Županijsko državno odvjetništvo u Puli-Pola v GR and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:764
Date12 October 2023
Docket NumberC-726/21
Celex Number62021CJ0726
CourtCourt of Justice (European Union)
62021CJ0726

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

12 octobre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Convention d’application de l’accord de Schengen – Article 54 – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 50 – Principe ne bis in idem – Appréciation au regard des faits contenus dans les motifs du jugement – Appréciation au regard des faits examinés dans le cadre d’une procédure d’enquête et omis dans l’acte d’accusation – Notion de “mêmes faits” »

Dans l’affaire C‑726/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Županijski sud u Puli-Pola (tribunal de comitat de Pula, Croatie), par décision du 24 novembre 2021, parvenue à la Cour le 30 novembre 2021, dans la procédure pénale contre

GR,

HS,

IT,

en présence de :

Županijsko državno odvjetništvo u Puli-Pola,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. T. von Danwitz, P. G. Xuereb (rapporteur), A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. M. Longar, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 janvier 2023,

considérant les observations présentées :

pour GR, par Me J. Grlić, odvjetnik, et Me B. Wiesinger, Rechtsanwalt,

pour HS, par Me V. Drenški-Lasan, odvjetnica,

pour le Županijsko državno odvjetništvo u Puli-Pola, par Me E. Putigna, odvjetnik,

pour le gouvernement croate, par Mme G. Vidović Mesarek, en qualité d’agent,

pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, Mme J. Schmoll et M. F. Zeder, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. H. Dockry, M. Mataija et M. Wasmeier, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19), signée à Schengen le 19 juin 1990 et entrée en vigueur le 26 mars 1995 (ci-après la « CAAS »), ainsi que de l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre GR, HS et IT au motif que ceux-ci auraient commis, ou incité ou aidé à commettre, en Croatie, des faits qualifiés d’abus de confiance dans le cadre d’opérations commerciales.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La CAAS

3

La CAAS a été conclue en vue d’assurer l’application de l’accord entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signé à Schengen le 14 juin 1985 (JO 2000, L 239, p. 13).

4

L’article 54 de la CAAS figure sous le chapitre 3 de celle-ci, intitulé « Application du principe ne bis in idem ». Cet article prévoit :

« Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation. »

5

Aux termes de l’article 57, paragraphes 1 et 2, de la CAAS :

« 1. Lorsqu’une personne est accusée d’une infraction par une Partie Contractante et que les autorités compétentes de cette Partie Contractante ont des raisons de croire que l’accusation concerne les mêmes faits que ceux pour lesquels elle a déjà été définitivement jugée par une autre Partie Contractante, ces autorités demanderont, si elles l’estiment nécessaire, les renseignements pertinents aux autorités compétentes de la Partie Contractante sur le territoire de laquelle une décision a déjà été rendue.

2. Les informations demandées seront données aussitôt que possible et seront prises en considération pour la suite à réserver à la procédure en cours. »

Le droit croate

6

L’article 31, paragraphe 2, de l’Ustav Republike Hrvatske (Constitution de la République de Croatie) est ainsi libellé :

« Nul ne peut être jugé à nouveau ni faire l’objet de poursuites pénales concernant un acte pour lequel il a été déjà acquitté ou condamné par la décision définitive d’un tribunal rendue conformément à la loi. »

7

L’article 246, paragraphes 1 et 2, du Kazneni zakon (code pénal), dans sa version applicable aux faits au principal, érige l’abus de confiance dans les opérations commerciales en infraction pénale à caractère économique.

