Robin Swaddling contra Adjudication Officer.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:443
Docket NumberC-90/97
Celex Number61997CC0090
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date29 September 1998
EUR-Lex - 61997C0090 - FR 61997C0090

Conclusions de l'avocat général Saggio présentées le 29 septembre 1998. - Robin Swaddling contre Adjudication Officer. - Demande de décision préjudicielle: Social Security Commissioner - Royaume-Uni. - Sécurité sociale - Complément de ressources - Conditions d'ouverture - Résidence habituelle. - Affaire C-90/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-01075


Conclusions de l'avocat général

1 Le renvoi préjudiciel opéré par le Social Security Commissioner a pour objet l'interprétation de l'article 48 du traité CE et, par conséquent, du principe fondamental de la libre circulation des travailleurs au regard d'une législation nationale qui subordonne le droit à une prestation spéciale, le complément de ressources, à la condition que le bénéficiaire ait au Royaume-Uni sa résidence habituelle dont l'acquisition est soumise à la preuve que l'intéressé ait résidé pendant une période appréciable sur le territoire de cet État membre.

Bien que, de par sa formulation, cette question porte exclusivement sur l'interprétation de l'article 48 du traité, nous considérons que nous ne pouvons pas ne pas interpréter également l'article 51 du traité CE et les dispositions pertinentes du règlement (CEE) n_ 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (ci-après le «règlement n_ 1408/71» ou le «règlement»), dans la version modifiée et mise à jour telle qu'elle résulte du règlement (CEE) n_ 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (1), telle qu'elle a été modifiée par le règlement (CEE) n_ 1247/92 du Conseil, du 30 avril 1992 (2).

Les faits pertinents et le cadre juridique national

2 M. Swaddling, ressortissant britannique, a travaillé en France de 1980 à 1988 (3) en faisant usage de la libre circulation garantie par le traité, tout en continuant à verser des cotisations d'assurance à l'organisme compétent du Royaume-Uni. Il a accompli ce travail en tant que salarié dans le secteur français du tourisme, en accompagnant des touristes en France, d'abord de manière quotidienne, ensuite de manière hebdomadaire. Au cours de la dernière période, il avait une résidence stable en France et ne retournait au Royaume-Uni que lorsque cela était nécessaire pour des motifs de travail.

Il a été licencié en 1988 et il est retourné au Royaume-Uni, où il a travaillé pendant six mois dans un cinéma. Il a par la suite travaillé de nouveau en France, dans le secteur de l'information, avec des contrats à durée déterminée. La plupart des emplois qu'il a occupés avaient fait l'objet d'offres dans la presse britannique et les entretiens d'embauche ont eu lieu au Royaume-Uni. L'un de ces emplois comportait une période de stage auprès de deux stations de radio au Royaume-Uni.

A la fin de 1994, M. Swaddling a de nouveau perdu son emploi en raison de la cessation d'activité de son employeur. Après de brèves tentatives pour trouver un autre travail en France, il est retourné au Royaume-Uni en janvier 1995 et il est allé habiter chez son frère. Il a introduit une demande de complément de ressources, telle que prévue par l'article 124 du Social Security Contributions and Benefits Act de 1992, le 9 janvier 1995.

La législation anglaise sur le complément de ressources

3 Le Social Security Contributions and Benefits Act de 1992 ouvre le droit à un complément de ressources à toute personne âgée de 18 ans ou plus, qui n'a pas de revenus ou dont le revenu est inférieur au minimum prévu, qui n'exerce pas d'activité rémunérée et, sauf dans certaines circonstances déterminées, qui est disponible sur le marché du travail et recherche activement un emploi. La réglementation mettant en oeuvre cette loi, les Income Support (General) Regulations de 1987, prévoit en son article 21 que, lorsque le demandeur est une personne de l'étranger, il n'a pas droit au complément de ressources.

Par «personne de l'étranger», le règlement entend un demandeur qui ne réside pas habituellement au Royaume-Uni, en Irlande, dans les Iles anglo-normandes ou sur l'île de Man. En toute hypothèse, ajoute le règlement en cause, aucun demandeur ne saurait être traité comme ne résidant pas habituellement au Royaume-Uni s'il répond à la définition de la notion de travailleur au sens de la réglementation communautaire en matière de libre circulation des travailleurs ou s'il a, en toute hypothèse, le droit de résider au Royaume-Uni, en application de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 13), ou de la directive 73/148/CEE du Conseil, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l'intérieur de la Communauté en matière d'établissement et de prestation de services (JO L 172, p. 14). On ne saurait non plus considérer comme n'ayant pas sa résidence habituelle au Royaume-Uni une personne qui a le statut de réfugié au sens des dispositions pertinentes du droit international ou une personne qui a obtenu du Secretary of State une autorisation exceptionnelle de demeurer au Royaume-Uni.

4 En se fondant sur le droit anglais, la notion de «résidence habituelle», aux fins de l'application du Social Security Contributions and Benefits Act, implique qu'il soit satisfait à une double condition. Il importe, d'une part, que le demandeur ait la ferme intention de résider de manière stable au Royaume-Uni; il est exigé, d'autre part, une période de résidence appréciable sur le territoire du Royaume-Uni, laquelle, après appréciation de l'ensemble des circonstances de la présente affaire, a été définie par l'autorité britannique comme une période de huit semaines. Il résulte de ce qui précède que M. Swaddling n'a été considéré comme «ayant sa résidence habituelle» au Royaume-Uni qu'à partir du 4 mars 1995, alors qu'en ce qui concerne la période comprise entre le 9 janvier et le 3 mars 1995, et bien qu'il ait démontré sa ferme détermination à faire du Royaume-Uni son pays de résidence, il ne pouvait être considéré comme «ayant sa résidence habituelle» dans cet État membre aux fins de l'attribution du complément de ressources.

5 En se fondant sur les considérations en droit précitées, l'Adjudication Officer a rejeté la demande de complément de ressources présentée par le demandeur. La Court of Appeal (England & Wales) a fait droit à l'appel introduit à l'encontre de cette décision par M. Swaddling et a constaté, en prenant uniquement en considération les intentions que ce dernier avait manifestées, qu'il avait sa résidence habituelle au Royaume-Uni.

L'Adjudication Officer a mis en cause la décision de la Court of Appeal devant le Social Security Commissioner. Ce dernier, après avoir exclu que soient pertinents les arguments fondés sur le règlement n_ 1408/71 et en faisant valoir que le complément de ressources n'est pas suffisamment lié à un des risques envisagés par l'article 4, paragraphe 1, du règlement en cause, a déféré à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Au cas où une personne a travaillé et résidé habituellement dans un État membre, a exercé ensuite le droit à la libre circulation des travailleurs pour s'établir dans un autre État membre dans lequel elle a travaillé et fixé sa résidence habituelle et où elle retourne enfin dans le premier État membre pour chercher du travail, est-il compatible avec les exigences de l'article 48 du traité de Rome que le premier État membre impose une condition de résidence habituelle dans cet État (qui implique l'existence d'une période appréciable de résidence dans cet État) pour l'octroi d'une prestation étatique générale non contributive, soumise à une condition de ressources, ayant les caractéristiques du complément de ressources britannique».

La pertinence du règlement n_ 1408/71

6 A la différence de la position adoptée par le juge national dans l'ordonnance de renvoi, nous considérons que le complément de ressources prévu par la législation anglaise relève du champ d'application du règlement n_ 1408/71. Par conséquent, c'est d'abord à la lumière des dispositions réglementaires pertinentes qu'il y aura lieu d'examiner la compatibilité de la législation nationale invoquée.

7 Il ne fait aucun doute que le demandeur au principal relève du champ d'application ratione personae du règlement tel qu'il est défini par son article 2. En effet, en application de cet article 2, paragraphe 1, le règlement «... s'applique aux travailleurs salariés ou non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l'un des États membres». La notion de travailleur est, quant à elle, définie par l'article 1er, sous a), du règlement précité, en ne tenant pas compte de l'exercice effectif d'une activité, mais exclusivement sur la base de l'affiliation, actuelle ou passée, de l'intéressé à un régime de sécurité sociale, conformément à la législation d'un ou de plusieurs États membres (4).

M. Swaddling est affilié au régime de sécurité sociale britannique auquel il a du reste également versé des cotisations dans le passé. On peut retenir par ailleurs que, au cours de la période où il a résidé en France, il a été affilié au régime de sécurité sociale de ce pays et que, par conséquent, il remplit, également de ce point de vue, les conditions...

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