Albert Reiss Beteiligungsgesellschaft mbH v Land Baden-Württemberg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:385
Date28 June 2007
Celex Number62003CJ0466
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-466/03

Affaire C-466/03

Albert Reiss Beteiligungsgesellschaft mbH

contre

Land Baden-Württemberg

(demande de décision préjudicielle et une demande complémentaire de décision préjudicielle, introduites par le Landgericht Baden-Baden)

«Directive 69/335/CEE — Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux — Réglementation nationale prévoyant la perception des émoluments notariaux pour l'authentification des transferts de parts sociales dans des sociétés à responsabilité limitée — Décision d'imposition — Qualification comme 'imposition similaire au droit d’apport' — Formalité préalable — Taxes sur la transmission des valeurs mobilières — Droits ayant un caractère rémunératoire»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux

(Directive du Conseil 69/335, art. 10, c), et 12, § 1, a) et e))

L'article 10, sous c), de la directive 69/335, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, s'oppose à la perception des émoluments notariaux pour l'authentification d'un transfert de parts sociales dans une société, effectué en tant qu'apport dans le cadre d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux, et ce dans un système caractérisé par le fait que les notaires sont des fonctionnaires et que les émoluments sont, au moins en partie, versés à l'État pour supporter des dépenses publiques.

Le fait que les notaires soient eux-mêmes créanciers des émoluments en cause et que la partie qu'ils doivent transférer à l'État est relativement modérée n'a pas d'incidence sur la qualification des émoluments comme «imposition» au sens de la directive 69/335.

Lesdits émoluments ne peuvent constituer une taxe sur la transmission des valeurs mobilières au sens de l'article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 69/335. Cette disposition doit en effet recevoir une interprétation restrictive et ne saurait être comprise comme s'étendant à des impositions autres que des «taxes sur la transmission des valeurs mobilières» au sens propre de ces termes.

Ces émoluments ne revêtent pas non plus un caractère rémunératoire au sens de l'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335 dès lors que leur montant augmente directement en proportion de la valeur des parts sociales transférées, donc de l'opération économique sous-jacente et sans qu'aucune limite n'ait été instituée. Ne sauraient être qualifiées de «droits ayant un caractère rémunératoire» que des rétributions dont le montant est calculé sur la base du coût du service rendu. En revanche, une rétribution dont le montant est dénué de tout lien avec le coût de ce service particulier ou dont le montant est calculé non en fonction du coût du service dont elle est la contrepartie, mais en fonction de l'ensemble des coûts de fonctionnement et d'investissement de l'administration doit être regardée comme une imposition interdite au titre des articles 10 et 11 de cette directive.

(cf. points 44, 46, 58-59, 62, 64-66 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

28 juin 2007 (*)

«Directive 69/335/CEE – Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux – Réglementation nationale prévoyant la perception des émoluments notariaux pour l’authentification des transferts de parts sociales dans des sociétés à responsabilité limitée – Décision d’imposition – Qualification comme ‘imposition similaire au droit d’apport’ – Formalité préalable – Taxes sur la transmission des valeurs mobilières – Droits ayant un caractère rémunératoire»

Dans l’affaire C-466/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle et une demande complémentaire de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par le Landgericht Baden-Baden (Allemagne), par décisions des 20 octobre 2003 et 10 octobre 2005, parvenues à la Cour respectivement les 6 novembre 2003 et 31 octobre 2005, dans la procédure

Albert Reiss Beteiligungsgesellschaft mbH

contre

Land Baden-Württemberg,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann (rapporteur), président de chambre, MM. K. Lenaerts, E. Juhász, M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocats généraux: M. L. A. Geelhoed, puis Mme V. Trstenjak,

greffiers: M. R. Grass, greffier, puis M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 novembre 2006,

considérant les observations présentées:

– pour Albert Reiss Beteiligungsgesellschaft mbH, par Mes A. Feber et H. Sandweg, Rechtsanwälte,

– pour le Land Baden-Württemberg, par MM. K. Ehmann, M. Steindorfner et F. Mauch, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et K. Gross, en qualité d’agents,

ayant entendu les avocats généraux en leurs conclusions aux audiences des 16 juin 2005 et 8 mars 2007,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle et son complément portent sur l’interprétation des articles 10 et 12 de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23, ci-après la «directive 69/335»).