8

L’article 12, paragraphe 1, du Zakon o kaznenom postupku (code de procédure pénale) prévoit :

« Nul ne peut être poursuivi pénalement à nouveau pour un fait pour lequel il a déjà été jugé et pour lequel une décision définitive de justice a été rendue. »

Le droit autrichien

9

L’article 190 de la Strafprozessordnung (code de procédure pénale, ci‑après le « code de procédure pénale autrichien ») prévoit :

« Le ministère public s’abstient de poursuites pénales et clôture l’enquête dans la mesure où :

1. l’infraction à l’origine de l’enquête n’est pas passible de sanction judiciaire ou si la continuation des poursuites pénales envers l’intéressé est irrecevable pour des raisons juridiques ; ou si

2. il n’existe aucune base factuelle permettant de continuer les poursuites à l’encontre de l’intéressé. »

10

L’article 193, paragraphe 2, du code de procédure pénale autrichien dispose :

« Le ministère public peut poursuivre une enquête clôturée en vertu de l’article 190 ou 191, à condition que les poursuites pénales ne soient pas prescrites et que :

1. l’intéressé n’ait pas été entendu pour cette infraction (articles 164 et 165) et aucune coercition n’ait été exercée contre lui, ou que

2. des faits ou des éléments de preuve nouveaux apparaissent ou deviennent connus qui, pris individuellement ou conjointement à d’autres résultats de la procédure, sont susceptibles de constituer une base adéquate pour condamner l’intéressé ou pour agir en application de la section 11. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

11

À l’époque des faits au principal, GR était membre du conseil de gérance de Skiper Hoteli d.o.o. et d’Interco Umag d.o.o., Umag (ci‑après « Interco »), devenue par la suite INTER Consulting d.o.o. Elle avait également la qualité d’associée au sein de Rezidencija Skiper d.o.o. et détenait des parts sociales dans Alterius d.o.o. HS, quant à lui, était président du conseil de gérance d’Interco et détenait également des parts sociales dans Alterius, tandis que IT réalisait des estimations de la valeur de biens immobiliers.

12

Le 28 septembre 2015, le Županijsko državno odvjetništvo u Puli (parquet du comitat de Pula, Croatie) (ci-après le « parquet de Pula ») a émis un acte d’accusation contre GR, HS, IT et Interco (ci-après l’« acte d’accusation croate »). Par cet acte d’accusation, il reprochait, d’une part, à GR et à Interco d’avoir commis un abus de confiance dans des opérations commerciales, au sens de l’article 246, paragraphes 1 et 2, du code pénal croate, dans sa version applicable aux faits au principal, et, d’autre part, à HS et à IT d’avoir respectivement incité et aidé à commettre cette infraction.

13

Il ressort de l’acte d’accusation croate, tel qu’il est reproduit dans la demande de décision préjudicielle, que, entre le mois de décembre 2004 et le mois de juin 2006, GR et HS ont œuvré pour qu’Interco achète des biens immobiliers situés sur plusieurs parcelles de terrain avoisinantes dans la commune de Savudrija (Croatie), lieu envisagé par Skiper Hoteli pour y réaliser un projet immobilier d’hébergements touristiques. Par la suite, ces mêmes personnes auraient fait en sorte que Skiper Hoteli rachète ces biens immobiliers à un prix nettement supérieur à celui du marché, de manière à ce qu’Interco bénéficie d’un avantage illicite aux dépens de Skiper Hoteli.

14

L’acte d’accusation croate indique en outre que, entre le mois de novembre 2004 et le mois de novembre 2005, GR et HS auraient également agi dans le but que GR et d’autres sociétés représentées par cette dernière vendent à Skiper Hoteli, à un prix nettement plus élevé que celui correspondant à leur valeur réelle, les parts sociales détenues par GR et ces autres sociétés dans Alterius, l’apport d’actifs initial de cette dernière société étant constitué de biens immobiliers érigés sur des parcelles de terrain avoisinantes situées sur le territoire de la commune de Savudrija. À cette fin, GR et HS auraient fait réaliser, par l’intermédiaire de Rezidencija Skiper et avec la complicité de IT, une évaluation surestimant la valeur des biens immobiliers concernés.

15

L’acte d’accusation croate a été confirmé par une décision du 5 mai 2016 de la chambre pénale de la juridiction de renvoi, le Županijski sud u Puli (tribunal de comitat de Pula, Croatie).

16

S’agissant d’une procédure pénale qui aurait été engagée pour les mêmes faits en Autriche, la juridiction de renvoi indique que les autorités pénales autrichiennes avaient en effet engagé des poursuites contre deux anciens membres du directoire de Hypo Alpe-Adria-Bank International AG...

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