Eesti Pagar AS v Ettevõtluse Arendamise Sihtasutus and Majandus- ja Kommunikatsiooniministeerium.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:172
Date05 March 2019
Celex Number62017CJ0349
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-349/17
62017CJ0349

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

5 mars 2019 ( *1 )

Table des matières

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (CE, Euratom) no 2988/95

Le règlement (CE) no 659/1999

Le règlement no 794/2004

Le règlement (CE) no 1083/2006

Le règlement no 800/2008

Les lignes directrices

Le droit estonien

Le litige au principal et les questions préjudicielles

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

Sur le fond

Sur la première question, relative à l’effet incitatif de l’aide

Sur la deuxième question et sur la seconde partie de la quatrième question, relatives à l’obligation de récupérer une aide illégale

Sur la troisième question, relative au principe de protection de la confiance légitime

Sur la première partie de la quatrième question, relative au délai de prescription applicable à la récupération d’une aide illégale

Sur la cinquième question, relative à l’obligation de réclamer des intérêts

Sur les dépens

« Renvoi préjudiciel – Aides d’État – Règlement (CE) no 800/2008 (Règlement général d’exemption par catégorie) – Article 8, paragraphe 2 – Aides ayant un effet incitatif – Notion de “début de la réalisation du projet” – Compétences des autorités nationales – Aide illégale – Absence de décision de la Commission européenne ou d’une juridiction nationale – Obligation incombant aux autorités nationales de récupérer de leur propre initiative une aide illégale – Base juridique – Article 108, paragraphe 3, TFUE – Principe général du droit de l’Union de la protection de la confiance légitime – Décision de l’autorité nationale compétente octroyant une aide au titre du règlement no 800/2008 – Connaissance des circonstances excluant l’éligibilité de la demande d’aide – Création d’une confiance légitime – Absence – Prescription – Aides cofinancées à partir d’un fonds structurel – Réglementation applicable – Règlement (CE, Euratom) no 2988/95 – Réglementation nationale – Intérêts – Obligation de réclamer des intérêts – Base juridique – Article 108, paragraphe 3, TFUE – Réglementation applicable – Réglementation nationale – Principe d’effectivité »

Dans l’affaire C‑349/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Tallinna Ringkonnakohus (cour d’appel de Tallinn, Estonie), par décision du 18 mai 2017, parvenue à la Cour le 13 juin 2017, dans la procédure

Eesti Pagar AS

contre

Ettevõtluse Arendamise Sihtasutus,

Majandus- ja Kommunikatsiooniministeerium,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Arabadjiev (rapporteur), MM. M. Vilaras, E. Regan et Mme C. Toader, présidents de chambre, MM. E. Juhász, M. Ilešič, J. Malenovský, L. Bay Larsen, D. Šváby et C. G. Fernlund, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 juin 2018,

considérant les observations présentées :

pour Eesti Pagar AS, par Mes R. Paatsi et T. Biesinger, vandeadvokaadid,

pour l’Ettevõtluse Arendamise Sihtasutus, par Mme K. Jakobson-Lott,

pour le gouvernement estonien, par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

pour le gouvernement hellénique, par Mmes M. Tassopoulou, D. Tsagkaraki, E. Tsaousi et A. Dimitrakopoulou, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. T. Maxian Rusche et B. Stromsky ainsi que par Mmes K. Blanck-Putz et K. Toomus, en qualité d’agents, assistés de Me L. Naaber-Kivisoo, vandeadvokaat,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) no 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles [107 et 108 TFUE] (Règlement général d’exemption par catégorie) (JO 2008, L 214, p. 3), sur l’obligation incombant aux autorités nationales de récupérer de leur propre initiative une aide illégale, sur l’interprétation du principe général du droit de l’Union de la protection de la confiance légitime en matière de récupération d’une aide illégale, sur le délai de prescription applicable à la récupération par les autorités nationales de leur propre initiative d’une aide illégale et, enfin, sur l’obligation pour les États membres de réclamer, lors d’une telle récupération, des intérêts.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Eesti Pagar AS à l’Ettevõtluse Arendamise Sihtasutus (fondation pour le développement de l’entreprise, Estonie, ci-après l’« EAS ») et au Majandus- ja Kommunikatsiooniministeerium (ministère des Affaires économiques et des Communications, Estonie, ci-après le « ministère ») au sujet de la légalité d’une décision de l’EAS, confirmée par le ministère sur recours hiérarchique, ordonnant la récupération auprès d’Eesti Pagar d’une somme de 526300 euros, majorée d’intérêts, au titre d’une aide qui lui a été antérieurement versée par l’EAS.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (CE, Euratom) no 2988/95

3

L’article 1er du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO 1995, L 312, p. 1), dispose :

« 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire.

2. Est constitutive d’une irrégularité toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue. »

4

L’article 3, paragraphe 1, premier et troisième alinéas, de ce règlement prévoit :

« Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l’irrégularité visée à l’article 1er, paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans.

[...]

La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l’autorité compétente et visant à l’instruction ou à la poursuite de l’irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. »

5

Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 et 2, dudit règlement :

« 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu :

par l’obligation [...] de rembourser les montants indûment perçus,

[...]

2. L’application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l’avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d’intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire. »

6

L’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2988/95 dispose :

« Les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire aux sanctions administratives suivantes :

[...]

b)

le paiement d’un montant excédant les sommes indûment perçues ou éludées, augmentées, le cas échéant, d’intérêts ; [...] »

Le règlement (CE) no 659/1999

7

L’article 14, paragraphe 2, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), énonce :

« L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération. »

8

L’article 15, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. »

Le règlement no 794/2004

9

Aux termes de l’article 9 du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 659/1999 (JO 2004, L 140, p. 1, et rectificatif JO 2005, L 25, p. 74), tel que modifié par le règlement (CE) no 271/2008 de la Commission, du 30 janvier 2008 (JO 2008, L 82, p. 1) (ci-après le « règlement no 794/2004 ») :

« 1. Sauf dispositions contraires prévues par une décision spécifique, le taux d’intérêt applicable à la récupération des aides d’État octroyées en violation de l’article [108], paragraphe 3, [TFUE] est un taux en pourcentage annuel fixé par la Commission avant chaque année civile.

2. Le taux d’intérêt est calculé en ajoutant 100 points de base au taux du marché monétaire à un an. Si ces taux ne sont pas disponibles, c’est le taux du marché monétaire à trois mois qui sera utilisé ou, à défaut, le rendement des obligations d’État.

3. En l’absence de données fiables sur le marché monétaire ou le rendement des obligations d’État ou de données équivalentes, ou dans des cas exceptionnels, la Commission peut fixer, en étroite coopération avec l’État membre ou les États membres concernés, un taux d’intérêt applicable à la...

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