Garlsson Real Estate SA and Others v Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Consob).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:193
Docket NumberC-537/16
Celex Number62016CJ0537
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date20 March 2018
62016CJ0537

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

20 mars 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Directive 2003/6/CE – Manipulations de marché – Sanctions – Législation nationale prévoyant une sanction administrative et une sanction pénale pour les mêmes faits – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 50 – Principe ne bis in idem – Nature pénale de la sanction administrative – Existence d’une même infraction – Article 52, paragraphe 1 – Limitations apportées au principe ne bis in idem – Conditions »

Dans l’affaire C‑537/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), par décision du 20 septembre 2016, parvenue à la Cour le 24 octobre 2016, dans la procédure

Garlsson Real Estate SA, en liquidation,

Stefano Ricucci,

Magiste International SA

contre

Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Consob),

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, T. von Danwitz (rapporteur), A. Rosas et E. Levits, présidents de chambre, MM. E. Juhász, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, S. Rodin, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos et E. Regan, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 mai 2017,

considérant les observations présentées :

pour Garlsson Real Estate SA, en liquidation, M. Ricucci ainsi que Magiste International SA, par Me M. Canfora, avvocato,

pour la Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Consob), par Mes A. Valente, S. Providenti et P. Palmisano, avvocati,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme G. Galluzzo et de M. P. Gentili, avvocati dello Stato,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et D. Klebs, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. V. Di Bucci, R. Troosters et T. Scharf, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 septembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), lu à la lumière de l’article 4 du protocole no 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Garlsson Real Estate SA, en liquidation, M. Stefano Ricucci et Magiste International SA à la Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (commission nationale des sociétés et de la bourse, Italie) (ci-après la « Consob »), au sujet de la légalité d’une sanction administrative pécuniaire qui leur a été infligée en raison d’infractions à la législation sur les manipulations de marché.

Le cadre juridique

La CEDH

3

L’article 4 du protocole no 7 à la CEDH, intitulé « Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois », dispose :

« 1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

2. Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

3. Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la Convention. »

Le droit de l’Union

4

Conformément à l’article 5 de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché) (JO 2003, L 96, p. 16), les États membres interdisent à toute personne de procéder à des manipulations de marché. Les comportements constitutifs de manipulations de marché sont déterminés à l’article 1er, point 2, de ladite directive.

5

Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de cette directive :

« Sans préjudice de leur droit d’imposer des sanctions pénales, les États membres veillent à ce que, conformément à leur législation nationale, des mesures administratives appropriées puissent être prises ou des sanctions administratives appliquées à l’encontre des personnes responsables d’une violation des dispositions arrêtées en application de la présente directive. Les États membres garantissent que ces mesures sont effectives, proportionnées et dissuasives. »

Le droit italien

6

L’article 185 du decreto legislativo n. 58 – Testo unico delle disposizioni in materia di intermediazione finanziaria, ai sensi degli articoli 8 e 21 della legge 6 febbraio 1996, n. 52 (décret législatif no 58, portant texte unique des dispositions en matière d’intermédiation financière, au sens des articles 8 et 21 de la loi du 6 février 1996, no 52), du 24 février 1998 (supplément ordinaire à la GURI no 71, du 26 mars 1998), tel que modifié par la legge n. 62 – Disposizioni per l’adempimento di obblighi derivanti dall’appartenenza dell’Italia alle Comunità europee. Legge comunitaria 2004 (loi no 62, portant dispositions destinées à exécuter des obligations découlant de l’appartenance de l’Italie aux Communautés européennes. Loi communautaire de 2004), du 18 avril 2005 (supplément ordinaire à la GURI no 76, du 27 avril 2005) (ci-après le « TUF »), intitulé « Manipulations du marché », dispose :

« 1. Toute personne qui diffuse des informations fausses ou procède à des opérations simulées ou emploie d’autres artifices qui sont effectivement susceptibles de provoquer une modification sensible de la valeur des instruments financiers est punie d’une peine de réclusion d’un à six ans et d’une amende de vingt mille à cinq millions d’euros.

2. Le juge a la faculté de majorer l’amende jusqu’à trois fois [le montant prévu] ou jusqu’au montant supérieur égal à dix fois le produit ou le profit obtenu grâce à l’infraction pénale lorsque, au regard de l’importance du comportement infractionnel, de la qualité de leur auteur ou du montant du produit ou du profit ainsi obtenu, l’amende ne serait pas adéquate, quand bien même le montant maximal en serait appliqué. »

7

L’article 187 ter du TUF, intitulé « Manipulations de marché », est libellé comme suit :

« 1. Sans préjudice des sanctions pénales lorsque le fait est constitutif d’une infraction pénale, toute personne qui diffuse, par l’intermédiaire des médias, dont Internet, ou par tout autre moyen, des informations, rumeurs ou nouvelles fausses ou trompeuses qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur des instruments financiers, est passible d’une sanction administrative pécuniaire allant de vingt mille à cinq millions d’euros.

[...]

3. Sans préjudice des sanctions pénales lorsque le fait est constitutif d’une infraction pénale, est punie de la sanction administrative pécuniaire visée à l’alinéa 1 toute personne qui recourt à :

[...]

c)

des opérations ou des ordres ayant recours à des artifices ou tout autre type de tromperie ou de ruse :

[...]

5. Les sanctions administratives pécuniaires prévues par les paragraphes précédents sont majorées jusqu’à trois fois [le montant prévu] ou jusqu’au montant supérieur égal à dix fois le produit ou le profit obtenu grâce à l’infraction lorsque, au regard de la qualité de leur auteur ou du montant du produit ou du profit ainsi obtenu, ou en raison des effets produits sur le marché, les sanctions ne seraient pas adéquates, quand bien même le montant maximal en serait appliqué.

[...] »

8

L’article 187 decies du TUF, intitulé « Relations avec la magistrature », énonce :

« 1. Lorsqu’il a connaissance de l’une des infractions prévues par le chapitre II, le ministère public en informe sans retard le président de la [Consob].

2. Le président de la [Consob] transmet au ministère public, par un rapport motivé, la documentation recueillie dans l’exercice de l’activité de contrôle dès lors que sont découverts des éléments laissant présumer l’existence d’une infraction. La transmission des actes au ministère public intervient au plus tard au terme de l’activité de constatation des infractions visée aux dispositions prévues au chapitre III du présent titre.

3. La [Consob] et l’autorité judiciaire coopèrent entre elles, y compris par l’échange d’informations, dans le but de faciliter la constatation des violations visées au présent titre, y compris lorsque ces violations ne constituent pas une infraction. [...] »

9

L’article 187 duodecies, paragraphe 1, du TUF, intitulé « Relations entre la procédure pénale et les procédures administrative et d’opposition », dispose :

« La procédure administrative de constatation et la procédure d’opposition […] ne peuvent être suspendues durant le déroulement de la procédure pénale ayant pour objet les mêmes faits ou des faits dont la constatation aboutit au règlement de la procédure. »

10

Conformément à l’article 187 terdecies du TUF, intitulé « Exécution des peines pécuniaires et des sanctions pécuniaires dans le procès pénal » :

« Lorsque, pour les mêmes faits, une sanction administrative pécuniaire […] a été infligée à l’auteur de l’infraction ou à l’entité, le recouvrement de la peine...

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