimarães, Portugal)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Procédures d’insolvabilité – Compétence internationale – Centre des intérêts principaux du débiteur »






I. Introduction

1. La notion de « centre des intérêts principaux » constituait la clé de voûte du système établi par le règlement (CE) n° 1346/2000 (2). Cette notion figurait à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement et était utilisée comme critère de rattachement désignant les juridictions compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité à l’égard d’un débiteur. La façon dont cette notion devait être interprétée a été largement clarifiée grâce à la jurisprudence de la Cour relative aux procédures ouvertes à l’égard des personnes morales (3). La Cour n’avait toutefois pas encore eu l’occasion de se pencher sur l’interprétation de ladite notion dans le contexte des personnes physiques n’exerçant pas une profession libérale, ni toute autre activité d’indépendant, qui bénéficient de la libre circulation des personnes et des travailleurs.

2. Le règlement n° 1346/2000 a été abrogé par le règlement (UE) 2015/848 (4), qui utilise également la notion de « centre des intérêts principaux ». Dans le cadre de la présente affaire se pose la question suivante : la jurisprudence de la Cour développée dans le cadre du règlement n° 1346/2000 et relative à cette notion est-elle transposable – et si oui, dans quelle mesure – à une procédure ouverte à l’égard d’une personne physique se trouvant dans la situation évoquée plus haut ? Cette affaire donne ainsi l’occasion à la Cour de se prononcer sur la compétence en matière d’insolvabilité en ce qui concerne toute personne ne poursuivant pas d’activité indépendante, exerçant son droit à libre circulation et conservant son patrimoine dans l’État membre de sa résidence habituelle antérieure.

II. Le cadre juridique

3. L’article 3 du règlement 2015/848, intitulé « Compétence internationale », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité (ci-après dénommée “procédure d’insolvabilité principale”). Le centre des intérêts principaux correspond au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par des tiers.

Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve du contraire, être le lieu du siège statutaire. Cette présomption ne s’applique que si le siège statutaire n’a pas été transféré dans un autre État membre au cours des trois mois précédant la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.

Pour une personne physique exerçant une profession libérale ou toute autre activité d’indépendant, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve du contraire, être le lieu d’activité principal de l’intéressé. Cette présomption ne s’applique que si le lieu d’activité principal de la personne physique n’a pas été transféré dans un autre État membre au cours des trois mois précédant la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.

Pour toute autre personne physique, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve du contraire, être la résidence habituelle de l’intéressé. Cette présomption ne s’applique que si la résidence habituelle n’a pas été transférée dans un autre État membre au cours des six mois précédant la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité. »

III. Les faits du litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

4. Les requérants, qui sont époux, résident depuis l’année 2016 à Norfolk (Royaume-Uni) où ils exercent une activité salariée. Le couple a demandé aux juridictions portugaises de déclarer leur insolvabilité. Le tribunal de première instance saisi s’est déclaré internationalement incompétent pour statuer sur leur demande, considérant que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement 2015/848, le centre de leurs intérêts principaux était leur lieu de résidence habituelle, à savoir le Royaume-Uni.

5. Les requérants ont fait appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, en faisant valoir que celui-ci était fondé sur une interprétation incorrecte des règles énoncées par le règlement 2015/848. À cet égard, ils ont soutenu que, dans la mesure où le seul bien immobilier dont ils étaient propriétaires se trouvait au Portugal, où ont été réalisées toutes les transactions ayant entraîné leur situation d’insolvabilité, le centre de leurs intérêts principaux n’était pas le lieu de leur résidence habituelle, à savoir le Royaume-Uni, mais se situait au Portugal. D’ailleurs, il n’existerait aucun lien entre leur lieu de résidence actuel et les faits ayant conduit à leur insolvabilité, lesquels se seraient intégralement produits au Portugal.

6. La juridiction de renvoi nourrit des doutes en ce qui concerne l’interprétation correcte de l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2015/848 et s’interroge, en particulier, sur les critères à retenir pour renverser la présomption simple prévue à cette disposition pour les personnes physiques n’exerçant pas une profession libérale ou une autre activité d’indépendant, laquelle prévoit que, pour de telles personnes, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve du contraire, être la résidence habituelle de l’intéressé.

7. À cet égard, cette juridiction souligne que le considérant 30 de ce règlement expose que, pour les personnes physiques n’exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d’indépendant, il devrait être possible de renverser cette présomption, par exemple si la majeure partie des actifs du débiteur est située en dehors de l’État membre de résidence habituelle du débiteur.

8. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi a, par décision du 14 février 2019, parvenue au greffe de la Cour le 26 mars 2019, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Dans le cadre du règlement [2015/848], le tribunal d’un État membre est-il compétent pour procéder à l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité principale à l’égard d’un citoyen dont le seul et unique bien immobilier se trouve dans cet État, même s’il a fixé sa résidence habituelle, avec son ménage, dans un autre État membre, dans lequel il occupe un emploi salarié ? »

9. Des observations écrites ont été présentées par le gouvernement portugais et par la Commission européenne. Aucun des intéressés n’en ayant fait la demande, la Cour a décidé de statuer sans audience de plaidoiries.

IV. Analyse

10. Par sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, premier et quatrième alinéas, du règlement 2015/848 doit être interprété en ce sens que la présomption énoncée à ce dernier alinéa peut être renversée en faveur d’un État membre sur le territoire duquel se trouve le seul et unique bien immobilier du débiteur, personne physique n’exerçant pas une profession libérale ou une autre activité indépendante. Si tel n’est pas le cas, cette juridiction souhaite savoir quels éléments doivent être réunis pour que cette présomption soit renversée en faveur de cet État membre.

11. Il me faut observer que, dans sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi ne précise pas les dispositions du règlement 2015/848 dont l’interprétation est sollicitée. Il ressort toutefois clairement de la demande de décision préjudicielle que cette juridiction nourrit des doutes quant à l’interprétation qui doit être donnée à l’article 3, paragraphe 1, premier et quatrième alinéas, de ce règlement. Je propose par conséquent que la question préjudicielle soit comprise conformément à la formulation figurant au point 10 des présentes conclusions. En effet, il est de jurisprudence constante qu’il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. La Cour peut également être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (5).

12. Dans ce contexte, conformément à l’article 3, paragraphe 1, premier et quatrième alinéas, du règlement 2015/848, ce sont les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur qui sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale (6). En ce qui concerne les personnes physiques n’exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d’indépendant, le centre de leurs intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve du contraire, être leur résidence habituelle (7). Il est constant que les requérants relèvent de cette catégorie de personnes.

13. En conséquence, si le centre des intérêts principaux des requérants correspond à leur lieu de résidence habituelle, à savoir le Royaume-Uni, les juridictions portugaises ne seraient pas compétentes pour l’ouverture de la procédure d’insolvabilité. Pour qu’elles le soient, il faudrait que la présomption de l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement 2015/848 soit renversée en faveur de l’État membre sur le territoire duquel se situe le seul et unique bien immobilier des requérants, à savoir le Portugal. Pour répondre utilement à la question préjudicielle, il y a lieu, tout d’abord, de déterminer dans quelles circonstances cette présomption peut être écartée et, ensuite, de déterminer quels éléments doivent être réunis pour que les juridictions d’un État membre autre que celui de la résidence habituelle soient compétentes en vertu de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement.

14. Le...

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