European Commission v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:172
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-400/08
Date24 March 2011
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62008CJ0400

Affaire C-400/08

Commission européenne

contre

Royaume d’Espagne

«Manquement d’État — Liberté d’établissement — Article 43 CE — Réglementation nationale concernant l’établissement de surfaces commerciales en Catalogne — Restrictions — Justifications — Proportionnalité»

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Restrictions — Réglementation limitant la localisation et la taille des grands établissements commerciaux sur un territoire particulier

(Art. 43 CE)

Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 43 CE, l'État membre qui adopte et/ou maintient en vigueur des dispositions qui:

- interdisent l’implantation de grands établissements commerciaux en dehors des tissus urbains consolidés d’un nombre limité de municipalités;

- limitent l’implantation de nouveaux hypermarchés à un nombre réduit de circonscriptions et imposent que de tels nouveaux hypermarchés n’absorbent pas plus de 9 % des dépenses en produits d’usage quotidien et de 7 % des dépenses en produits d’usage non quotidien;

- requièrent l’application de plafonds en ce qui concerne le degré d’implantation et l’incidence sur le commerce de détail préexistant au-delà desquels il est impossible d’ouvrir de nouveaux grands établissements commerciaux et/ou de nouveaux établissements commerciaux moyens, et

- régissent la composition de la commission des équipements commerciaux, dont la consultation est obligatoire afin d'obtenir une autorisation spécifique pour l'ouverture d'un grand établissement commercial, en assurant la représentation des intérêts du commerce de détail préexistant et en ne prévoyant pas la représentation des associations actives dans le domaine de la protection de l’environnement et des groupements d’intérêt œuvrant à la protection des consommateurs, dès lors que ces dispositions, prises dans leur ensemble, ont pour effet de gêner et de rendre moins attrayant l’exercice, par des opérateurs économiques d’autres États membres, de leurs activités sur le territoire concerné par l’intermédiaire d’un établissement stable et d’affecter ainsi leur établissement sur le marché national, et constituent, dès lors, une restriction à la liberté d'établissement au sens de l'article 43 CE.

De telles restrictions ne sont pas justifiées par la protection de l'environnement, l'aménagement du territoire ou la protection des consommateurs.

En particulier, l’obligation de prendre en compte, pour la délivrance d’une autorisation d'implantation, l’existence d’un équipement commercial dans la zone concernée ainsi que les effets d’une nouvelle implantation sur la structure commerciale de cette zone concerne l’incidence sur le commerce préexistant et la structure du marché, et non pas la protection des consommateurs. Il en va de même de l’obligation, dans le cadre de la procédure de délivrance de cette autorisation, d’établir un rapport sur le degré d’implantation, qui est contraignant s’il est négatif et qui doit être négatif si le degré d’implantation dépasse une certaine valeur. A cet égard, dès lors que l'application de plafonds est requise en ce qui concerne le degré d’implantation et l’incidence sur le commerce de détail préexistant au-delà desquels il est impossible d’ouvrir de grands établissements commerciaux et/ou des établissements commerciaux moyens, de telles considérations, de nature purement économique, ne peuvent constituer une raison impérieuse d’intérêt général pouvant justifier des restrictions à la liberté d'établissement.

Par ailleurs, s'agissant de la représentation, dans la commission d'équipements commerciaux, du seul intérêt sectoriel du commerce local préexistant, un organisme composé de la sorte, au sein duquel les intérêts liés tant à la protection de l’environnement qu’à celle des consommateurs ne sont pas représentés, tandis que le sont les concurrents potentiels du demandeur d’autorisation, ne peut constituer un instrument apte à réaliser des objectifs d’aménagement du territoire, de protection de l’environnement et de protection des consommateurs.

(cf. points 70, 72, 85, 95-98, 111, disp. 1)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

24 mars 2011 (*)

«Manquement d’État – Liberté d’établissement − Article 43 CE – Réglementation nationale concernant l’établissement de surfaces commerciales en Catalogne – Restrictions – Justifications – Proportionnalité»

Dans l’affaire C‑400/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 16 septembre 2008,

Commission européenne, représentée par MM. E. Traversa et R. Vidal Puig, en qualité d’agents, assistés de Mes C. Fernández Vicién et A. Pereda Miquel, abogados, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par:

