Conclusions de l'avocat général M. P. Pikamäe, présentées le 23 avril 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:294
Celex Number62019CC0924
Date23 April 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 23 avril 2020 (1)

Affaires jointes C924/19 PPU et C925/19 PPU

FMS,

FNZ (C‑924/19 PPU),

SA,

SA junior (C‑925/19 PPU)

contre

Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság,

Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság

[demande de décision préjudicielle formée par le Szegedi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Szeged, Hongrie)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Demande de protection internationale – Article 33, paragraphe 2 – Motifs d’irrecevabilité – Réglementation nationale prévoyant l’irrecevabilité de la demande si le demandeur est arrivé dans l’État membre concerné par un pays où il n’est pas exposé à la persécution ou aux risques d’atteintes graves ou si ce pays accorde une protection suffisante – Articles 35, 38, paragraphe 4, articles 40 et 43 – Directive 2013/33/UE – Article 2, sous h), articles 8 et 9 – Procédure d’asile – Mesure de retour – Modalités procédurales – Rétention – Durée de la rétention – Légalité de la rétention – Examen – Recours – Droit à un recours effectif – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »





1. Les deux affaires jointes C-924/19 PPU et C-925/19 PPU donnent l’occasion à la Cour de se pencher, à nouveau, sur la situation juridique des demandeurs de protection internationale séjournant dans la zone de transit de Röszke, à la frontière serbo-hongroise. Les nombreuses questions préjudicielles adressées à la Cour recouvrent différentes problématiques tenant à l’interprétation de la directive 2013/32/UE (2) et de la directive 2013/33/UE (3), notamment quant aux conséquences d’une non-réadmission par un pays tiers de migrants dont la demande de protection internationale a été déclarée irrecevable, à la qualification de l’hébergement de ceux-ci dans la zone de transit au regard des dispositions du droit de l’Union régissant la rétention et à leur droit à une protection juridictionnelle effective, notamment, au travers de l’adoption de mesures provisoires par le juge national.

2. L’actualité des mouvements migratoires et l’arrêt récent Ilias et Ahmed c. Hongrie (4) de la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, concernant précisément la situation de ressortissants de pays tiers ayant séjourné dans la zone de transit de Röszke, confèrent aux présentes affaires préjudicielles un caractère sensible, les réponses à venir de la Cour revêtant un intérêt indiscutable tant d’un point de vue juridique qu’humanitaire.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 2013/32

3. L’article 6 de la directive 2013/32, intitulé « Accès à la procédure », prévoit :

« 1. Lorsqu’une personne présente une demande de protection internationale à une autorité compétente en vertu du droit national pour enregistrer de telles demandes, l’enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande.

[...]

2. Les États membres veillent à ce que les personnes qui ont présenté une demande de protection internationale aient la possibilité concrète de l’introduire dans les meilleurs délais. Si les demandes n’introduisent pas leur demande, les États membres peuvent appliquer l’article 28 en conséquence.

3. Sans préjudice du paragraphe 2, les États membres peuvent exiger que les demandes de protection internationale soient introduites en personne et/ou en un lieu désigné.

[...]

5. Lorsque, en raison du nombre élevé de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides qui demandent simultanément une protection internationale, il est dans la pratique très difficile de respecter le délai prévu au paragraphe 1, les États membres peuvent prévoir de porter ce délai à dix jours ouvrables. »

4. L’article 26 de cette directive, intitulé « Placement en rétention », dispose :

« 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur. Les motifs et les conditions de la rétention, ainsi que les garanties données aux demandeurs placés en rétention sont conformes à la directive [2013/33].

2. Lorsqu’un demandeur est placé en rétention, les États membres veillent à prévoir la possibilité d’un contrôle juridictionnel rapide conformément à la directive [2013/33]. »

5. Aux termes de l’article 33 de la même directive, intitulé « Demandes irrecevables » :

« 1. Outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement (UE) n° 604/2013 [(5)], les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la directive 2011/95/UE [(6)], lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article.

2. Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

a) une protection internationale a été accordée par un autre État membre ;

b) un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme le premier pays d’asile du demandeur en vertu de l’article 35 ;

c) un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur en vertu de l’article 38 ;

d) la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive [2011/95] ; ou

e) une personne à charge du demandeur introduit une demande après avoir, conformément à l’article 7, paragraphe 2, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande introduite en son nom, et que rien dans la situation de la personne à charge ne justifie une demande distincte. »

6. L’article 35 de la directive 2013/32, intitulé « Le concept de premier pays d’asile », est libellé comme suit :

« Un pays peut être considéré comme le premier pays d’asile d’un demandeur déterminé, si le demandeur :

a) s’est vu reconnaître la qualité de réfugié dans ce pays et peut encore se prévaloir de cette protection ; ou

b) jouit, à un autre titre, d’une protection suffisante dans ce pays, y compris du bénéfice du principe de non-refoulement,

à condition qu’il soit réadmis dans ce pays.

En appliquant le concept de premier pays d’asile à la situation personnelle d’un demandeur, les États membres peuvent tenir compte de l’article 38, paragraphe 1. Le demandeur est autorisé à contester l’application du concept de premier pays d’asile à sa situation personnelle. »

7. L’article 38 de cette directive, intitulé « Le concept de pays tiers sûr », prévoit à son paragraphe 4 :

« Lorsque le pays tiers ne permet pas au demandeur d’entrer sur son territoire, les États membres veillent à ce que cette personne puisse engager une procédure conformément aux principes de base et garanties fondamentales énoncés au chapitre II. »

8. L’article 43 de la même directive, intitulé « Procédures à la frontière », dispose :

« 1. Les États membres peuvent prévoir des procédures conformément aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II afin de se prononcer, à leur frontière ou dans leurs zones de transit, sur :

a) la recevabilité d’une demande, en vertu de l’article 33, présentée en de tels lieux ; et/ou

b) le fond d’une demande dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 31, paragraphe 8.

2. Les États membres veillent à ce que toute décision dans le cadre des procédures prévues au paragraphe 1 soit prise dans un délai raisonnable. Si aucune décision n’a été prise dans un délai de quatre semaines, le demandeur se voit accorder le droit d’entrer sur le territoire de l’État membre afin que sa demande soit traitée conformément aux autres dispositions de la présente directive.

3. Lorsque l’afflux d’un grand nombre de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides introduisant une demande de protection internationale à la frontière ou dans une zone de transit rend impossible, en pratique, l’application des dispositions du paragraphe 1, ces procédures peuvent également être appliquées dès lors et aussi longtemps que ces ressortissants de pays tiers ou apatrides sont hébergés normalement dans des endroits situés à proximité de la frontière ou de la zone de transit. »

2. La directive 2013/33

9. L’article 8 de la directive 2013/33, intitulé « Placement en détention », est libellé comme suit :

« 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur conformément à la [directive 2013/32].

2. Lorsque cela s’avère nécessaire et sur la base d’une appréciation au cas par cas, les États membres peuvent placer un demandeur en rétention, si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.

3. Un demandeur ne peut être placé en rétention que :

a) pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité ;

b) pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a risque de fuite du demandeur ;

c) pour statuer, dans le cadre d’une procédure, sur le droit du demandeur d’entrer sur le territoire ;

d) lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d’une procédure de retour au titre de la directive 2008/115/CE [(7)], pour préparer le retour et/ou procéder à l’éloignement, et lorsque l’État membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile, qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou...

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