Sofina SA y otros contra Ministre de l'Action et des Comptes publics.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:943
Date22 November 2018
Celex Number62017CJ0575
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-575/17
62017CJ0575

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

22 novembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des capitaux – Retenue à la source sur le montant brut des dividendes d’origine nationale versés à des sociétés non-résidentes – Report de l’imposition des dividendes distribués à une société résidente en cas d’exercice déficitaire – Différence de traitement – Justification – Comparabilité – Répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres – Efficacité du recouvrement de l’impôt – Proportionnalité – Discrimination »

Dans l’affaire C‑575/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 20 septembre 2017, parvenue à la Cour le 28 septembre 2017, dans la procédure

Sofina SA,

Rebelco SA,

Sidro SA

contre

Ministre de l’Action et des Comptes publics,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. F. Biltgen et E. Levits (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 juin 2018,

considérant les observations présentées :

pour Sofina SA, par Me C. Valentin, avocat,

pour le gouvernement français, par M. D. Colas ainsi que par Mmes A. Alidière et E. de Moustier, en qualité d’agents,

pour le gouvernement belge, par MM. P. Cottin et J.-C. Halleux, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et R. Kanitz, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et M. H. S. Gijzen ainsi que par MM. J. Langer et J. M. Hoogveld, en qualité d’agents,

pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk, H. Shev, C. Meyer-Seitz, L. Zettergren et A. Alriksson, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Z. Lavery, en qualité d’agent, assistée de M. J. Rivett, barrister,

pour la Commission européenne, par Mme N. Gossement et M. W. Roels, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 août 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 63 et 65 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Sofina SA, Rebelco SA et Sidro SA, sociétés de droit belge, au ministre de l’Action et des Comptes publics (France) au sujet du refus de ce dernier de leur restituer la retenue à la source qu’ont subie les dividendes qui leur ont été versés au cours des années 2008 à 2011.

Le cadre juridique

Le droit français

3

Aux termes de l’article 38, paragraphe 1, du code général des impôts (ci-après le « CGI ») :

« [...] [L]e bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d’éléments quelconques de l’actif, soit en cours, soit en fin d’exploitation. »

4

L’article 39, paragraphe 1, du CGI précise :

« Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges [...] »

5

L’article 119 bis, paragraphe 2, du CGI prévoit notamment que les produits visés aux articles 108 à 117 bis de ce code donnent lieu à l’application d’une retenue à la source dont le taux est fixé à l’article 187 dudit code lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France.

6

Les dividendes figurent au nombre des produits visés aux articles 108 à 117 bis du CGI.

7

Dans sa version applicable aux faits au principal, l’article 187, paragraphe 1, du CGI fixe le taux de la retenue à la source à 25 %.

8

Dans sa version applicable jusqu’au 21 septembre 2011, l’article 209, paragraphe 1, troisième alinéa, du CGI précisait :

« [...] [E]n cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l’exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n’est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l’excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants. »

9

Depuis le 21 septembre 2011, l’article 209, paragraphe 1, troisième alinéa, du CGI est rédigé comme suit :

« [...] [E]n cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l’exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice dans la limite d’un montant de 1000000 [d’euros] majoré de 60 % du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant. Si ce bénéfice n’est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l’excédent du déficit est reporté dans les mêmes conditions sur les exercices suivants. Il en est de même de la fraction de déficit non admise en déduction en application de la première phrase du présent alinéa. »

La convention franco-belge

10

L’article 15, paragraphes 1 et 2, de la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus, signée à Bruxelles le 10 mars 1964, telle que modifiée par les avenants des 15 février 1971, 8 février 1999, 12 décembre 2008 et 7 juillet 2009 (ci-après la « convention franco-belge »), stipule :

« 1. Les dividendes ayant leur source dans un État contractant qui sont payés à un résident de l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État.

2. Toutefois, sous réserve des dispositions du paragraphe 3, ces dividendes peuvent être imposés dans l’État contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet État, mais l’impôt ainsi établi ne peut excéder :

a)

10 [%] du montant brut des dividendes si le bénéficiaire est une société qui a la propriété exclusive d’au moins 10 [%] du capital de la société distributrice des dividendes depuis le début du dernier exercice social de celle-ci clos avant la distribution ;

b)

15 [%] du montant brut des dividendes dans les autres cas.

Ce paragraphe ne concerne pas l’imposition de la société pour les bénéfices qui servent au paiement des dividendes. »

11

L’article 19, A, de la convention franco-belge prévoit notamment :

« La double imposition est évitée de la manière suivante :

A. En ce qui concerne la Belgique :

1.

Les revenus et produits de capitaux mobiliers relevant du régime défini à l’article 15, paragraphes 2 à 4, qui ont effectivement supporté en France la retenue à la source et qui sont recueillis par des sociétés résidentes de la Belgique passibles de ce chef de l’impôt des sociétés sont, moyennant perception du précompte mobilier au taux normal sur leur montant net d’impôt français, exonérés de l’impôt des sociétés et de l’impôt de distribution dans les conditions prévues par la législation interne belge.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

Sofina, Rebelco et Sidro ont perçu, au cours des années 2008 à 2011, des dividendes à raison de leurs participations dans des sociétés françaises.

13

En application de l’article 119 bis, paragraphe 2, du CGI, lu en combinaison avec l’article 15, paragraphe 2, de la convention franco-belge, ces dividendes ont fait l’objet de retenues à la source au taux de 15 %.

14

Les requérantes au principal ayant clôturé les exercices financiers 2008 à 2011 avec un résultat négatif, elles ont adressé des réclamations à l’administration fiscale française, visant la restitution des retenues prélevées à raison des dividendes versés durant ces exercices.

15

Ces réclamations ayant été rejetées, les requérantes au principal ont saisi les juridictions compétentes qui, tant en première instance qu’en appel, n’ont pas fait droit à leurs demandes de restitution.

16

Les requérantes au principal se sont alors pourvues en cassation devant la juridiction de renvoi.

17

Le Conseil d’État (France) constate, premièrement, que l’application d’une retenue à la source en ce qui concerne uniquement les dividendes distribués à des sociétés non-résidentes déficitaires à raison de leurs participations dans des sociétés résidentes engendre pour lesdites sociétés un désavantage de trésorerie par rapport aux sociétés résidentes déficitaires. Cette juridiction souhaiterait toutefois savoir si une telle circonstance constitue par elle-même une différence de traitement caractérisant une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63 TFUE.

18

À supposer que la réglementation nationale en cause au principal soit constitutive d’une telle restriction, le Conseil d’État se demande, deuxièmement, si, eu égard à l’objectif de cette réglementation, à savoir garantir l’efficacité du recouvrement de l’impôt, ladite restriction pourrait être justifiée.

19

Troisièmement et à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le principe d’une retenue à la source en cause en l’espèce devrait être admis, cette juridiction souhaite, d’une part, savoir si la circonstance que la société résidente déficitaire qui cesse son activité jouit, ce faisant, d’une exonération de facto de l’imposition des dividendes qu’elle a perçus durant les exercices déficitaires est susceptible d’avoir une influence sur l’examen de la compatibilité de la...

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