Commission of the European Communities v Portuguese Republic.

JurisdictionEuropean Union
Date13 December 2007
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 13 décembre 2007 1(1)

Affaire C‑265/06

Commission des Communautés européennes

contre

République portugaise

«Manquement d’État – Article 226 CE – Libre circulation des marchandises – Mesures d’effet équivalent – Violation des articles 28 CE, 30 CE, ainsi que 11 et 13 de l’accord EEE – Dispositions nationales interdisant l’apposition de films colorés sur les vitrages de véhicules automobiles destinés au transport de passagers ou de marchandises – Restriction pour des motifs d’ordre public et de sécurité routière – Principe de proportionnalité»





I – Introduction

1. La Commission des Communautés européennes a introduit, au titre de l’article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en arrêtant des dispositions nationales interdisant l’apposition de films colorés sur les vitrages des véhicules automobiles destinés au transport de passagers ou de marchandises, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE, 30 CE, ainsi que 11 et 13 de l’accord sur l’Espace économique européen du 2 mai 1992 (2) (ci-après l’«accord EEE»).

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

1. Le droit communautaire primaire

2. L’article 28 CE interdit les restrictions quantitatives à l’importation, ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, entre les États membres.

3. Selon l’article 30 CE, les interdictions ou restrictions à l’importation entre les États membres qui sont justifiées, notamment, par des raisons de sécurité publique et de protection de la santé et de la vie des personnes sont autorisées, pour autant qu’elles ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce intracommunautaire.

2. Les directives 2001/92/CE et 92/22/CEE

4. La directive 2001/92/CE de la Commission (3) vise à adapter au progrès technique la directive 92/22/CEE du Conseil (4) concernant les vitrages de sécurité et les matériaux pour vitrages des véhicules à moteur et de leurs remorques et la directive 70/156/CEE du Conseil relative à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques.

5. La directive 92/22 vise, quant à elle, à instaurer une procédure de réception uniformisée applicable au vitrage de sécurité et aux matériaux pour vitrage destinés à être installés comme pare-brise ou autres vitrages ou comme cloisons de séparation sur les véhicules à moteur et leurs remorques.

6. La directive 92/22, telle que modifiée par la directive 2001/92, s’applique aux vitrages destinés à fournir une protection contre le soleil (vitres teintées), mais non aux films colorés destinés à être apposés sur les vitrages des véhicules après leur réception.

7. Le troisième considérant et l’annexe II B de la directive 2001/92 renvoient à leur tour aux dispositions concernant les spécifications générales et particulières, les essais et les exigences techniques définies par le règlement nº 43 de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies, dans la dernière version adoptée par la Communauté européenne (5) (ci-après le «règlement no 43»), dont il ressort que les vitrages de sécurité doivent présenter un facteur de transmission régulière de la lumière d’au moins 70 %, alors que le facteur de transmission de la lumière des pare-brise ne doit pas être inférieur à 75 % (6).

8. Il n’est en revanche pas prévu de facteur minimal de transmission de la lumière pour les vitres arrière. Cela signifie qu’un véhicule peut être équipé de vitrages teintés ou recouverts de pellicules colorées ayant un très faible facteur de transmission de la lumière pour les vitres arrière, y compris la lunette arrière, pour autant qu’il dispose de deux rétroviseurs extérieurs.

B – Droit national

9. La directive 2001/92 a été transposée en droit portugais par le décret-loi no 40/2003 du 11 mars 2003 (7).

10. L’article 2, paragraphe 1, du décret-loi nº 40/2003 dispose:

«L’apposition de films colorés sur les vitrages des automobiles servant au transport de passagers ou de marchandises est interdite, à l’exception des autocollants réglementaires et de films opaques non réfléchissants sur les bennes des véhicules servant au transport de marchandises.»

11. L’article 5 du décret-loi nº 40/2003 prévoit que, à partir de l’entrée en vigueur de cette disposition, la direction générale de la circulation est tenue de refuser de délivrer l’homologation CE et l’homologation nationale à tout modèle de véhicule ne respectant pas les dispositions du décret-loi nº 40/2003 en matière de vitrages de sécurité.

III – La procédure précontentieuse

12. La Commission a adressé le 1er avril 2004 une lettre de mise en demeure à la République portugaise, dans laquelle elle concluait que, en interdisant, avec l’entrée en vigueur de l’article 2 du décret-loi nº 40/2003, l’apposition de films colorés sur les vitrages des véhicules de transport de personnes et de marchandises, sans lui avoir préalablement communiqué le texte de cette disposition nationale à l’état de projet, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE, 30 CE, 11 et 13 de l’accord EEE, ainsi que 8 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil (8).

