Her Majesty's Customs and Excise contra Gerhart Schindler y Jörg Schindler.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1993:944
Date16 December 1993
Celex Number61992CC0275
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-275/92
EUR-Lex - 61992C0275 - FR 61992C0275

Conclusions de l'avocat général Gulmann présentées le 16 décembre 1993. - Her Majesty's Customs and Excise contre Gerhart Schindler et Jörg Schindler. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - Loteries. - Affaire C-275/92.

Recueil de jurisprudence 1994 page I-01039
édition spéciale suédoise page 00119
édition spéciale finnoise page I-00079


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Dans tous les systèmes juridiques des Etats membres s' applique une interdiction de principe à l' encontre des loteries et autres formes de jeu de hasard. Les justifications à cet égard sont largement convergentes : il s' agit d' une activité qu' on ne saurait admettre pour des raisons éthiques et sociales ; les citoyens doivent être protégés contre les dangers que comporte la passion du jeu et il existe un risque sérieux de criminalité dans ce domaine.

Dans le même temps, on trouve pourtant dans tous les Etats membres, à plus ou moins grande échelle, des exceptions à cette interdiction. La justification que l' on donne à cet égard est qu' il peut être opportun d' autoriser dans une certaine mesure les jeux pour, d' une part, aller au devant de l' envie de jouer des citoyens et, d' autre part, pour prévenir des activités de jeu illicites. Il est possible de fixer des exigences au regard des formes de jeu autorisées de manière à limiter le risque de criminalité. En outre, il est possible - et ce point revêt une grande importance dans tous les Etats membres - de subordonner les autorisations à la condition que les bénéfices dégagés par les jeux soient destinés à des fins d' intérêt général ou au trésor public.

2. Le domaine de la loterie, en cause dans la présente affaire, est caractérisé par le fait que dans la plupart des Etats membres, on trouve une ou plusieurs loteries au niveau national, soit gérées directement par les pouvoirs publics, soit placées sous un contrôle public strict. On trouve en outre des règles autorisant des loteries locales, de moindre importance, sous certaines conditions, notamment en ce qui concerne l' affectation du bénéfice. Parallèlement, il existe, d' après les informations qui ont été fournies, une interdiction dans les Etats membres ou, du moins, de sérieuses limites à l' encontre des activités des loteries étrangères(1).

Le marché intérieur n' est donc pas une réalité dans le domaine de la loterie. Les grandes loteries nationales se sont vu doter de droits exclusifs et elles sont dans une large mesure protégées contre la concurrence des loteries étrangères.

3. La présente affaire donne à la Cour l' occasion de statuer sur le point de savoir si les règles du traité de Rome s' appliquent dans ce domaine et, le cas échéant, si les restrictions applicables aux activités des entreprises de loterie étrangères sont licites selon le traité.

L' affaire revêt ainsi un grand intérêt tant pratique que de principe, et tous les Etats membres, à l' exception de l' Italie, ont en effet présenté des observations.

4. Les questions préjudicielles auxquelles la Cour est appelée à répondre ont été posées dans le cadre d' une affaire dans laquelle une juridiction britannique doit statuer sur la légalité en droit communautaire d' une confiscation de matériel publicitaire en faveur d' une loterie étrangère, effectuée sous couvert de la législation britannique qui interdisait à l' époque l' activité de loterie, à l' exception de certaines loteries locales, autrement dit, à une époque où il n' existait pas de grande loterie sur le plan national au Royaume-Uni.

Les jeux d' argent dans les Etats membres et la réglementation de leur activité

5. Il peut être opportun de compléter ces observations liminaires par quelques éléments d' information concernant les différentes formes de jeux pratiqués dans les Etats membres et leur réglementation.

6. Ces informations sont notamment tirées d' un rapport publié par la Commission, consacré au marché des jeux d' argent dans le cadre du marché intérieur(2). Le rapport, qui souligne que ses chiffres - qui concernent l' année 1989 - doivent être pris sous toutes réserves, divise le marché des jeux en une série de marchés partiels détenant à l' époque, sur le plan communautaire, les parts de marché suivantes :

- loteries nationales et assimilées36 %

- courses hippiques et assimilées31 %

- casinos17 %

- machines à sous11 %

- bingo et autres jeux non dénommés ailleurs 5 %

Le chiffre d' affaires total, c' est-à-dire le montant des enjeux dans le secteur des jeux autorisés, a été estimé à un peu plus de 45 milliards d' écus.

