Mitsubishi Shoji Kaisha Ltd y Mitsubishi Caterpillar Forklift Europe BV contra Duma Forklifts NV y G.S. International BVBA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:292
Docket NumberC-129/17
Celex Number62017CC0129
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date26 April 2018
62017CC0129

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 26 avril 2018 ( 1 )

Affaire C‑129/17

Mitsubishi Shoji Kaisha Ltd,

Mitsubishi Caterpillar Forklift Europe BV

contre

Duma Forklifts NV,

G.S. International BVBA

[demande de décision préjudicielle formée par le hof van beroep Brussel (cour d’appel de Bruxelles, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Marque de l’Union européenne – Droits conférés par la marque – Importations parallèles dans l’EEE – Remarquage de produits avant leur importation dans l’EEE »

1.

Lorsqu’un signe distinctif est enregistré comme marque, son titulaire bénéficie, à l’égard des tiers, d’un ensemble de droits qui lui permettent d’opposer ce signe à ses concurrents. Parmi ces droits se trouve précisément celui d’interdire de faire usage de la marque dans la vie des affaires en l’absence de son consentement.

2.

La législation de l’Union consacre en outre le droit du titulaire d’autoriser, sur le territoire de l’Espace économique européen (EEE), la première mise dans le commerce des produits désignés par la marque. Une fois ce droit exercé, le droit de marque est dit épuisé, de sorte que son titulaire ne pourra plus s’opposer aux cessions ultérieures de ces produits, sauf dans certains cas limités ( 2 ).

3.

Deux circonstances particulières entrent en ligne de compte dans le présent renvoi préjudiciel :

d’une part, un tiers a supprimé (de-branding), en l’absence du consentement du titulaire de la marque, les signes distinctifs de celle-ci apposés sur des chariots‑élévateurs qui n’avaient pas été préalablement mis dans le commerce dans l’EEE, étant donné qu’ils se trouvaient stockés sous le régime de l’entrepôt douanier ;

d’autre part, ces signes étaient supprimés par le tiers dans l’objectif d’importer ou de mettre ces marchandises dans le commerce dans l’EEE après les avoir revêtues de son propre signe distinctif (re-branding) ( 3 ).

4.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi fait part à la Cour de ses doutes sur les limites des droits conférés au titulaire de la marque par la législation applicable en matière de signes distinctifs. Concrètement, elle demande si le tiers qui a agi comme décrit dans les présentes conclusions a fait usage de la marque enregistrée, en violation des droits du titulaire de celle-ci.

I. Le cadre juridique

5.

En droit de l’Union, le régime juridique de protection des marques se compose à la fois des mesures d’harmonisation des droits nationaux (en particulier, la directive 2008/95/CE ( 4 ), dont les modifications ultérieures ne sont pas pertinentes en l’espèce) ( 5 ) et des dispositions régissant la marque de l’Union européenne ( 6 ), applicables aux opérateurs qui choisissent ce titre de propriété industrielle de portée continentale ( 7 ).

A. La réglementation des marques

1. La directive 2008/95

6.

Le considérant 11 indique que :

« La protection conférée par la marque enregistrée, dont le but est notamment de garantir la fonction d’origine de la marque, devrait être absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services. La protection devrait valoir également en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services. […] »

7.

L’article 5 (intitulé « Droits conférés par la marque »), paragraphes 1 et 3, dispose que :

« 1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires :

a)

d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;

b)

d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque ou le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

[…]

3. Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit :

a)

d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;

b)

d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe ;

c)

d’importer ou d’exporter les produits sous le signe ;

d)

d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité. »

8.

L’article 7 (intitulé « Épuisement du droit conféré par la marque ») prévoit que :

« 1. Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans [l’Union] sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

2. Le paragraphe 1 n’est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l’état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce. »

2. Le règlement no 207/2009

9.

Aux termes du considérant 9 :

« Il découle du principe de libre circulation des marchandises que le titulaire d’une marque [de l’Union européenne] ne peut en interdire l’usage à un tiers pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans [l’Union], sous la marque, par lui-même ou avec son consentement, à moins que des motifs légitimes justifient que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits. »

10.

Les articles 9 (intitulé « Droit conféré par la marque [de l’Union européenne] ») et 13 (intitulé « Épuisement du droit conféré par la marque [de l’Union européenne] ») sont respectivement équivalents aux articles 5 et 7 de la directive 2008/95.

B. La réglementation douanière

11.

Le régime de l’entrepôt douanier, applicable ratione temporis en l’espèce, constituait l’un des régimes particuliers prévus au titre VII, chapitre I (intitulé « Dispositions générales »), article 135, (intitulé « Champ d’application »), sous b), du règlement (CE) no 450/2008, établissant le code des douanes [de l’Union] ( 8 ).

12.

L’article 141 (intitulé « Manipulations usuelles ») du code des douanes [de l’Union] dispose que :

« Des marchandises placées sous le régime de l’entrepôt douanier ou un régime de transformation, ou placées dans une zone franche, peuvent subir les manipulations usuelles destinées à en assurer la conservation, à en améliorer la présentation ou la qualité marchande ou à en préparer la distribution ou la revente. »

13.

L’article 531 du règlement d’application du code des douanes ( 9 ) prévoyait que les « marchandises non communautaires peuvent faire l’objet des manipulations usuelles décrites dans l’annexe 72 ». Cette annexe précise la notion de « manipulations usuelles » et, pour ce qui intéresse la présente affaire, comprend notamment les manipulations suivantes :

« 16.

Emballage, déballage, changement d’emballage, décantage et transvasement simple, même si cela aboutit à un code de la nomenclature combinée différent à huit chiffres, apposition, retrait et modification des marques, scellés, étiquettes, porte-prix ou autre signe distinctif similaire» ( 10 ).

C. La législation relative à la concurrence déloyale

14.

Étant donné que la possibilité de recourir à la législation relative à la concurrence déloyale n’est pas exclue, il convient de mentionner l’article 10 bis de la convention pour la protection de la propriété industrielle ( 11 ), qui dispose :

« 1) Les pays de l’Union sont tenus d’assurer aux ressortissants de l’Union une protection effective contre la concurrence déloyale.

2) Constitue un acte de concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.

3) Notamment devront être interdits :

i)

tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent ;

ii)

les allégations fausses, dans l’exercice du commerce, de nature à discréditer l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent ;

iii)

les indications ou allégations dont l’usage, dans l’exercice du commerce, est susceptible d’induire le public en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les caractéristiques, l’aptitude à l’emploi ou la quantité des marchandises. »

II. Faits du litige au principal et questions préjudicielles

A. Les faits

15.

Mitsubishi Shoji Kaisha Ltd, société établie au Japon (ci-après « Mitsubishi »), gère au niveau mondial le portefeuille de marques du groupe Mitsubishi. En cette qualité, elle agit comme titulaire des marques suivantes (ci‑après les « marques Mitsubishi ») :

deux marques de l’Union européenne : une marque verbale, « MITSUBISHI », enregistrée le 24 septembre 2001, et une autre, figurative, enregistrée le 3 mars 2000, dont le graphisme est reproduit à la fin du présent tiret, toutes deux inscrites entre autres pour des produits relevant de la classe 12, et en particulier pour des véhicules à moteur, des véhicules électriques et des chariots-élévateurs :

Image

deux marques Benelux enregistrées le 1er juin 1974 : une marque verbale, « MITSUBISHI », et une autre, figurative, dont le graphisme est identique à celui de la marque de l’Union européenne figurative, portant toutes...

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