Halifax plc, Leeds Permanent Development Services Ltd and County Wide Property Investments Ltd v Commissioners of Customs & Excise.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:200
Docket NumberC-223/03
Celex Number62002CC0255
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 April 2005

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. POIARES MADURO

présentées le 7 avril 2005 (1)

Affaire C-255/02

Halifax plc,

Leeds Permanent Development Services Ltd,

County Wide Property Investments Ltd

contre

Commissioners of Customs & Excise

[demande de décision préjudicielle formée par le VAT and Duties Tribunal, London (Royaume-Uni)]

Affaire C-419/02

1) BUPA Hospitals Ltd,

2) Goldsborough Developments Ltd

contre

Commissioners of Customs and Excise

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales) Chancery Division, (RoyaumeUni)]

Affaire C-223/03

University of Huddersfield Higher Education Corporation

contre

Commissioners of Customs and Excise

[demande de décision préjudicielle formée par le VAT and Duties Tribunal, Manchester (Royaume-Uni)]

«Sixième directive TVA – Articles 2, paragraphe 1, 4, paragraphes 1 et 2, 5, paragraphe 1, 6, paragraphe 1, 10, paragraphe 2, et 17 – Livraison de biens et de services – Activité économique – Abus de droit – Opérations ayant pour seul objectif d'obtenir un avantage fiscal»






1. Le VAT and Duties Tribunal, London (Royaume-Uni), la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume‑Uni), et le VAT and Duties Tribunal, Manchester (Royaume‑Uni) ont, par trois ordonnances distinctes, déféré à titre préjudiciel à la Cour de justice plusieurs questions relatives à l'interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (2) (ci-après la «sixième directive»), telle que modifiée.

2. Les trois affaires portent sur des opérations effectuées dans le but d'obtenir un avantage fiscal qui se concrétise par un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») acquittée en amont. Il est en substance demandé à la Cour, en premier lieu, de déterminer si les opérations effectuées dans le seul but de permettre la récupération de la taxe acquittée en amont sont susceptibles de constituer une «activité économique» au sens de l'article 4, paragraphe 2, de la sixième directive. En second lieu, la Cour est invitée à examiner l'éventuelle applicabilité de la doctrine dite de l'«abus de droit» en matière de TVA, dont il résulterait l'éventuel rejet des demandes de déduction de la TVA acquittée par une personne dans des circonstances telles que celles des présentes affaires.

I – La réglementation communautaire pertinente au regard des trois affaires

3. Selon l'article 2, point 1, de la sixième directive, la TVA s'applique aux «livraisons de biens et [aux] prestations de services, effectuées à titre onéreux […] par un assujetti agissant en tant que tel».

4. L'article 4, paragraphe 1, de la sixième directive dispose que «[e]st considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité» et, selon le paragraphe 2 du même article, pareilles activités économiques «sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services […]».

5. Aux termes de l'article 5, paragraphe 1, de la sixième directive, «[e]st considéré comme ‘livraison d'un bien’ le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire»; l'article 6, paragraphe 1, de cette même directive définit la «prestation de services» comme «toute opération qui ne constitue pas une livraison d'un bien au sens de l'article 5».

6. L'article 13, A, paragraphe 1, exonère de la TVA un certain nombre d'activités, dont l'hospitalisation et les services médicaux, en disposant que:

«Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels.

[…]

b) l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d'autres établissements de même nature dûment reconnus».

7. L'article 13, B, sous b), dispose en des termes identiques à ceux de l'article 13, A, paragraphe 1, que «l'affermage et la location de biens immeubles» sont exonérés de la TVA. L'article 13, B, sous d), énumère, également en termes identiques à ceux de l'article 13, A, paragraphe 1, un certain nombre d'activités dans le secteur des services financiers que les États membres doivent également exonérer de la TVA.

8. S'agissant des déductions, l'article 17, paragraphe 1, dispose que «[l]e droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible». Aux termes de l'article 17, paragraphe 2, «[da]ns la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable […] la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée à l'intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti» (3).