13. La République portugaise a répondu, dans sa lettre du 28 juin 2004, que l’interdiction en cause constituait une mesure de protection de la sécurité intérieure, en particulier de l’ordre public et de la sécurité routière, mesure autorisée en vertu de l’article 30 CE.

14. Par lettre du 22 décembre 2004, la Commission a adressé à la République portugaise un avis motivé. Elle y exprimait sa conviction que cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE, 30 CE, ainsi que 11 et 13 de l’accord EEE, dans la mesure où l’interdiction établie à l’article 2 du décret-loi nº 40/2003 empêche la commercialisation au Portugal des films colorés légalement fabriqués et commercialisés dans un autre État membre ou dans un État signataire de l’accord EEE. La Commission invoquait en outre, à nouveau, une violation de l’obligation d’information visée à l’article 8 de la directive 98/34.

15. La Commission a également imparti à la République portugaise un délai de deux mois à compter de la notification de l’avis motivé pour prendre les mesures nécessaires pour se conformer à celui-ci.

16. La République portugaise a alors fait connaître, par lettre du 22 juillet 2005, son intention d’abroger l’article 2 du décret-loi nº 40/2003. Elle a également annoncé l’élaboration d’un projet de norme technique, qui devrait être achevé dans le délai de deux mois à l’issue des vacances d’été, et qui serait prêt pour être notifié à la Commission conformément à la directive 98/34.

17. Après qu’un projet de décret réglementaire établissant des règles techniques relatives à l’apposition de films colorés sur les vitrages de véhicules automobiles (9) lui eut été communiqué le 21 décembre 2005, la Commission a décidé de retirer le grief concernant une violation de l’article 8 de la directive 98/34.

18. La Commission maintient en revanche, dans sa requête, le grief relatif à l’incompatibilité de l’interdiction, édictée à l’article 2 du décret-loi nº 40/2003, d’apposer des films colorés sur les vitres des véhicules de transport de passagers ou de marchandises, avec les articles 28 CE et 11 de l’accord EEE puisque, à sa connaissance, la République portugaise n’a jusqu’à présent pas abrogé la disposition nationale litigieuse.

IV – La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

19. La Commission conclut, dans sa requête parvenue le 16 juin 2006 au greffe de la Cour, à ce qu’il plaise à celle-ci:

1) juger que, en interdisant, à l’article 2, paragraphe 1, du décret-loi no 40/2003 du 11 mars 2003, l’apposition de films colorés sur les vitrages des véhicules automobiles, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE, 30 CE, ainsi que 11 et 13 de l’accord EEE, car cette interdiction empêche la commercialisation au Portugal des films colorés légalement fabriqués et (ou) commercialisés dans un autre État membre ou dans un État signataire de l’accord EEE, et

2) condamner la République portugaise aux dépens.

20. La République portugaise conclut, dans son mémoire en défense déposé le 11 septembre 2006, à ce qu’il plaise à la Cour:

1) rejeter le recours visant à faire constater que, en interdisant, à l’article 2, paragraphe 1, du décret-loi nº 40/2003 du 11 mars 2003, l’apposition de films colorés sur les vitrages des véhicules automobiles, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE, 30 CE, ainsi que 11 et 13 de l’accord EEE, car cette interdiction empêcherait la commercialisation au Portugal des films colorés légalement fabriqués et (ou) commercialisés dans un autre État membre ou dans un État signataire de l’accord EEE, au motif que cette constatation serait sans objet, puisque cet État membre a décidé d’autoriser de manière générale l’apposition de films colorés sur les vitrages des véhicules, et

2) condamner la Commission aux dépens.

21. La clôture de la procédure écrite a été prononcée après le dépôt de la réplique de la Commission du 21 novembre 2006 et de la duplique de la République portugaise du 5 février 2007.

22. La Cour a posé aux parties, dans le cadre des mesures préparatoires, deux questions auxquelles celles-ci ont répondu.

23. À l’audience du 7 novembre 2007, les représentants de la Commission et de la République portugaise ont présenté leurs positions.

V – Les principaux arguments des parties

24. La Commission estime que la réglementation portugaise litigieuse, interdisant l’apposition de films colorés sur les vitrages des véhicules automobiles, constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation enfreignant les articles 28 CE et 11 de l’accord...

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