Parfums Christian Dior SA contra TUK Consultancy BV y Assco Gerüste GmbH y Rob van Dijk contra Wilhelm Layher GmbH & Co. KG y Layher BV.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2000:378
Docket NumberC-392/98,C-300/98
Celex Number61998CC0300
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 July 2000
EUR-Lex - 61998C0300 - FR 61998C0300

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 11 juillet 2000. - Parfums Christian Dior SA contre TUK Consultancy BV et Assco Gerüste GmbH et Rob van Dijk contre Wilhelm Layher GmbH & Co. KG et Layher BV. - Demandes de décision préjudicielle: Arrondissementsrechtbank 's-Gravenhage et Hoge Raad der Nederlanden - Pays-Bas. - Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce - Accord TRIPs - Article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) - Compétence de la Cour - Article 50 de l'accord TRIPs - Mesures provisoires - Interprétation - Effet direct. - Affaires jointes C-300/98 et C-392/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-11307


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1 Dans les questions préjudicielles soumises en l'espèce au titre de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage (Pays-Bas) et le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) sollicitent l'interprétation de l'article 50 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après l'«accord TRIPs»), qui figure en annexe 1 C à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (ci-après OMC), approuvé au nom de la Communauté, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, dans la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994 (1). Plus précisément, la Cour est invitée à se prononcer sur le sens de la notion de «droit de propriété intellectuelle» visée à l'article 50, paragraphe 1, de l'accord TRIPs. Cependant, avant d'interpréter cette notion, elle est appelée à dire, d'une part, si elle est compétente en l'occurrence pour interpréter l'article 50 de l'accord TRIPs et, d'autre part, si le paragraphe 6 de cet accord produit un effet direct.

II - Le cadre juridique

A - Les dispositions de l'accord TRIPs

2 L'accord instituant l'OMC et l'accord TRIPs, conclu dans le cadre du premier cité, sont connus de la Cour par des affaires antérieures dans lesquelles avaient été soulevées certaines questions relatives à l'interprétation de leurs dispositions (2).

3 Pour ce qui nous intéresse en l'espèce, l'article 50 de l'accord TRIPs, dont les juridictions nationales nous demandent l'interprétation, dispose:

«1. Les autorités judiciaires seront habilitées à ordonner l'adoption de mesures provisoires rapides et efficaces:

a) pour empêcher qu'un acte portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle ne soit commis et, en particulier, pour empêcher l'introduction, dans les circuits commerciaux relevant de leur compétence, de marchandises, y compris de marchandises importées immédiatement après leur dédouanement;

b) pour sauvegarder les éléments de preuve pertinents relatifs à cette atteinte alléguée.

2. Les autorités judiciaires seront habilitées à adopter des mesures provisoires sans que l'autre partie soit entendue dans les cas où cela sera approprié, en particulier lorsque tout retard est de nature à causer un préjudice irréparable au détenteur du droit ou lorsqu'il existe un risque démontrable de destruction des éléments de preuve.

...

4. Dans les cas où des mesures provisoires auront été adoptées sans que l'autre partie soit entendue, les parties affectées en seront avisées, sans délai après l'exécution des mesures au plus tard. Une révision, y compris le droit d'être entendu, aura lieu à la demande du défendeur afin qu'il soit décidé, dans un délai raisonnable après la notification des mesures, si celles-ci seront modifiées, abrogées, ou confirmées.

...

6. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 4, les mesures provisoires prises sur la base des paragraphes 1 et 2 seront abrogées ou cesseront de produire leurs effets d'une autre manière, à la demande du défendeur, si une procédure conduisant à une décision au fond n'est pas engagée dans un délai raisonnable qui sera déterminé par l'autorité judiciaire ordonnant les mesures lorsque la législation d'un État membre le permet ou, en l'absence d'une telle détermination, dans un délai ne devant pas dépasser 20 jours ouvrables ou 31 jours civils si ce délai est plus long.

...».

B - Les dispositions communautaires

4 Afin d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles (3), a procédé à un rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des dessins ou modèles.

5 D'après le 5ème considérant de la directive, «il n'apparaît pas nécessaire de procéder à un rapprochement total des législations des États membres sur les dessins ou modèles et ... il suffit de limiter le rapprochement aux dispositions nationales qui ont l'incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur; ... il conviendrait que les dispositions relatives aux sanctions, aux voies de recours et à l'application de la loi continuent de relever du droit national ...».

6 Par ailleurs, le 7ème considérant de la directive observe que «la présente directive n'exclut pas l'application des dessins ou modèles des dispositions de droit national ou communautaire qui prévoient une protection autre que celle que les dessins ou modèles acquièrent par leur enregistrement ou leur publication, telle que les dispositions relatives aux dessins ou aux modèles non enregistrés, aux marques, aux brevets et modèles d'utilité, à la concurrence déloyale et à la responsabilité civile».

