Christian Picart v Ministre des Finances et des Comptes publics.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:184
Docket NumberC-355/16
Celex Number62016CJ0355
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date15 March 2018
62016CJ0355

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

15 mars 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes – Fiscalité directe – Transfert du lieu de résidence d’un État membre vers la Suisse – Imposition des plus-values latentes afférentes aux participations substantielles dans le capital de sociétés établies dans l’État membre d’origine à l’occasion d’un tel transfert – Champ d’application de l’accord »

Dans l’affaire C‑355/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 23 juin 2016, parvenue à la Cour le 28 juin 2016, dans la procédure

Christian Picart

contre

Ministre des Finances et des Comptes publics,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. C. G. Fernlund (rapporteur), J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev et S. Rodin, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 février 2017,

considérant les observations présentées :

pour M. Picart, par Mes P.-J. Douvier et A. d’Aubigny, avocats,

pour le gouvernement français, par M. D. Colas et Mme E. de Moustier, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par MM T. Henze et R. Kanitz, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes N. Gossement et M. Šimerdová, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 juillet 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999 (JO 2002, L 114, p. 6, ci-après l’« ALCP »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Christian Picart au ministre des Finances et des Comptes publics au sujet de la décision par laquelle l’administration fiscale française, d’une part, a réévalué le montant de la plus-value latente afférente aux participations substantielles, dans le capital de sociétés établies en France, que M. Picart détenait et qu’il avait déclarées lors du transfert de sa résidence de son État d’origine vers la Suisse, et, d’autre part, a mis à la charge de M. Picart des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties de pénalités.

Le cadre juridique

L’ALCP

3

La Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, ont signé, le 21 juin 1999, sept accords, au nombre desquels figure l’ALCP. Par la décision 2002/309/CE, Euratom du Conseil et de la Commission, du 4 avril 2002 (JO 2002, L 114, p. 1), ces sept accords ont été approuvés au nom de la Communauté et sont entrés en vigueur le 1er juin 2002.

4

L’article 16 de l’ALCP prévoit, à son paragraphe 2 :

« Dans la mesure où l’application du présent accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature du présent accord sera communiquée à la Suisse. En vue d’assurer le bon fonctionnement de l’accord, à la demande d’une partie contractante, le comité mixte déterminera les implications de cette jurisprudence. »

5

Le chapitre III de l’annexe I de l’ALCP est consacré aux indépendants. L’article 12 de celle-ci, intitulé « Réglementation du séjour », est libellé comme suit :

« 1. Le ressortissant d’une partie contractante désirant s’établir sur le territoire d’une autre partie contractante en vue d’exercer une activité non salariée (ci-après nommé indépendant) reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance pour autant qu’il produise la preuve aux autorités nationales compétentes qu’il est établi ou veut s’établir à cette fin.

2. Le titre de séjour est automatiquement prolongé pour cinq ans au moins, pour autant que l’indépendant produise la preuve aux autorités nationales compétentes qu’il exerce une activité économique non-salariée.

[...] »

6

L’article 13, de ladite annexe, intitulé « Frontaliers indépendants », énonce, à son paragraphe 1 :

« 1. Le frontalier indépendant est un ressortissant d’une partie contractante qui a sa résidence sur le territoire d’une partie contractante et qui exerce une activité non salariée sur le territoire de l’autre partie contractante en retournant à son domicile en principe chaque jour, ou au moins une fois par semaine. »

La législation française

7

Aux termes de l’article 167 bis du code général des impôts, dans sa version en vigueur à la date des faits en cause au principal (ci-après le « CGI ») :

« I. - 1. Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années sont imposables, à la date du transfert de leur domicile hors de France, au titre des plus-values constatées sur les droits sociaux mentionnés à l’article 150-0 A et détenus dans les conditions du f de l’article 164 B.

[...]

II. - 1. Le paiement de l’impôt afférent à la plus-value constatée peut être différé jusqu’au moment où s’opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l’annulation des droits sociaux concernés.

Le sursis de paiement est subordonné à la condition que le contribuable déclare le montant de la plus-value constatée dans les conditions du I, demande à bénéficier du sursis, désigne un représentant établi en France autorisé à recevoir les communications relatives à l’assiette, au recouvrement et au contentieux de l’impôt et constitue auprès du comptable chargé du recouvrement, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor.

[...]

2. Les contribuables qui bénéficient du sursis de paiement en application du présent article sont assujettis à la déclaration prévue au 1 de l’article 170. Le montant cumulé des impôts en sursis de paiement est indiqué sur cette déclaration à laquelle est joint un état établi sur une formule délivrée par l’administration faisant apparaître le montant de l’impôt afférent aux titres concernés pour lequel le sursis de paiement n’est pas expiré ainsi que, le cas échéant, la nature et la date de l’événement entraînant l’expiration du sursis.

[...]

L’impôt acquitté localement par le contribuable et afférent à la plus-value effectivement réalisée hors de France est imputable sur l’impôt sur le revenu établi en France à condition d’être comparable à cet impôt.

4. Le défaut de production de la déclaration et de l’état mentionnés au 2 ou l’omission de tout ou partie des renseignements qui doivent y figurer entraînent l’exigibilité immédiate de l’impôt en sursis de paiement. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

M. Picart a transféré sa résidence de la France vers la Suisse au cours de l’année 2002. À la date de ce transfert, il détenait des participations substantielles dans le capital social de plusieurs sociétés françaises.

9

Lors de ce transfert, M. Picart a déclaré, conformément à l’article 167 bis du CGI, une plus-value latente sur les titres de ces participations et, afin de bénéficier d’un sursis de paiement de l’imposition y afférente, a désigné un représentant fiscal en France et a fourni une caution bancaire à titre de garantie, pour assurer le recouvrement de la créance du Trésor français.

10

En 2005, M. Picart a cédé les titres en question, mettant ainsi fin au sursis de paiement de ladite imposition. À la suite d’un examen de sa situation fiscale personnelle, l’administration fiscale française a réévalué le montant de la plus-value déclarée et a mis à la charge de M. Picart des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties de pénalités.

11

M. Picart a déposé une réclamation afin d’obtenir la décharge de ces cotisations supplémentaires et de ces...

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