Organisation des Modjahedines du peuple d'Iran v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2006:384
CourtGeneral Court (European Union)
Docket NumberT-228/02
Date12 December 2006
Celex Number62002TJ0228
Procedure TypeRecours en responsabilité - irrecevable

Affaire T-228/02

Organisation des Modjahedines du peuple d'Iran

contre

Conseil de l'Union européenne

« Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives prises à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme — Gel des fonds — Recours en annulation — Droits de la défense — Motivation — Droit à une protection juridictionnelle effective — Recours en indemnité »

Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 12 décembre 2006

Sommaire de l'arrêt

1. Procédure — Décision remplaçant en cours d'instance la décision attaquée

2. Recours en annulation — Compétence du juge communautaire — Recours dirigé contre une position commune adoptée en vertu des titres V et VI du traité de l'Union européenne

(Art. 230 CE; art. 15 UE, 34 UE, 35 UE et 46 UE)

3. Droit communautaire — Principes — Droits de la défense — Décision de gel des fonds prise à l'encontre de certaines personnes et entités soupçonnées d'activités terroristes

(Art. 249 CE; règlement du Conseil nº 2580/2001, art. 2, § 3; décision du Conseil 2005/930)

4. Droit communautaire — Principes — Droits de la défense — Résolution du Conseil de sécurité des Nations unies imposant la prise de mesures restrictives à l'encontre de personnes et entités non déterminées soupçonnées d'activités terroristes — Mise en oeuvre par la Communauté dans l'exercice d'un pouvoir propre

(Art. 60 CE, 301 CE et 308 CE; règlement du Conseil nº 2580/2001)

5. Droit communautaire — Principes — Droits de la défense — Décision de gel des fonds prise à l'encontre de certaines personnes et entités soupçonnées d'activités terroristes

(Position commune 2001/931, art. 1er, § 4; règlement du Conseil nº 2580/2001, art. 2, § 3)

6. Union européenne — Politique étrangère et de sécurité commune — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Obligation de coopération loyale entre les États membres et les institutions communautaires

(Art. 10 CE; position commune 2001/931, art. 1er, § 4; règlement du Conseil nº 2580/2001, art. 2, § 3)

7. Droit communautaire — Principes — Droits de la défense — Décision de gel des fonds prise à l'encontre de certaines personnes et entités soupçonnées d'activités terroristes

(Position commune 2001/931, art. 1er, § 4 et 6)

8. Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée

(Art. 253 CE; règlement du Conseil nº 2580/2001)

9. Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée

(Art. 253 CE; position commune 2001/931, art. 1er, § 4 et 6; règlement du Conseil nº 2580/2001)

10. Communautés européennes — Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions

(Art. 230, al. 2, CE; position commune 2001/931, art. 1er, § 4 et 6; règlement du Conseil nº 2580/2001, art. 2, § 3)

1. Lorsqu'une décision est, en cours de procédure, remplacée par une décision ayant le même objet, celle-ci doit être considérée comme un élément nouveau permettant au requérant d'adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d'économie de procédure d'obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l'institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge communautaire contre une décision, adapter la décision attaquée ou lui en substituer une autre et se prévaloir, en cours d'instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l'autre partie de la possibilité d'étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à la décision ultérieure ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celle-ci. Cette conclusion vaut également pour l'hypothèse où un règlement concernant directement et individuellement un particulier est remplacé, en cours de procédure, par un règlement ayant le même objet.

(cf. points 28-29)

2. Le Tribunal n'est compétent pour connaître d'un recours en annulation dirigé contre une position commune adoptée au titre des articles 15 UE, relevant du titre V relatif à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), et 34 UE, relevant du titre VI, relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale (JAI), que dans la stricte mesure où est invoquée, à l'appui d'un tel recours, une méconnaissance des compétences de la Communauté.

En effet, aucun recours en annulation d'une position commune devant le juge communautaire n'est prévu dans le cadre du titre V du traité UE relatif à la PESC ni dans le cadre du titre VI du traité UE relatif à la JAI.

Dans le cadre du traité UE, dans sa version résultant du traité d'Amsterdam, les compétences de la Cour de justice sont énumérées limitativement par l'article 46 UE. Or, cet article ne prévoit aucune compétence de la Cour dans le cadre des dispositions du titre V du traité UE et, dans le cadre du titre VI du traité UE, il résulte des articles 35 UE et 46 UE que les seules voies de recours en appréciation de validité ou en annulation ouvertes le sont à l'encontre des décisions-cadres, des décisions et des mesures d'application des conventions prévues, respectivement, par l'article 34, paragraphe 2, sous b), c) et d), UE, à l'exclusion des positions communes prévues à l'article 34, paragraphe 2, sous a), UE.

(cf. points 46-49, 52, 56)

3. La garantie afférente au respect des droits de la défense proprement dits, dans le contexte de l'adoption d'une décision de gel des fonds au titre du règlement nº 2580/2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ne saurait être déniée aux intéressés au seul motif que ni la convention européenne des droits de l'homme ni les principes généraux du droit communautaire ne confèrent aux particuliers un quelconque droit d'être entendus préalablement à l'adoption d'un acte à caractère normatif.

En effet, s'il est vrai que la décision 2005/930, mettant en oeuvre l'article 2, paragraphe 3, du règlement nº 2580/2001, a la même portée générale que ce règlement et est, comme celui-ci, directement applicable dans tout État membre et qu'elle participe donc, malgré son intitulé, de la nature réglementaire de cet acte au sens de l'article 249 CE, elle n'a toutefois pas une nature exclusivement normative. Tout en déployant ses effets erga omnes, elle concerne directement et individuellement les personnes qu'elle désigne d'ailleurs nommément comme devant être incluses dans la liste des personnes, groupes et entités dont les fonds doivent être gelés en application dudit règlement.

(cf. points 95, 97-98)

4. Dans le contexte de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité, il incombe aux États membres de l'Organisation des Nations unies - et, en l'occurrence, à la Communauté, par l'intermédiaire de laquelle ses États membres ont décidé d'agir - d'identifier concrètement quels sont les personnes, groupes et entités dont les fonds doivent être gelés en application de cette résolution, en se conformant aux normes de leur propre ordre juridique.

En effet, d'une part, cette résolution n'a procédé à aucune détermination individuelle des personnes, groupes et entités qui doivent faire l'objet de ces mesures et n'a pas davantage établi de normes juridiques précises concernant la procédure de gel des fonds, ni les garanties ou recours juridictionnels assurant aux personnes et entités concernées par une telle procédure une possibilité effective de contester les mesures adoptées à leur égard par les États.

D'autre part, la Communauté n'agit pas au titre d'une compétence liée par la volonté de l'Union ou par celle de ses États membres lorsque le Conseil prend des mesures de sanctions économiques sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE.

Dès lors que l'identification des personnes, groupes et entités visés par la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité et l'adoption de la mesure de gel des fonds qui s'ensuit relèvent de l'exercice d'un pouvoir propre, impliquant une appréciation discrétionnaire de la Communauté, le respect des droits de la défense des intéressés s'impose en principe aux institutions communautaires concernées, en l'occurrence le Conseil, lorsqu'elles agissent en vue de se conformer à ladite résolution. Il s'ensuit que la garantie des droits de la défense est, en principe, pleinement applicable dans le contexte de l'adoption d'une décision de gel des fonds au titre du règlement nº 2580/2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

(cf. points 101-102, 106-108)

5. Dans le contexte de l'adoption d'une décision de gel des fonds au titre de l'article 2, paragraphe 3, du règlement nº 2580/2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les droits de la défense ne sauraient trouver à s'exercer qu'à l'égard des éléments de fait et de droit susceptibles de conditionner l'application de la mesure en cause à l'intéressé, conformément à cette réglementation.

La question du respect de ces droits dans ce contexte est cependant susceptible de se poser à deux niveaux:

Tout d'abord, les droits de la défense de l'intéressé doivent être effectivement garantis dans le cadre de la procédure nationale ayant abouti à l'adoption, par l'autorité nationale compétente, de la décision visée à l'article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme. C'est essentiellement dans ce cadre national que l'intéressé doit être mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder la décision en question, sous réserve d'éventuelles restrictions aux droits de la défense légalement justifiées en droit national, notamment pour...

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