Paul Miles and Others v Écoles européennes.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:388
Docket NumberC-196/09
Celex Number62009CJ0196
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - inadmisible
Date14 June 2011

Affaire C-196/09

Paul Miles e.a.

contre

Écoles européennes

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la Chambre de recours des écoles européennes)

«Renvoi préjudiciel — Notion de ‘juridiction d’un des États membres’ au sens de l’article 267 TFUE — Chambre de recours des écoles européennes — Système de rémunération des professeurs détachés auprès des écoles européennes — Absence d’adaptation des rémunérations consécutivement à la dépréciation de la livre sterling — Compatibilité avec les articles 18 TFUE et 45 TFUE»

Sommaire de l'arrêt

Questions préjudicielles — Saisine de la Cour — Juridiction nationale au sens de l'article 267 TFUE

(Art. 267 TFUE)

La Cour de justice de l'Union européenne n'est pas compétente pour répondre à une demande de décision préjudicielle émanant de la chambre de recours des Écoles européennes.

Pour apprécier si un organisme de renvoi possède le caractère d'une juridiction au sens de l'article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d'un ensemble d'éléments, tels l'origine légale de l'organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l'application, par l'organisme, des règles de droit, ainsi que son indépendance.

Or, si ladite chambre de recours satisfait à l'ensemble de ces éléments et doit, par conséquent, être qualifiée de juridiction au sens de l'article 267 TFUE, elle ne relève toutefois pas, comme l'indique cet article, d'un des États membres mais des Écoles européennes, lesquelles constituent, comme l'énoncent le premier et troisième considérants de la convention des Écoles européennes, un système sui generis qui réalise, par le biais d'un accord international, une forme de coopération entre les États membres et entre ceux-ci et l'Union. Elle constitue ainsi un organe d'une organisation internationale qui, malgré les liens fonctionnels qu'elle entretient avec l'Union, reste formellement distincte de celle-ci et de ses États membres. Dans ces conditions, le seul fait qu'elle soit tenue d'appliquer les principes généraux du droit de l'Union dans le cas où elle est saisie d'un litige ne suffit pas pour faire relever ladite chambre de la notion de juridiction des États membres et donc du champ d'application de l'article 267 TFUE.

(cf. points 37-39, 42-43, 46 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

14 juin 2011(*)

«Renvoi préjudiciel – Notion de ‘juridiction d’un des États membres’ au sens de l’article 267 TFUE – Chambre de recours des écoles européennes – Système de rémunération des professeurs détachés auprès des écoles européennes – Absence d’adaptation des rémunérations consécutivement à la dépréciation de la livre sterling – Compatibilité avec les articles 18 TFUE et 45 TFUE»

Dans l’affaire C‑196/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Chambre de recours des écoles européennes, par décision du 25 mai 2009, parvenue à la Cour le 29 mai 2009, dans la procédure

Paul Miles e.a.

contre

Écoles européennes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, présidents de chambre, MM. A. Borg Barthet, M. Ilešič (rapporteur), J. Malenovský, U. Lõhmus, E. Levits, A. Ó Caoimh, L. Bay Larsen, et T. von Danwitz, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 juin 2010,

considérant les observations présentées:

– pour M. Miles e.a., par Mes S. Orlandi et J.-N. Louis, avocats,

– pour les écoles européennes, par Me M. Gillet, avocat,

– pour la Commission européenne, par Mme B. Eggers et M. J.-P. Keppenne, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 décembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 18 TFUE, 45 TFUE et 267 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant 137 professeurs détachés par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord auprès des écoles européennes à ces dernières au sujet, d’une part, du refus desdites écoles de procéder pour la période antérieure au 1er juillet 2008 à l’adaptation de leur rémunération consécutivement à la dépréciation de la livre sterling et, d’autre part, du mode de calcul applicable depuis cette date pour l’adaptation des rémunérations aux fluctuations des taux de change des monnaies autres que l’euro.

