České dráhy a.s. contre Commission européenne.

JurisdictionEuropean Union
Date30 January 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

30 janvier 2020 (*)

« Pourvoi – Concurrence – Règlement (CE) no 1/2003 – Article 20, paragraphe 4 – Décisions d’inspection – Obligation de motivation – Indices suffisamment sérieux de l’existence d’une infraction aux règles de concurrence – Éléments de preuve légalement recueillis – Inspection ordonnée sur le fondement d’éléments provenant d’une inspection antérieure »

Dans les affaires jointes C‑538/18 P et C‑539/18 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 16 août 2018,

České dráhy a.s., établie à Prague (République tchèque), représentée par Mes K. Muzikář et J. Kindl, advokáti,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. P. Rossi et G. Meessen ainsi que par Mmes P. Němečková et M. Šimerdová, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de Mme L. S. Rossi (rapporteure), présidente de chambre, MM. J. Malenovský et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par ses pourvois, České dráhy a.s. demande l’annulation, d’une part, de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 juin 2018, České dráhy/Commission (T‑325/16, ci-après l’« arrêt attaqué Falcon », EU:T:2018:368), par lequel celui-ci a partiellement rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision C(2016) 2417 final de la Commission, du 18 avril 2016, relative à une procédure d’application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) nº 1/2003, adressée à České dráhy ainsi qu’à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle, leur ordonnant de se soumettre à une inspection (affaire AT.40156 – Falcon) (ci-après la « décision litigieuse Falcon »), et, d’autre part, de l’arrêt du Tribunal du 20 juin 2018, České dráhy/Commission (T‑621/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué Twins », EU:T:2018:367), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision C(2016) 3993 final de la Commission, du 22 juin 2016, relative à une procédure d’application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) nº 1/2003, adressée à České dráhy ainsi qu’à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle, leur ordonnant de se soumettre à une inspection (affaire AT.40401 – Twins) (ci-après la « décision litigieuse Twins »).

Le cadre juridique

2 L’article 20 du règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), intitulé « Pouvoirs de la Commission en matière d’inspection », prévoit, à ses paragraphes 1 et 4 :

« 1. Pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises.

[...]

4. Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de l’inspection, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues aux articles 23 et 24, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision. La Commission prend ces décisions après avoir entendu l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée. »

Les antécédents du litige

3 České dráhy est le transporteur ferroviaire national tchèque et est détenue par l’État tchèque. Elle opère, notamment, sur les marchés de la fourniture de services de transport de personnes et de la fourniture de services de gestion de l’infrastructure ferroviaire en République tchèque.

4 Au cours des années 2011 et 2012, deux autres transporteurs, RegioJet a.s. et LEO Express a.s., ont commencé à offrir des services de transport ferroviaire de personnes sur la liaison entre Prague (République tchèque) et Ostrava, une ville située au nord-est de la République tchèque.

5 Depuis l’année 2011, le comportement de České dráhy, soupçonnée d’abuser de sa position dominante en offrant ses prestations de transport ferroviaire de personnes à des prix prédateurs, sur la liaison Prague-Ostrava, fait l’objet d’une enquête menée par l’Úřad pro ochranu hospodářské soutěže (bureau de protection de la concurrence, République tchèque, ci-après l’« autorité de concurrence tchèque »). À la suite d’une enquête préliminaire, le 24 janvier 2012 cette autorité a, sur le fondement du droit de la concurrence tchèque, ouvert une procédure administrative à l’encontre de České dráhy. Dans le cadre de cette procédure, ladite autorité a, le 25 janvier 2012, effectué une inspection dans les locaux de České dráhy.

6 Pendant que ladite procédure était encore en cours, la Commission européenne a, le 18 avril 2016, adopté la décision litigieuse Falcon.

7 Les considérants 2 à 4 et 9 de cette décision sont rédigés de la manière suivante :

« (2) La [Commission] a obtenu des informations dont il ressort que České dráhy est dominante au sens de l’article 102 TFUE, entre autres sur les marchés de la fourniture de services de transport de personnes et de la fourniture de services de gestion de l’infrastructure ferroviaire en République tchèque.