7. Le rapport montre qu' il y a de grandes différences entre les marchés dans les différents Etats membres.

Les différences nationales impliquaient, par exemple, que le Royaume-Uni et la France détenaient, pour ce qui est des paris sur les courses de chevaux, respectivement 55 % et 30 % du marché global sur le plan communautaire, alors que le marché des loteries(3) - à propos duquel le rapport ne comporte de chiffres que pour les grandes loteries à caractère national, et inclut en revanche les chiffres des paris sur les matches de football et autres sports (toto/football-pools) - était réparti sur les marchés nationaux comme suit :

- Allemagne28,5 %

- Espagne26,0 %

- France16,0 %

- Italie11,0 %

- Royaume-Uni (limité vraisemblablement aux6,0 %

seuls football-pools)

- Autres Etats membres12,5 %

8. Le rapport souligne en effet que le marché des jeux est composé de marchés nationaux extrêmement différenciés et que cela reflète des traditions et préférences nationales différentes, ainsi que des législations nationales différentes(4).

9. On indique dans ce rapport que le marché des jeux doit être aujourd' hui perçu, au moins autant, comme une importante source de revenus pour les Etats.

Ceci est également marquant dans le domaine de la loterie. Il ressort du rapport et, au reste, des observations présentées en l' espèce, que les Etats membres soit conservent le bénéfice pour eux-mêmes (le bénéfice est versé au trésor public), soit posent comme condition que le bénéfice soit affecté à des fins d' intérêt général (éventuellement, après prélèvement d' une partie du bénéfice au profit du trésor). Dans plusieurs Etats membres, les gagnants doivent acquitter des impôts sur les sommes gagnées. D' après les informations disponibles, il n' existe pas de loterie autorisée sur le plan national qui soit exploitée sur une base commerciale, autrement dit, qui soit gérée par des organisateurs privés pouvant eux-mêmes disposer des bénéfices.

La part du chiffre d' affaires global destinée, en tant que bénéfice, à être versée au trésor ou affectée à des fins d' intérêt général varie quelque peu d' un Etat à l' autre. Il s' agit néanmoins en tout cas d' une partie relativement importante du chiffre d' affaires total, généralement entre 25 et 40 %.

10. Même si le principe de base dans tous les Etats membres est le même - les loteries sont interdites, à moins qu' elles n' aient obtenu une autorisation particulière ou remplissent les conditions générales d' exercice d' une certaine activité, normalement locale - il existe des différences substantielles en ce qui concerne le bénéficiaire de l' autorisation. Ainsi qu' il a été mentionné, dans plusieurs Etats membres, les grandes loteries couvrant l' ensemble du territoire sont gérées par les pouvoirs publics eux-mêmes ou par des sociétés étatiques. Les loteries peuvent également faire l' objet d' une concession à des sociétés dont la tâche est d' organiser le tirage au nom et pour le compte des pouvoirs publics. Enfin, on trouve dans plusieurs Etats membres des exemples de ce que des loteries peuvent être organisées, également sur le plan national, par des sociétés philanthropiques, qui financent leurs activités, entre autres, à l' aide des bénéfices retirés des loteries qu' elles ont organisées.

11. Il ressort du rapport de la Commission(5), que dans une mesure certes limitée - mais grandissante du fait de l' évolution technique -, on assiste à des ventes de billets de loterie par-delà les frontières. Il s' agit surtout de ventes de billets des Klassenlotterien (loteries par tranches) allemandes vers la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas et le Luxembourg. Le rapport souligne que le marché britannique est particulièrement intéressant pour les offreurs étrangers de loteries, puisque le public en Grande Bretagne n' a pas eu jusque là la possibilité de participer à de grandes loteries. On suppose que les activités de jeux transfrontières constituent "un phénomène mû par le marché", puisque les consommateurs sont essentiellement motivés par le montant des lots.

12. Le marché britannique de la loterie s' est jusqu' à présent différencié des marchés de loterie dans les autres Etats membres.

La législation britannique contient une interdiction générale d' organisation de loteries. Cette interdiction ne souffre d' exception qu' en ce qui concerne certaines loteries locales organisées par les communes ou par des organisations et autres personnes morales, étant entendu que les bénéfices vont à des fins d' intérêt général ("bonnes causes").

D' où l' impossibilité d' organiser des loteries au niveau national, d' où également, l' interdiction édictée à l' encontre de la vente de billets de loterie de loteries étrangères et de la commercialisation desdites loteries(6).

13. Cet état du droit en vigueur au moment des faits de la cause (avril 1990) a été modifié sur des points importants. Sur la base d' un "livre blanc", de mars 1992(7), une loi a été adoptée le 21 octobre 1993, portant institution d' une loterie nationale (National Lottery etc. Act 1993) destinée à être gérée par un concessionnaire sous contrôle public et dont les bénéfices doivent servir à des fins d' intérêt général. La législation a en outre été modifiée en ce sens que...

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