Le cadre juridique

La convention portant statut des écoles européennes

3 La création des écoles européennes reposait à l’origine sur deux instruments, à savoir, d’une part, le statut de l’école européenne, signé à Luxembourg le 12 avril 1957 (Recueil des traités des Nations Unies, vol. 443, p. 129), et, d’autre part, le protocole concernant la création d’écoles européennes, établi par référence au statut de l’école européenne, signé à Luxembourg le 13 avril 1962 (Recueil des traités des Nations Unies, vol. 752, p. 267).

4 Ces instruments ont été remplacés par la convention portant statut des écoles européennes, conclue à Luxembourg le 21 juin 1994 (JO L 212, p. 3, ci-après la «convention des écoles européennes»), laquelle est entrée en vigueur le 1er octobre 2002 et constitue l’instrument actuellement applicable. Contrairement aux instruments originels, auxquels seuls les États membres étaient parties, la convention des écoles européennes a été conclue également par les Communautés européennes, lesquelles ont été habilitées à cet effet par la décision 94/557/CE, Euratom du Conseil, du 17 juin 1994, autorisant la Communauté européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique à signer et à conclure la convention portant statut des écoles européennes (JO L 212, p. 1).

5 Les premier à quatrième considérants de la convention des écoles européennes énoncent:

«considérant que, pour l’éducation en commun d’enfants du personnel des Communautés européennes en vue du bon fonctionnement des institutions européennes, des établissements dénommés ‘écoles européennes’ ont été créés dès 1957;

considérant que les Communautés européennes sont soucieuses d’assurer l’éducation en commun de ces enfants et qu’elles versent une contribution à cette fin au budget des écoles européennes;

considérant que le système des écoles européennes est un système sui generis; que ce système réalise une forme de coopération entre les États membres et entre ceux-ci et les Communautés européennes tout en respectant pleinement la responsabilité des États membres pour le contenu de l’enseignement et l’organisation de leur système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique;

considérant qu’il convient:

[...]

– d’assurer une protection juridictionnelle adéquate contre les actes du conseil supérieur ou des conseils d’administration au personnel enseignant, ainsi qu’à d’autres personnes visées au présent statut; de créer à cet effet une chambre de recours et de lui conférer des compétences strictement définies,

– que les compétences de la chambre de recours n’affectent pas celles des juridictions nationales en ce qui concerne la responsabilité civile et pénale».

6 Selon l’article 7 de la convention des écoles européennes, la Chambre de recours des écoles européennes (ci-après la «Chambre de recours») est, avec le Conseil supérieur, le Secrétaire général et les Conseils d’inspection, l’un des organes communs à l’ensemble des écoles.

7 Aux termes de l’article 26 de la convention des écoles européennes, la «Cour de justice des Communautés européennes est seule compétente pour statuer sur les litiges entre les parties contractantes relatifs à l’interprétation et à l’application de la présente convention et qui n’ont pu être résolus au sein du conseil supérieur.»

8 L’article 27 de la convention des écoles européennes dispose:

«1. Il est institué une chambre de recours.

2. La chambre de recours a compétence exclusive de première et de dernière instance pour statuer, après épuisement de la voie administrative, sur tout litige relatif à l’application de la présente convention aux personnes qui y sont visées, à l’exclusion du personnel administratif et de service, et portant sur la légalité d’un acte faisant grief fondé sur la convention ou sur des règles arrêtées en application de celle-ci, pris à leur égard par le conseil supérieur ou le conseil d’administration d’une école dans l’exercice des attributions qui leur sont conférées par la présente convention. Lorsqu’un tel litige présente un caractère pécuniaire, la chambre de recours a une compétence de pleine juridiction.

Les conditions et les modalités d’application relatives à ces procédures sont déterminées, selon le cas, par le statut du personnel enseignant ou par le régime applicable aux chargés de cours ou par le règlement général des écoles.

3. La chambre de recours est composée de personnalités offrant toutes les garanties d’indépendance et possédant des compétences juridiques notoires.

Seules peuvent être nommées membres de la chambre de recours les personnes figurant sur une liste établie à cet effet par la Cour de justice des...

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