European Commission v Portuguese Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:214
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-20/09
Date07 April 2011
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62009CJ0020

Affaire C-20/09

Commission européenne

contre

République portugaise

«Manquement d’État — Recevabilité du recours — Libre circulation des capitaux — Article 56 CE — Article 40 de l’accord EEE — Titres de la dette publique — Traitement fiscal préférentiel — Justification — Lutte contre la fraude fiscale — Lutte contre l’évasion fiscale»

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Procédure précontentieuse — Mise en demeure — Délimitation de l'objet du litige — Avis motivé — Énoncé détaillé des griefs

(Art. 226 CE)

2. Recours en manquement — Examen du bien-fondé par la Cour — Situation à prendre en considération — Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé

(Art. 226, al. 2, CE)

3. Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale

(Art. 56 CE; accord EEE, art. 40)

1. Si, dans le cadre d'une procédure précontentieuse pour manquement, l'avis motivé doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l'État membre intéressé a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu du traité, la lettre de mise en demeure ne saurait être soumise à des exigences de précision aussi strictes que celles auxquelles doit satisfaire l'avis motivé, celle-ci ne pouvant nécessairement consister qu'en un premier résumé succinct des griefs. Rien n'empêche donc la Commission de détailler, dans l'avis motivé, les griefs qu'elle a déjà fait valoir de façon plus globale dans la lettre de mise en demeure.

(cf. points 17, 20)

2. L'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé. Ainsi, un recours en manquement concernant un régime temporaire de régularisation fiscale qui n'est plus en vigueur à la date d'expiration du délai fixé dans l'avis motivé mais qui continue de produire des effets à cette date, qui est la date pertinente pour l'appréciation de la recevabilité du recours, n'est pas dépourvu d'objet.

(cf. points 31, 33-34, 42)

3. Manque aux obligations lui incombant en vertu de l’article 56 CE et de l'article 40 de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), un État membre qui prévoit, dans le cadre d'un régime exceptionnel de régularisation fiscale d’éléments patrimoniaux qui ne se trouvent pas sur le territoire national, un traitement fiscal préférentiel pour les titres de la dette publique émis uniquement par cet État.

Si les objectifs de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales peuvent justifier une restriction à la libre circulation des capitaux, encore faut-il que cette restriction soit propre à garantir leur réalisation et qu'elle n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre.

Un régime prévoyant un traitement différencié en ce qui concerne les titres de la dette publique émis par ledit État membre par rapport à ceux émis par d’autres États membres, ne respecte pas ces exigences. En outre, une telle différence des taux de régularisation ne peut être justifiée par la poursuite d'un objectif de nature économique, à savoir la compensation de la perte de recettes fiscales de l'État membre concerné. Un objectif de nature purement économique ne saurait justifier une restriction à une liberté fondamentale garantie par le traité.

(cf. points 60-62, 64-65, 70 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

7 avril 2011 (*)

«Manquement d’État – Recevabilité du recours – Libre circulation des capitaux – Article 56 CE – Article 40 de l’accord EEE – Titres de la dette publique – Traitement fiscal préférentiel – Justification – Lutte contre la fraude fiscale – Lutte contre l’évasion fiscale»

Dans l’affaire C‑20/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 15 janvier 2009,

Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal et A. Caeiros, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, Mme C. Guerra Santos et M. J. Menezes Leitão, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, A. Rosas (rapporteur), U. Lõhmus et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mai 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 juin 2010,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en prévoyant, dans le cadre de la régularisation fiscale instaurée par la loi n° 39-A/2005, du 29 juillet 2005 (Diàrio da República I, série A, n° 145, du 29 juillet 2005), un traitement fiscal préférentiel pour les titres de la dette publique émis uniquement par l’État portugais, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56 CE et de l’article 40 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»).

Le cadre juridique

L’accord EEE

2 L’article 40 de l’accord EEE dispose:

«Dans le cadre du présent accord, les restrictions entre les parties contractantes aux mouvements des capitaux appartenant à des personnes résidant dans les États membres de la [Communauté européenne] ou dans les États de l’[Association européenne de libre-échange (AELE)], ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement, sont interdites. Les dispositions nécessaires à l’application du présent article figurent à l’annexe XII.»