7 Enfin, l'article 16 de la directive dispose:

«La présente directive s'applique sans préjudice des dispositions du droit communautaire ou du droit de l'État membre concerné qui s'appliquent aux dessins ou modèles non enregistrés, aux marques et autres signes distinctifs, aux brevets ou modèles d'utilité, aux caractères typographiques, à la responsabilité civile et à la concurrence déloyale».

III - Les faits et les questions préjudicielles

A - L'affaire C-300/98

8 La société Parfums Christian Dior SA (ci-après «Dior») est titulaire des marques de parfums TENDRE POISON, EAU SAUVAGE et DOLCE VITA, en vertu d'enregistrements internationaux effectués pour le Benelux aussi, sur la base des données qu'elle a déclarées à chaque fois.

9 Dior distribue ses produits dans la Communauté européenne par le canal d'un système fermé de points de vente sélectionnés. Grâce à leur image faite de prestige et de luxe, les produits Dior ont un rayonnement qui transparaît aussi dans leur publicité.

10 La société Tuk Consultancy BV (ci-après «Tuk») a vendu et livre des parfums pourvus des marques de Dior à différentes sociétés, parmi lesquelles l'entreprise Digros BV, établie à Hoofddorp.

11 Dans la procédure au principal, qui est une procédure en référé, Dior a demandé que Tuk cesse toute vente de produits portant la marque Dior qui n'ont pas été commercialisés dans l'Espace économique européen (ci-après «EEE») par Dior ou avec son acquiescement, et ce sous peine de sanction pécuniaire; des demandes additionnelles ont également été formulées.

12 Comme indiqué dans l'ordonnance de renvoi, Dior a affirmé à ce propos qu'en vendant des parfums sous la marque Dior, Tuk a porté atteinte aux droits de cette dernière sur lesdites marques, puisque ces parfums n'auraient pas été mis dans le commerce au sein de l'EEE par Dior ou avec son consentement. S'appuyant pour sa part sur le rapport d'un expert-comptable, Tuk a démontré qu'elle avait acquis les parfums en question aux Pays-Bas et, partant, dans l'EEE. Cependant, le seul fait que Tuk a acheté les parfums aux Pays-Bas ne signifiait pas que ces parfums avaient été mis dans le commerce à l'intérieur de l'EEE par Dior ou avec son consentement. Enfin, les parties ont amplement débattu du point de savoir à qui incombe la charge de la preuve que les parfums en question ont été commercialisés par Dior au sein de l'EEE ou en dehors de celui-ci.

13 Dans le cadre d'une appréciation provisoire, le Président de la juridiction de renvoi a considéré tout d'abord que, dans un cas comme la présente affaire, il fallait faire une distinction entre, d'une part, la question de savoir si Tuk a porté atteinte au droit à la marque de Dior (ce qu'il ne lui était pas loisible de faire) et, d'autre part, la question de savoir si Tuk a ouvert une brèche dans le système de distribution fermé de Dior (ce qu'il lui était loisible de faire). Invoquant ensuite la théorie de l'épuisement communautaire, il a examiné la question de savoir jusqu'où un opérateur participant aux échanges commerciaux doit aller pour éviter de vendre des marchandises qui ont, certes, été mises dans le commerce avec le consentement du titulaire de la marque, mais qui n'ont pas été mises dans le commerce à l'intérieur de l'EEE. Enfin, compte tenu du fait que la provenance des parfums était établie, qu'il était démontré que les parfums en question avaient été achetés dans l'EEE et qu'ils avaient été fournis à Tuk au départ d'un lieu situé à l'intérieur de l'EEE, tandis que Tuk ne pouvait voir, d'après les marchandises elles-mêmes, que celles-ci étaient destinées aux marchés extérieurs à l'EEE, le Président de la juridiction de renvoi a conclu qu'il n'y avait pas lieu pour l'heure, d'une part, d'imposer à Tuk une interdiction formulée en termes généraux et, d'autre part, de refuser de lui interdire la vente de produits Dior - pourvus des marques TENDRE POISON, EAU SAUVAGE et DOLCE VITA - autres que ceux achetés et obtenus auprès de fournisseurs établis dans l'EEE et qui lui ont certifié par écrit s'être procuré ces marchandises à l'intérieur de l'EEE.

14 Ensuite, le Président de la juridiction de renvoi a d'office invoqué l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs en soulevant la question de savoir si cet article produisait un effet direct. Il a observé que, dans l'arrêt Hermès (4), la Cour a jugé qu'une mesure adoptée dans le cadre d'une procédure en référé du droit néerlandais était une...

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