Océano Grupo Editorial SA contra Roció Murciano Quintero (C-240/98) y Salvat Editores SA contra José M. Sánchez Alcón Prades (C-241/98), José Luis Copano Badillo (C-242/98), Mohammed Berroane (C-243/98) y Emilio Viñas Feliú (C-244/98).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:620
Docket NumberC-240/98,C-244/98
Celex Number61998CC0240
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 December 1999
EUR-Lex - 61998C0240 - FR 61998C0240

Conclusions de l'avocat général Saggio présentées le 16 décembre 1999. - Océano Grupo Editorial SA contre Roció Murciano Quintero (C-240/98) et Salvat Editores SA contre José M. Sánchez Alcón Prades (C-241/98), José Luis Copano Badillo (C-242/98), Mohammed Berroane (C-243/98) et Emilio Viñas Feliú (C-244/98). - Demande de décision préjudicielle: Juzgado de Primera Instancia nº 35 de Barcelona - Espagne. - Directive 93/13/CEE - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Clause attributive de juridiction - Pouvoir du juge d'examiner d'office le caractère abusif d'une telle clause. - Affaires jointes C-240/98 à C-244/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-04941


Conclusions de l'avocat général

1 Par ordonnances, de contenu identique, du 31 mars et du 1er avril 1998, le Juzgado de primera instancia de Barcelona a posé à la Cour une question préjudicielle sur l'interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (1) (ci-après la «directive»). C'est la première fois que la Cour est appelée à se prononcer sur cette directive. En particulier, le juge de renvoi demande si le système de protection que la directive garantit aux consommateurs implique que le juge, statuant sur un litige relatif à l'inexécution prétendue d'un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause insérée dans ce contrat. En l'espèce, il s'agit d'une clause qui attribue au juge du siège de l'entreprise la compétence exclusive pour se prononcer sur les litiges relatifs à l'application d'un contrat de vente.

La réglementation communautaire

2 La directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur (article 1er, paragraphe 1).

En application de l'article 2, on entend par «professionnel» toute personne physique ou morale qui agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu'elle soit publique ou privée, et par «consommateur» toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle.

3 La directive a comme objectif d'assurer, dans les ordres juridiques des États membres, une protection minimale du consommateur, en laissant la possibilité aux États membres de prévoir un niveau de protection plus élevé au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la directive (douzième et dix-septième considérants; article 8).

Quant à son domaine d'application, elle régit uniquement les clauses contractuelles n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle: en vertu de l'article 3, paragraphe 2, «une clause est toujours considérée comme n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle lorsqu'elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n'a, de ce fait, pas pu avoir d'influence sur son contenu, notamment dans le cadre d'un contrat d'adhésion». Cette disposition précise au paragraphe suivant que «le fait que certains éléments d'une clause ou qu'une clause isolée aient fait l'objet d'une négociation individuelle n'exclut pas l'application du présent article au reste d'un contrat si l'appréciation globale permet de conclure qu'il s'agit malgré tout d'un contrat d'adhésion». Le troisième paragraphe ajoute ensuite que «si le professionnel prétend qu'une clause standardisée a fait l'objet d'une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe».

4 La directive contient une définition à caractère général des clauses abusives. A l'article 3, paragraphe 1, elle prévoit qu'une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle «est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat».

L'article 4 ajoute que sans préjudice de l'article 7, «le caractère abusif d'une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend». Cette appréciation «ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation entre le prix et la rémunération, d'une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d'autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible».

5 Pour déterminer concrètement les clauses qui créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la directive cite, dans l'annexe, les clauses qui peuvent être déclarées abusives; cette liste a un caractère purement indicatif et non exhaustif, et laisse aux États membres le soin de la compléter ou de la formuler en termes plus restrictifs dans le cadre de leur législation (dix-septième considérant et article 3, paragraphe 3).

Parmi les clauses prévues par l'annexe figurent celles qui ont pour objet ou pour effet de «supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat» (lettre q).

6 Conformément à l'article 6, paragraphe 1, les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel «ne lient pas les consommateurs»; cette disposition stipule que le contrat reste contraignant pour les parties «s'il peut subsister sans les clauses abusives».

Les États membres doivent en outre veiller à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, «des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel» (article 7, paragraphe 1); en particulier, ces moyens comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu'ils déterminent si les clauses contractuelles, rédigées en vue d'une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l'utilisation de telles clauses (article 7, paragraphe 2). La directive n'indique toutefois pas, de façon expresse, si le juge national a ou non le pouvoir d'invoquer d'office le caractère abusif de la clause et donc son inopposabilité au consommateur.

7 Les États membres étaient tenus de transposer la directive en droit interne avant le 31 décembre 1994. Les dispositions de la directive sont applicables à tous les contrats conclus après cette date (article 10, paragraphe 1).

La législation nationale

8 La directive a été transposée en droit espagnol par la loi n_ 7/1998 du 13 avril 1998 (2), donc en retard par rapport au délai prévu. Cette loi a pour objet, selon ce qui est indiqué dans son préambule, de transposer la réglementation communautaire concernant les clauses abusives dans les contrats conclus par les consommateurs et de régir les conditions générales de contrat. En application de la troisième disposition finale, la loi est entrée en vigueur à la suite d'une vacatio legis de vingt jours à compter de la date de publication au Boletìn Oficial del Estado, c'est-à-dire le 3 mai 1998.