Royaume de Danemark, représenté par MM. J. Bering Liisberg et R. Holdgaard, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, A. Rosas (rapporteur), U. Lõhmus et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. N. Nanchev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mai 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 octobre 2010,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en imposant des restrictions à l’établissement de surfaces commerciales en Catalogne, résultant de la loi 7/1996, portant réglementation du commerce de détail (Ley 7/1996, de ordenación del comercio minorista), du 15 janvier 1996 (BOE n° 15, du 17 janvier 1996, p. 1243, ci-après la «loi 7/1996»), et de la réglementation de la Communauté autonome de Catalogne en la même matière, à savoir la loi 18/2005, relative aux équipements commerciaux (Ley 18/2005 de equipamientos comerciales), du 27 décembre 2005 (DOGC n° 4543, du 3 janvier 2006, p. 72, ci-après la «loi 18/2005»), le décret 378/2006, portant exécution de la loi 18/2005 (Decreto 378/2006 por el que se desarolla la Ley 18/2005), du 10 octobre 2006 (DOGC n° 4740, du 16 octobre 2006, p. 42591, ci-après le «décret 378/2006»), et le décret 379/2006, portant approbation du plan territorial sectoriel d’équipements commerciaux (Decreto 379/2006 por el que se aprueba el Plan territorial sectorial de equipamientos comerciales), du 10 octobre 2006 (DOGC n° 4740, du 16 octobre 2006, p. 42600, ci-après le «décret 379/2006»), le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 43 CE.

I – Le cadre juridique national

A – La loi 7/1996

2 L’article 2 de la loi 7/1996 dispose:

«Établissements commerciaux

1. Sont considérés comme des établissements commerciaux les locaux et les constructions ou installations à caractère fixe et permanent, affectés à l’exercice régulier d’activités commerciales, que ce soit de manière continue ou à des jours ou à des périodes déterminés.

2. Sont inclus dans la définition qui précède les kiosques et, de manière générale, les installations de tout type répondant à l’affectation visée dans ladite définition, pour autant qu’ils possèdent la qualité d’immeuble au sens de l’article 334 du code civil.

3. Les communautés autonomes établissent les conditions d’octroi de la qualité de grand établissement. Sont en tout état de cause considérés comme tels, aux fins des autorisations et des dispositions de la législation commerciale, les établissements commerciaux affectés au commerce de détail de tout type d’articles dont la superficie utile pour l’exposition et la vente au public est supérieure à 2 500 mètres carrés.»

3 L’article 6 de cette même loi prévoit:

«Installation de grands établissements

1. L’ouverture de grands établissements commerciaux est subordonnée à une autorisation commerciale spécifique, délivrée par l’administration de la communauté autonome, qui peut également subordonner à une autorisation administrative d’autres cas en rapport avec l’activité commerciale.

2. L’octroi ou le refus de l’autorisation mentionnée au paragraphe précédent est décidé en tenant compte notamment de l’existence ou non d’un équipement commercial adéquat dans la zone concernée par la nouvelle implantation et des effets que celle-ci pourrait avoir sur la structure commerciale de ladite zone.

En tout état de cause, le rapport du tribunal de défense de la concurrence est indispensable et revêt un caractère non contraignant.

3. Une zone est réputée dotée d’un équipement commercial adéquat lorsque ce dernier garantit à la population existante et, le cas échéant, à la population prévue à moyen terme une offre d’articles, en termes de qualité, de variété, de service, de prix et d’horaires, qui soit conforme à la situation actuelle et aux tendances de développement et de modernisation du commerce de détail.

4. L’effet sur la structure commerciale existante est apprécié en tenant compte de l’amélioration que représente pour la libre concurrence l’ouverture d’un nouveau grand établissement dans la zone ainsi que les effets négatifs qu’il pourrait avoir sur le petit commerce préexistant.

5. Les communautés autonomes compétentes en la matière peuvent créer des commissions territoriales des équipements commerciaux pour faire rapport sur l’installation de grands établissements, conformément aux dispositions de la législation autonome correspondante, le cas échéant.»

4 La disposition finale de la loi 7/1996 spécifie le statut constitutionnel de ses différents articles. En vertu de celle-ci, les paragraphes 1 et 2 de l’article 6 ont été adoptés conformément aux compétences exclusives de l’État au titre de l’article 149, paragraphe 1, point 13, de la Constitution. Les paragraphes 3 à 5 dudit article relèvent de la catégorie résiduelle des dispositions qui «peuvent être applicables en...

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