Jasna Detiček v Maurizio Sgueglia.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:762
Docket NumberC-403/09
Celex Number62009CP0403
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypePetición de decisión prejudicial - procedimiento de urgencia
Date09 December 2009

PRISE DE POSITION DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentée le 9 décembre 2009 (1)

Affaire C‑403/09 PPU

Jasna Detiček

contre

Maurizio Sgueglia

[demande de décision préjudicielle formée par le Višje sodišče v Mariboru (Slovénie)]

«Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) n° 2201/2003 concernant la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale – Déplacement illicite de l’enfant – Article 20 du règlement n° 2201/2003 – Possibilité pour le juge de l’État membre requis de prendre une mesure provisoire»





1. Par la présente procédure préjudicielle, la Cour est invitée à se prononcer sur la portée de l’article 20 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 (2).

2. Cette disposition prévoit que la juridiction d’un État membre peut, en ces matières et en cas d’urgence, prendre des mesures provisoires ou conservatoires relatives aux personnes ou aux biens présents sur le territoire de cet État, même si, en vertu du règlement n° 2201/2003, une juridiction d’un autre État membre est compétente pour connaître du fond.

3. L’affaire qui nous est soumise s’inscrit dans le contexte factuel suivant. Les époux Jasna Detiček, de nationalité slovène, et Maurizio Sgueglia, de nationalité italienne, ont vécu en Italie et ont eu une fille. En 2007, ils entament une procédure de divorce en Italie et le juge italien, compétent au fond, décide de confier provisoirement la garde de l’enfant au père. Le jour même où la mesure provisoire est rendue par la juridiction italienne, la mère se rend et s’installe en Slovénie avec l’enfant. Par la suite, elle demandera et obtiendra du juge slovène une mesure provisoire lui confiant la garde de sa fille.

4. La question est de savoir si la juridiction de l’État membre sur le territoire duquel se trouve l’enfant pouvait, dans les conditions susmentionnées, prendre une telle mesure provisoire sur la base de l’article 20 du règlement n° 2201/2003.

5. Le 27 octobre 2009, la Cour a décidé de traiter la présente affaire selon la procédure d’urgence, conformément à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 104 ter du règlement de procédure. Dans le cadre de cette procédure, Mme Detiček, demanderesse au principal, M. Sgueglia, défendeur au principal, le gouvernement slovène et la Commission européenne, seules parties autorisées à en soumettre, ont déposé des observations écrites. Une audience a, en outre, eu lieu le 7 décembre 2009.

6. Dans la présente prise de position, nous proposerons à la Cour de dire pour droit que l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 2201/2003 doit être interprété, lorsqu’une juridiction d’un État membre, compétente au fond, a pris une mesure confiant provisoirement la garde d’un enfant à l’un de ses parents, en ce sens qu’il ne permet pas à une juridiction d’un autre État membre de prendre, postérieurement à la décision du premier État membre, une décision confiant la garde de l’enfant à l’autre parent.

7. Nous indiquerons également comment, selon nous, les textes applicables et le référentiel commun qui les inspire, à savoir l’intérêt de l’enfant, organisent et appellent une collaboration entre les juridictions du même espace commun de liberté, de sécurité et de justice.

I – Le cadre juridique

A – La convention de La Haye de 1980

8. La convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants a été conclue à La Haye le 25 octobre 1980 (3) dans le cadre de l’organisation mondiale pour la coopération transfrontalière en matière civile et commerciale.

9. Cette convention établit les règles de procédure applicables en cas d’enlèvement d’enfant afin de garantir son retour immédiat dans l’État de sa résidence habituelle ainsi que d’assurer la protection du droit de visite (4).

10. L’article 12 de la convention de La Haye de 1980 est rédigé comme suit:

«Lorsqu’un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l’article 3 et qu’une période de moins d’un an s’est écoulée à partir du déplacement ou du non-retour au moment de l’introduction de la demande devant l’autorité judiciaire ou administrative de l’État contractant où se trouve l’enfant, l’autorité saisie ordonne son retour immédiat.

L’autorité judiciaire ou administrative, même saisie après l’expiration de la période d’un an prévue à l’alinéa précédent, doit aussi ordonner le retour de l’enfant, à moins qu’il ne soit établi que l’enfant s’est intégré dans son nouveau milieu.