9 La loi de 1998 a modifié la loi n_ 26/1984, du 9 juillet 1984, relative à la protection du consommateur (3), en introduisant, entre autres, un nouvel article 10 bis contenant la définition des clauses abusives, lesquelles incluent toutes les dispositions n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle, qui, en dépit de l'exigence de bonne foi, créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. Le deuxième alinéa de cet article prévoit que sont nulles de plein droit, et sont considérées comme non conclues, les clauses, les conditions et les dispositions ayant un caractère abusif.

Au sens et en application de l'article 10 bis, sont à considérer comme abusives les clauses prévues par les dispositions additionnelles, dont font partie, au point 27, les dispositions qui attribuent compétence à un juge autre que celui du domicile du consommateur ou du lieu d'exécution de l'obligation.

Les actions prévues par la loi peuvent être exercées en justice à partir de la date d'entrée en vigueur de la loi, même pour les contrats conclus auparavant. Dans le cas d'espèce, toutefois, la loi n'était pas encore en vigueur à la date où les sociétés requérantes ont assigné en justice les consommateurs, de sorte que les nouvelles dispositions ne sont pas applicables en l'espèce. Auparavant, la protection des consommateurs contre les clauses abusives insérées dans les contrats conclus par un professionnel était régie par la loi n_ 26/1984, précitée. Cette loi exigeait que les dispositions insérées dans les contrats indiqués soient, entre autres, conformes à la bonne foi et garantissent le juste équilibre entre les différentes prestations. Étaient donc considérées comme nulles de plein droit les clauses abusives, entendues comme les clauses qui portent atteinte de façon disproportionnée ou non équitable au consommateur, ou qui créent dans le contrat une situation de déséquilibre entre les...

To continue reading

Request your trial
5 practice notes
  • Lili Georgieva Panayotova and Others v Minister voor Vreemdelingenzaken en Integratie.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 February 2004
    ...8; Case C-334/92 Wagner Miret [1993] ECR I-6911, paragraph 20; Case C-91/92 Faccini Dori [1994] ECR I-3325, paragraph 26; Joined Cases C-240/98 to C-244/98 Océano Grupo Editorial and Salvat Editores [2000] ECR I-4941, paragraph 30; Case C-356/00 Antonio Testa [2002] ECR I-10797, paragraph 4......
  • Opinion of Advocate General Medina delivered on 23 March 2023.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 23 March 2023
    ...of Jules Stuyck, Intersentia, Cambridge – Anvers – Portland, 2013. 5 Arrêt du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:2000:346, ci-après l’« arrêt Océano Grupo 6 Arrêt du 21 novembre 2002, Cofidis (C‑473/00, EU:C:2002:705). 7 Arrêt du 14 mars 2013,......
  • Opinion of Advocate General Bobek delivered on 23 September 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 23 September 2021
    ...esempio, conclusioni dell’avvocato generale Saggio nelle cause riunite Océano Grupo Editorial e Salvat Editores (da C-240/98 a C-244/98, EU:C:1999:620), nonché le conclusioni dell’avvocato generale Léger nella causa Linster (C-287/98, EU:C:2000:3). V. anche, tra gli altri, Dougan, M., «When......
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 July 2021
    ...p. 16. 34 See the Opinion of Advocate General Saggio in Joined Cases Océano Grupo Editorial and Salvat Editores (C‑240/98 to C‑244/98, EU:C:1999:620, point 35 See the Opinion of Advocate General Alber in Collino and Chiappero (C‑343/98, EU:C:2000:23, point 30). 36 See the Opinion of Advocat......
  • Request a trial to view additional results
5 cases
  • Lili Georgieva Panayotova and Others v Minister voor Vreemdelingenzaken en Integratie.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 February 2004
    ...8; Case C-334/92 Wagner Miret [1993] ECR I-6911, paragraph 20; Case C-91/92 Faccini Dori [1994] ECR I-3325, paragraph 26; Joined Cases C-240/98 to C-244/98 Océano Grupo Editorial and Salvat Editores [2000] ECR I-4941, paragraph 30; Case C-356/00 Antonio Testa [2002] ECR I-10797, paragraph 4......
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 July 2021
    ...p. 16. 34 See the Opinion of Advocate General Saggio in Joined Cases Océano Grupo Editorial and Salvat Editores (C‑240/98 to C‑244/98, EU:C:1999:620, point 35 See the Opinion of Advocate General Alber in Collino and Chiappero (C‑343/98, EU:C:2000:23, point 30). 36 See the Opinion of Advocat......
  • Opinion of Advocate General Medina delivered on 23 March 2023.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 23 March 2023
    ...of Jules Stuyck, Intersentia, Cambridge – Anvers – Portland, 2013. 5 Arrêt du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:2000:346, ci-après l’« arrêt Océano Grupo 6 Arrêt du 21 novembre 2002, Cofidis (C‑473/00, EU:C:2002:705). 7 Arrêt du 14 mars 2013,......
  • Opinion of Advocate General Bobek delivered on 23 September 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 23 September 2021
    ...esempio, conclusioni dell’avvocato generale Saggio nelle cause riunite Océano Grupo Editorial e Salvat Editores (da C-240/98 a C-244/98, EU:C:1999:620), nonché le conclusioni dell’avvocato generale Léger nella causa Linster (C-287/98, EU:C:2000:3). V. anche, tra gli altri, Dougan, M., «When......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT