Copad SA v Christian Dior couture SA, Vincent Gladel and Société industrielle lingerie (SIL).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:260
Date23 April 2009
Celex Number62008CJ0059
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-59/08

Affaire C-59/08

Copad SA

contre

Christian Dior couture SA e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour de cassation (France))

«Directive 89/104/CEE — Droit des marques — Épuisement des droits du titulaire de la marque — Contrat de licence — Vente de produits revêtus de la marque en méconnaissance d'une clause du contrat de licence — Absence de consentement du titulaire de la marque — Vente à des soldeurs — Atteinte à la renommée de la marque»

Sommaire de l'arrêt

1. Rapprochement des législations — Marques — Directive 89/104 — Licence — Titulaire pouvant invoquer les droits conférés par la marque à l'encontre d'un licencié enfreignant une clause interdisant la vente de produits de prestige à des soldeurs — Conditions

(Directive du Conseil 89/104, art. 8, § 2)

2. Rapprochement des législations — Marques — Directive 89/104 — Mise dans le commerce de produits par un licencié en méconnaissance d'une clause du contrat de licence — Absence de consentement du titulaire — Condition

(Directive du Conseil 89/104, art. 7, § 1, et 8, § 2)

3. Rapprochement des législations — Marques — Directive 89/104 — Mise dans le commerce de produits de prestige par un licencié en violation d'une clause du contrat de licence devant néanmoins être considérée comme faite avec le consentement du titulaire — Opposition du titulaire

(Directive du Conseil 89/104, art. 7, § 2)

1. L'article 8, paragraphe 2, de la première directive 89/104, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens que le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette dernière à l'encontre d'un licencié qui enfreint une clause du contrat de licence interdisant, pour des raisons de prestige de la marque, la vente à des soldeurs de produits, pour autant qu'il soit établi que cette violation, en raison de circonstances propres à l'affaire en cause, porte atteinte à l'allure et à l'image de prestige qui confèrent auxdits produits une sensation de luxe.

La qualité de produits de prestige résulte non pas uniquement de leurs caractéristiques matérielles, mais également de l'allure et de l'image de prestige qui leur confèrent une sensation de luxe.

En effet, les produits de prestige constituant des articles haut de gamme, la sensation de luxe qui émane de ceux-ci est un élément essentiel pour qu'ils soient distingués, par les consommateurs, des autres produits semblables.

Dès lors, une atteinte à ladite sensation de luxe est susceptible d'affecter la qualité même de ces produits.

Il appartient au juge national de vérifier si, compte tenu des circonstances propres du litige qui lui est soumis, la violation par le licencié d’une clause interdisant la vente de produits de prestige à des soldeurs porte atteinte à la sensation de luxe desdits produits, en affectant ainsi leur qualité.

À cet égard, il importe notamment de prendre en considération, d’une part, la nature des produits de prestige revêtus de la marque, le volume ainsi que le caractère systématique ou bien sporadique des ventes de ces produits par le licencié à des soldeurs ne faisant pas partie du réseau de distribution sélective et, d’autre part, la nature des produits commercialisés habituellement par ces soldeurs, ainsi que les modes de commercialisation usuels dans le secteur d’activité de ceux ci.

(cf. points 24-26, 31-32, 37, disp. 1)

2. L'article 7, paragraphe 1, de la première directive 89/104, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens que la mise dans le commerce de produits revêtus de la marque par le licencié, en méconnaissance d’une clause du contrat de licence, est faite sans le consentement du titulaire de la marque, lorsqu'il est établi que cette clause correspond à l'une de celles prévues à l'article 8, paragraphe 2, de cette directive.

La mise dans le commerce de produits revêtus de la marque par un licencié doit être considérée, en principe, comme effectuée avec le consentement du titulaire de la marque, au sens de l'article 7, paragraphe 1, de la directive.

S’il s’ensuit que, dans de telles conditions, le titulaire de la marque ne peut pas invoquer la mauvaise exécution du contrat afin de se prévaloir, à l’égard du licencié, des droits que la marque lui confère, il n’en demeure pas moins que le contrat de licence n’équivaut pas à un consentement absolu et inconditionné du titulaire de la marque à la mise dans le commerce, par le licencié, des produits revêtus de cette marque.

En effet, l’article 8, paragraphe 2, de la directive prévoit expressément la possibilité, pour le titulaire de la marque, d’invoquer les droits que celle-ci lui confère à l’encontre d’un licencié lorsque ce dernier enfreint certaines clauses du contrat de licence.

(cf. points 46-48, 51, disp. 2)

3. Lorsqu'un licencié vend à un soldeur des produits en violation d'une clause du contrat de licence, il convient de mettre en balance, d'une part, l'intérêt légitime du titulaire de la marque ayant fait l'objet du contrat de licence à être protégé contre un soldeur, n'appartenant pas au réseau de distribution sélective, qui emploie cette marque à des fins commerciales d'une manière qui pourrait porter atteinte à la renommée de celle-ci et, d’autre part, l'intérêt du soldeur à pouvoir revendre les produits en question en utilisant les modalités qui sont usuelles dans son secteur d’activité.

Dès lors, lorsque le juge national retient que la vente effectuée par le licencié à un tiers n'est pas susceptible de remettre en cause la qualité des produits de prestige revêtus de la marque, de sorte que la mise dans le commerce de ceux-ci doit être considérée comme faite avec le consentement du titulaire de la marque, il appartient à ce juge d'apprécier, au regard des circonstances propres à chaque espèce, si la commercialisation ultérieure des produits de prestige revêtus de la marque effectuée par le tiers, en utilisant les modalités usuelles dans le secteur d'activité de celui-ci, porte une atteinte à la renommée de cette marque.

À cet égard, il importe de prendre en considération, notamment, les destinataires de la revente ainsi que les conditions spécifiques de commercialisation des produits de prestige.

Ainsi, lorsque la mise dans le commerce de produits de prestige par le licencié en violation d'une clause du contrat de licence doit néanmoins être considérée comme faite avec le consentement du titulaire de la marque, ce dernier ne peut invoquer une telle clause pour s'opposer à une revente de ces produits sur le fondement de l'article 7, paragraphe 2, de la première directive 89/104, rapprochant les législations des États membres sur les marques, que dans le cas où il est établi, compte tenu des circonstances propres à l'espèce, qu’une telle revente porte une atteinte à la renommée de la marque.

(cf. points 56-59, disp. 3)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

23 avril 2009 (*)

«Directive 89/104/CEE – Droit des marques – Épuisement des droits du titulaire de la marque – Contrat de licence – Vente de produits revêtus de la marque en méconnaissance d’une clause du contrat de licence – Absence de consentement du titulaire de la marque – Vente à des soldeurs – Atteinte à la renommée de la marque»

Dans l’affaire C‑59/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 12 février 2008, parvenue à la Cour le 15 février 2008, dans la procédure

Copad SA

contre

Christian Dior couture SA,

Vincent Gladel, agissant en qualité d’administrateur judiciaire de la Société industrielle lingerie (SIL),

Société industrielle lingerie (SIL),

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. M. Ilešič, A. Tizzano (rapporteur), A. Borg Barthet et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 novembre 2008,

considérant les observations présentées:

– pour Copad SA, par Me H. Farge, avocat,

– pour Christian Dior couture SA, par M. J.-M. Bruguière ainsi que par Mes P. Deprez et E. Bouttier, avocats,

– pour le gouvernement français, par Mme B. Beaupère-Manokha ainsi que par MM. G. de Bergues et J.-C. Niollet, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par M. H. Krämer, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 décembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 7 et 8, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après la «directive»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Copad SA (ci-après «Copad») à Christian Dior couture SA (ci-après «Dior»), à la Société industrielle lingerie (ci-après «SIL») ainsi qu’à M. Gladel, en sa qualité d’administrateur judiciaire de la SIL, au sujet de la vente à Copad par SIL, en violation d’une clause du...

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