Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid and Others v S and Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:77
Date09 February 2023
Docket NumberC-402/21
Celex Number62021CJ0402
CourtCourt of Justice (European Union)
62021CJ0402

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

9 février 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Accord d’association CEE-Turquie – Décision no 1/80 – Articles 6 et 7 – Ressortissants turcs déjà intégrés au marché du travail de l’État membre d’accueil et bénéficiant d’un droit de séjour corrélatif – Décisions des autorités nationales retirant le droit de séjour de ressortissants turcs séjournant légalement dans l’État membre concerné depuis plus de 20 ans au motif qu’ils représentent une menace actuelle, réelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société – Article 13 – Clause de standstill – Article 14 – Justification – Raisons d’ordre public »

Dans l’affaire C‑402/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas), par décision du 23 juin 2021, parvenue à la Cour le 30 juin 2021,

dans la procédure

Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid,

contre

S,

ainsi que dans les procédures

E,

C

contre

Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. F. Biltgen (rapporteur), N. Wahl et J. Passer, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 septembre 2022,

considérant les observations présentées :

pour E, par Mes A. Durmus et E. Köse, advocaten,

pour C, par Mes A. Agayev et Š. Petković, advocaten,

pour S, par Me N. van Bremen, advocaat,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et A. Hanje, en qualité d’agents,

pour le gouvernement danois, par M. M. Brochner Jespersen, Mmes J. Farver Kronborg, V. Pasternak Jørgensen, M. Søndahl Wolff et Mme Y. Thyregod Kollberg, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. D. Martin et H. van Vliet, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 6, 7, 13 et 14 de la décision no 1/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (ci-après la « décision no 1/80 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre de litiges opposant le Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la Justice et à la Sécurité, Pays-Bas) (ci-après le « secrétaire d’État ») à S, d’une part, ainsi que, respectivement, E et C au secrétaire d’État, d’autre part, au sujet de l’adoption, par ce dernier, de décisions ordonnant le retrait du droit de séjour de S, de E et de C (ci-après, ensemble, les « intéressés ») et l’expulsion de ces derniers du territoire néerlandais.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

L’accord d’association

3

Il résulte de l’article 2, paragraphe 1, de l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, qui a été signé le 12 septembre 1963 à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685, ci-après l’« accord d’association »), que celui-ci a pour objet de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes en tenant pleinement compte de la nécessité d’assurer le développement accéléré de l’économie de la République de Turquie et le relèvement du niveau de l’emploi et des conditions de vie du peuple turc.

4

À cet effet, l’accord d’association comporte une phase préparatoire permettant à la République de Turquie de renforcer son économie avec l’aide de la Communauté (article 3 de cet accord), une phase transitoire, au cours de laquelle les parties contractantes assurent la mise en place progressive d’une union douanière et le rapprochement des politiques économiques (article 4 dudit accord), et une phase définitive qui est fondée sur l’union douanière et implique le renforcement de la coordination des politiques économiques des parties contractantes (article 5 du même accord).

5

L’article 6 de l’accord d’association prévoit :

« Pour assurer l’application et le développement progressif du régime d’association, les Parties contractantes se réunissent au sein d’un [c]onseil d’association qui agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par l’accord [d’association]. »

Le protocole additionnel

6

Le protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) no 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (JO 1972, L 293, p. 1, ci-après le « protocole additionnel »), qui, conformément à son article 62, fait partie intégrante de l’accord d’association, arrête, aux termes de son article 1er, les conditions, modalités et rythmes de réalisation de la phase transitoire visée à l’article 4 de cet accord.

7

Le protocole additionnel comporte un titre II, intitulé « Circulation des personnes et des services », dont le chapitre I vise « [l]es travailleurs » et le chapitre II est intitulé « Droit d’établissement, services et transports ».

8

L’article 59 de ce protocole prévoit :

« Dans les domaines couverts par le présent protocole, la [République de] Turquie ne peut bénéficier d’un traitement plus favorable que celui que les États membres s’accordent entre eux en vertu du traité [CE]. »

La décision no 1/80

9

Le chapitre II de la décision no 1/80, intitulé « Dispositions sociales », comporte une section 1, elle-même intitulée « Questions relatives à l’emploi et à la libre circulation des travailleurs », dans laquelle figurent les articles 6 à 16 de cette décision.

10

L’article 6 de ladite décision prévoit :

« 1. Sous réserve des dispositions de l’article 7 relatif au libre accès à l’emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre :

a droit, dans cet État membre, après un an d’emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s’il dispose d’un emploi ;

a le droit, dans cet État membre, après trois ans d’emploi régulier et sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, de répondre dans la même profession auprès d’un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales, enregistrée auprès des services de l’emploi de cet État membre ;

bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d’emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix.

[...]

3. Les modalités d’application des paragraphes 1 et 2 sont fixées par les réglementations nationales. »

11

L’article 7 de la même décision énonce :

« Les membres de la famille d’un travailleur turc appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre, qui ont été autorisés à le rejoindre :

ont le droit de répondre – sous réserve de la priorité accordée aux travailleurs des États membres de la Communauté – à toute offre d’emploi lorsqu’ils y résident régulièrement depuis trois ans au moins ;

y bénéficient du libre accès à toute activité salariée de leur choix lorsqu’ils y résident régulièrement depuis cinq ans au moins.

Les enfants des travailleurs turcs ayant accompli une formation professionnelle dans le pays d’accueil pourront, indépendamment de leur durée de résidence dans cet État membre, à condition qu’un des parents ait légalement exercé un emploi dans l’État membre intéressé depuis trois ans au moins, répondre dans ledit État membre à toute offre d’emploi. »

12

L’article 13 de la décision no 1/80 énonce :

« Les États membres de la Communauté et la [République de] Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d’accès à l’emploi des travailleurs et des membres de leur famille qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l’emploi. »

13

L’article 14 de cette décision est libellé comme suit :

« 1. Les dispositions de la présente section sont appliquées sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité et de santé publiques.

2. Elles ne portent pas atteinte aux droits et obligations découlant des législations nationales ou des accords bilatéraux existant entre la [République de] Turquie et les États membres de la Communauté, dans la mesure où ils prévoient, en faveur de leurs ressortissants, un régime plus favorable. »

14

Conformément à l’article 16 de ladite décision, les dispositions de la section 1 du chapitre II de celle-ci sont applicables à compter du 1er décembre 1980.

La directive 2003/109/CE

15

L’article 12 de la directive 2003/109/CE du Conseil, du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (JO 2004 , L 16, p. 44), intitulé « Protection contre l’éloignement », énonce :

« 1. Les États membres ne peuvent prendre une décision d’éloignement à l’encontre d’un résident de longue durée que lorsqu’il...

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