3 Ladite annexe XII, intitulée «Libre circulation des capitaux», fait référence à la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5).

Le droit national

4 Le régime exceptionnel de régularisation fiscale d’éléments patrimoniaux qui ne se trouvent pas sur le territoire portugais au 31 décembre 2004 («regime excepcional de regularização tributária de elementos patrimoniais que não se encontrem no território português em 31 de Dezembro de 2004», ci-après le «RERF») a été instauré par la loi n° 39‑A/2005.

5 L’article 1er du RERF dispose:

«Le [RERF] s’applique aux éléments patrimoniaux ne se trouvant pas sur le territoire portugais au 31 décembre 2004, qui consistent en des dépôts, certificats de dépôt, valeurs mobilières et autres instruments financiers, y compris les polices d’assurance de la branche ‘vie’ liées à des fonds d’investissement et les opérations de capitalisation de la branche ‘vie’.»

6 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du RERF, peuvent bénéficier de celui-ci les personnes physiques possédant les éléments patrimoniaux visés à l’article 1er.

7 L’article 2, paragraphe 2, du RERF prévoit:

«Aux fins du présent régime, les assujettis doivent:

a) présenter la déclaration de régularisation fiscale prévue à l’article 5;

b) procéder au paiement du montant correspondant à l’application d’un taux de 5 % sur la valeur des éléments patrimoniaux figurant dans la déclaration visée au paragraphe 1.»

8 L’article 5 du RERF dispose:

«1. La déclaration de régularisation fiscale à laquelle se réfère l’article 2, paragraphe 2, sous a), suit le modèle approuvé par arrêté du ministre des Finances et doit être accompagnée des documents de preuve de la propriété et du dépôt ou de l’enregistrement des éléments patrimoniaux qui y figurent.

2. La déclaration de régularisation fiscale doit être déposée jusqu’au 16 décembre 2005 auprès du Banco de Portugal ou d’une autre banque établie au Portugal.

3. Le paiement prévu à l’article 2, paragraphe 2, sous b), est effectué auprès des organismes mentionnés au paragraphe 2 [du présent article], simultanément avec le dépôt de la déclaration visée au paragraphe 2, sous a), [dudit article 2] ou dans les 10 jours ouvrables suivants, décomptés à partir de la date de réception de ladite déclaration.

4. L’organisme bancaire qui intervient remet au déclarant, lors du paiement, un document nominatif prouvant le dépôt de la déclaration et le paiement correspondant.

5. Dans les limites de la présente loi, la déclaration de régularisation fiscale ne peut en aucune façon être utilisée comme indice ou élément pris en compte dans quelque procédure fiscale, pénale ou infractionnelle que ce soit, les banques intervenantes devant garantir le secret sur les informations fournies.

6. Dans le cas où le dépôt de la déclaration et le paiement ne seraient pas effectués directement auprès du Banco de Portugal, la banque qui intervient devra remettre au Banco de Portugal ladite déclaration ainsi qu’une copie du document de preuve dans les 10 jours ouvrables suivant la date du dépôt de la déclaration.

7. Dans les cas prévus au paragraphe 6, la banque qui intervient devra transférer les montants reçus au Banco de Portugal dans les 10 jours ouvrables suivant le paiement concerné.»

9 L’article 6 du RERF prévoit:

«1. Si tous ou quelques-uns des éléments patrimoniaux qui font l’objet de la déclaration de régularisation fiscale sont des titres de l’État portugais, le taux visé à l’article 2, paragraphe 2, sous b), est réduit de moitié pour la partie correspondant à ces titres.

2. La diminution de taux visée au paragraphe précédent s’applique également à d’autres éléments patrimoniaux si leur valeur est réinvestie en titres de l’État portugais jusqu’à la date de présentation de la déclaration de régularisation fiscale.

3. En cas de réinvestissement partiel, la diminution du taux concerne uniquement la partie de la valeur réinvestie.

4. Les titres de l’État portugais bénéficiant du régime prévu au présent article doivent rester la propriété du déclarant pendant au moins trois ans à compter de la date de présentation...

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