9. En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction de la TVA, le premier alinéa de l'article 17, paragraphe 5, dispose que «la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations». Le deuxième alinéa dudit article 17, paragraphe 5, dispose que «[c]e prorata est déterminé pour l'ensemble des opérations effectuées par l'assujetti conformément à l'article 19».

10. L'article 27, paragraphe 1, de la sixième directive, relatif aux procédures de simplification (4) dispose que «[l]e Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser tout État membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d'éviter certaines fraudes ou évasions fiscales. Les mesures destinées à simplifier la perception de la taxe ne peuvent influer, sauf de façon négligeable, sur le montant de la taxe due au stade de la consommation finale».

II – Les faits des procédures au principal, les questions déférées à la Cour et les réglementations communautaires et nationales pertinentes dans chaque affaire

A – L'affaire C-255/02

11. Halifax plc (ci-après «Halifax») est un établissement bancaire. En vertu de l'article 13, B, sous d), de la sixième directive, la très grande majorité de ses prestations sont des services financiers exonérés. Halifax souhaitait construire des «centres d'appel» aux fins de son activité commerciale sur quatre sites différents au Royaume-Uni sur lesquels elle détenait un bail ou la pleine propriété. Conformément à la règle du prorata énoncée à l'article 17, paragraphe 5, de la sixième directive, Halifax aurait pu récupérer quelque 5 % de la TVA payée sur les travaux de construction. Ses conseillers fiscaux ont toutefois élaboré un système par lequel Halifax a pu, par le biais d'une série d'opérations impliquant différentes sociétés du groupe Halifax, récupérer en pratique l'intégralité de la TVA payée en amont sur les travaux de construction.

12. Les sociétés impliquées dans l'opération étaient toutes des filiales à 100 % de Halifax: Leeds Permanent Development Services Ltd (ci‑après «LPDS»), société à finalité spéciale qui s'est livrée, par le passé, à la gestion de projets immobiliers et qui n'appartenait pas au groupe TVA de Halifax; County Wide Property Investments Ltd (ci‑après «CWPI») une société de promotion immobilière et d'investissement et, enfin, Halifax Property Investment Ltd (ci‑après «HPIL») qui, contrairement aux autres sociétés susmentionnées, n'était pas enregistrée aux fins de la TVA.

13. Le système concerne quatre sites différents, mais les opérations ont suivi le même schéma pour chacun des sites. En premier lieu, Halifax a convenu par contrat de prêter à LPDS l'argent nécessaire à l'acquisition de l'intérêt requis pour le site, et aux travaux de construction à effectuer. De façon concomitante, dans un autre contrat, LPDS a convenu d'exécuter sur le site des travaux de construction de faible valeur. Halifax a versé à LPDS 164 000 GBP environ pour ces travaux effectués sur les quatre sites, somme qui incluait presque 25 000 GBP de TVA comptabilisés par LPDS et pour lesquels Halifax a pu se faire rembourser au prorata la taxe payée en amont pour la seule petite partie déductible.

14. LPDS a, quant à elle, conclu un accord de mise en valeur et de financement avec CWPI en vertu duquel cette dernière devait exécuter ou faire exécuter les travaux de construction sur chaque site. Cela incluait les travaux de faible valeur que LPDS avait convenu d'effectuer pour le compte de Halifax. Faisant usage des avances faites par Halifax en vertu des stipulations du contrat de prêt conclu avec LPDS, cette dernière a versé à CWPI une importante avance destinée aux travaux (un total de quelque 48 millions de GBP pour les quatre sites, dont plus de 7 millions de GBP de TVA).

15. Toutes ces opérations ont eu lieu le même jour, dans le cadre de l'exercice financier de LPDS qui a pris fin le 31 mars 2000 (5). Au cours de cet exercice, LPDS avait fourni des petits travaux de construction taxés au taux normal et n'avait ni livré de biens ni fourni de services exonérés. En conséquence, LPDS a sollicité le remboursement d'une somme supérieure à 7 millions de GBP payés au titre de la TVA sur ses opérations effectuées en amont au cours...

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