[…]»

11. L’article 13 de cette convention prévoit:

«[…] l’autorité judiciaire ou administrative de l’État [membre vers lequel l’enfant a été déplacé] n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant, lorsque la personne, l’institution ou l’organisme qui s’oppose à son retour établit:

a) que la personne, l’institution ou l’organisme qui avait le soin de la personne de l’enfant n’exerçait pas effectivement le droit de garde à l’époque du déplacement ou du non-retour, ou avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour; ou

b) qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.

L’autorité judiciaire ou administrative peut aussi refuser d’ordonner le retour de l’enfant si elle constate que celui-ci s’oppose à son retour et qu’il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion.

[…]»

B – Le droit communautaire

12. Le règlement n° 2201/2003, qui remplace le règlement n° 1347/2000, a pour objet d’uniformiser, au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, les règles de compétence judiciaire internationale en matière de divorce, de séparation de corps ou d’annulation de mariage, ainsi qu’en matière de responsabilité parentale.

13. Alors que le règlement n° 1347/2000 limitait le contentieux relatif à la responsabilité parentale à celui qui s’insérait dans le cadre de la procédure de désunion, le règlement n° 2201/2003 étend les règles de compétence judiciaire à toutes les décisions concernant la responsabilité parentale, y compris les mesures de protection de l’enfant, indépendamment de tout lien avec une procédure matrimoniale (5).

14. Selon l’article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2201/2003, celui-ci s’applique, quelle que soit la nature de la juridiction, aux matières civiles relatives à l’attribution, à l’exercice, à la délégation, au retrait total ou partiel de la responsabilité parentale.

1. La règle générale de compétence et les dérogations

15. Faisant référence à l’intérêt supérieur de l’enfant, le règlement n° 2201/2003 pose le critère de proximité comme règle générale de compétence territoriale des juridictions, mais y apporte aussitôt une exception, notamment dans certains cas de changement de résidence, tel qu’il résulte des articles 8, 9, 10 et 12 de ce règlement.

16. Ainsi, l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement prévoit que la juridiction compétente en matière de responsabilité parentale est celle de l’État membre de résidence habituelle de l’enfant au moment où cette juridiction est saisie, la présence de l’enfant, notion éventuellement différente de celle de résidence habituelle, devenant même le motif de compétence par défaut en l’absence de tout autre (6).

17. Ce principe ne connaît d’exception que dans des cas précis dans lesquels la juridiction initialement saisie reste compétente soit pour éviter un risque de conflit, soit pour assurer la continuité d’une procédure légalement engagée selon un critère de compétence territoriale conforme au règlement n° 2201/2003 et non contestée par l’une des parties.

18. Ainsi en est-il en matière de droit de visite dans le cas où un enfant déménage de manière légale dans un autre État membre et y acquiert une nouvelle résidence habituelle. Dans ce cas, la juridiction de l’État membre de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant reste compétente, durant une période de trois mois suivant le déménagement, pour modifier une décision concernant le droit de visite rendue dans cet État membre avant le déménagement (7).

19. De même, l’article 12, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 2201/2003 prévoit une prorogation de compétence en faveur de la juridiction saisie pour statuer en matière de désunion. Selon cette disposition, cette juridiction reste compétente pour toute question relative à la responsabilité parentale liée à la demande de désunion lorsqu’au moins un des époux exerce la responsabilité parentale de l’enfant et que la compétence de ladite juridiction a été acceptée expressément ou de toute autre manière non équivoque par les époux et par les titulaires de la responsabilité parentale. Cette compétence doit, en outre, être conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle cesse dès que la décision faisant droit à la demande de désunion ou les décisions relatives à la responsabilité parentale sont devenues définitives (8).

20. Si aucune juridiction d’un État membre n’est compétente en vertu des articles 8 à 13 du règlement n° 2201/2003, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État (9).

21. L’intérêt supérieur de l’enfant peut également justifier une dérogation particulière sous forme d’un dessaisissement d’une juridiction d’un État membre au profit d’une juridiction d’un autre État membre.

22. Ainsi, l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 2201/2003 dispose:

«[…] les juridictions d’un État membre compétentes pour connaître du fond peuvent, si elles estiment qu’une juridiction d’un autre État membre avec lequel l’enfant a un lien particulier est mieux placée pour connaître de l’affaire, ou une...

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