(3) La Commission dispose d’informations suggérant que České dráhy peut pratiquer des prix inférieurs aux coûts de revient (predatory pricing) sur certaines liaisons ferroviaires, notamment (mais sans s’y limiter) sur la liaison Prague-Ostrava. Ce comportement pourrait faire partie d’une stratégie de la part de České dráhy contraire aux règles de la concurrence, et ce aux fins de protéger sa position sur le marché de la fourniture de services de transport de personnes et de limiter le développement de la concurrence sur le marché.

(4) La Commission a obtenu des informations suggérant que cette infraction alléguée a dû être commise au moins depuis 2011, lorsqu’un concurrent privé a commencé à fournir des services sur la liaison Prague-Ostrava, voire plus tôt, et que ce comportement doit se poursuivre.

[...]

(9) La Commission est consciente du fait que [l’autorité de concurrence tchèque] a ouvert une procédure administrative portant sur la même infraction et a procédé à une inspection dans les locaux de České dráhy en 2012. La Commission a examiné le dossier correspondant de [cette autorité]. »

8 L’article 1er de ladite décision précise, à son premier alinéa :

« La présente décision enjoint à České dráhy […], ensemble avec toutes les sociétés qu’elle contrôle directement ou indirectement, de se soumettre à une inspection relative à son éventuelle participation à une infraction à l’article 102 TFUE dans le domaine de la fourniture de services de transport ferroviaire de personnes en République tchèque. L’infraction inclut notamment la pratique de prix en dessous du prix de revient, susceptibles de limiter l’accès des tiers au marché ou leur développement sur le marché des services de transport ferroviaire de personnes, ainsi que toute stratégie ayant le même effet. »

9 L’inspection s’est déroulée du 26 au 29 avril 2016 (ci-après l’« inspection Falcon »).

10 Le 22 juin 2016, la Commission a adopté la décision litigieuse Twins, dont l’article 1er énonce, à son premier alinéa :

« La présente décision enjoint à České dráhy […], ainsi qu’à toutes les sociétés qu’elle contrôle directement ou indirectement, de se soumettre à une inspection relative à son éventuelle participation à des accords anticoncurrentiels ou à des pratiques concertées, contraires à l’article 101 TFUE, dans le domaine de la fourniture de services de transport ferroviaire de personnes en République tchèque, en République slovaque ou en République d’Autriche. L’infraction alléguée porte sur la restriction de la vente de matériel roulant ferroviaire usagé aux concurrents et sur toute stratégie visant à restreindre l’accès des concurrents au matériel roulant ferroviaire. »

11 L’inspection s’est déroulée du 28 juin au 1er juillet 2016.

Les recours devant le Tribunal et les arrêts attaqués

L’arrêt attaqué Falcon

12 Le 24 juin 2016, České dráhy a introduit devant le Tribunal un recours, enregistré sous le numéro T‑325/16, tendant à l’annulation de la décision litigieuse Falcon.

13 Parmi les six moyens invoqués dans ce recours, le deuxième était tiré d’une insuffisance de motivation de la décision litigieuse Falcon, celle-ci délimitant l’objet et le but de l’inspection d’une manière trop large, visant pratiquement tout comportement de České dráhy dans le secteur du transport ferroviaire de personnes en République tchèque. Par le troisième moyen de recours, České dráhy a reproché à la Commission de n’avoir fait état, dans cette décision, d’aucune preuve permettant de soupçonner une infraction aux règles de concurrence.

14 Le Tribunal a analysé conjointement ces deux moyens. À cet égard, il a, dans l’arrêt attaqué Falcon, considéré, en substance, que la décision litigieuse Falcon était suffisamment motivée, compte tenu des exigences posées par la jurisprudence. Cependant, il a également constaté que la motivation de cette décision ne permettait pas, à elle seule, de présumer que, à la date d’adoption de celle-ci, la Commission disposait effectivement d’indices suffisamment sérieux permettant de soupçonner une violation de l’article 102 TFUE de la part de České dráhy.

15 Le Tribunal a, dès lors, examiné, aux points 57 à 100 dudit arrêt, si tel était le cas et a conclu que la Commission disposait d’indices suffisamment sérieux permettant de soupçonner que České dráhy avait abusé de sa position dominante en appliquant des prix prédateurs sur la liaison Prague-Ostrava depuis l’année 2011. En revanche, selon le Tribunal, la Commission ne...

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