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre d’un litige opposant la société Albert Reiss Beteiligungsgesellschaft mbH (ci-après la «société Reiss») au Land Baden-Württemberg, au sujet du paiement d’émoluments notariaux pour l’authentification d’un transfert de parts sociales dans une société à responsabilité limitée en faveur de la société Reiss, ce transfert ayant été effectué en tant qu’apport dans le cadre d’une augmentation du capital social de cette dernière.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Ainsi qu’il ressort de ses premier et deuxième considérants, la directive 69/335 tend à promouvoir la libre circulation des capitaux, liberté fondamentale considérée comme essentielle à la création d’un marché intérieur. À ce titre, elle vise à éliminer des obstacles fiscaux dans le domaine des rassemblements de capitaux dont, notamment, les apports en société, à savoir les apports effectués par les associés ou les actionnaires à leurs sociétés de capitaux.

4 À cet effet, les articles 1er à 9 de la directive 69/335 prévoient la perception d’un droit harmonisé sur les apports en société (ci‑après le «droit d’apport»).

5 L’article 4 de la directive 69/335 détermine la liste des opérations que les États membres peuvent ou doivent, selon le cas, soumettre à un tel droit d’apport.

6 Ainsi, l’article 4, paragraphe 1, sous c), de cette directive dispose que les États membres soumettent au droit d’apport «l’augmentation du capital social d’une société de capitaux au moyen de l’apport de biens de toute nature».

7 En outre, la directive 69/335 prévoit à son article 10, lu à la lumière du dernier considérant de celle-ci, la suppression des impositions présentant les mêmes caractéristiques que le droit d’apport (ci-après les «impositions similaires au droit d’apport»).

8 Ainsi, aux termes de l’article 10, sous c), de cette directive, en dehors du droit d’apport, les États membres ne perçoivent, en ce qui concerne les sociétés, associations ou personnes morales poursuivant des buts lucratifs, aucune imposition, sous quelque forme que ce soit, pour l’immatriculation ou pour toute autre formalité préalable à l’exercice d’une activité, à laquelle une société, association ou personne morale poursuivant des buts lucratifs peut être soumise en raison de sa forme juridique.

9 Toutefois, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous a) et e), de la directive 69/335:

«Par dérogation aux dispositions des articles 10 et 11, les États membres peuvent percevoir:

a) des taxes sur la transmission des valeurs mobilières, perçues forfaitairement ou non;

[…]

e) des droits ayant un caractère rémunératoire;

[…]»

10 S’agissant des taxes sur la transmission des valeurs mobilières, l’exposé des motifs de la proposition de directive de la Commission du 14 décembre 1964 [COM(64) 526 final], qui a conduit à l’adoption de la directive 69/335, explique:

«Parmi les impôts [indirects frappant les mouvements de capitaux], on peut distinguer, d’une part, ceux qui frappent les rassemblements de capitaux et, d’autre part, ceux qui frappent les transactions sur titres. Le présent projet de directive porte sur les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, cette catégorie d’impôts comprenant le droit d’apport sur les capitaux propres des sociétés, le droit de timbre sur les titres nationaux, le droit de timbre perçu à l’occasion de l’introduction ou de l’émission sur le marché national des titres d’origine étrangère, ainsi que d’autres impositions indirectes qui ont les mêmes caractéristiques. Quant aux impôts indirects frappant les transactions sur titres, tels que les taxes sur les opérations de Bourse, ils feront ultérieurement l’objet d’un autre projet de directive. La proposition est donc sans incidence à leur égard.»

La réglementation nationale

11 L’article 15, paragraphe 3, de la loi allemande relative aux sociétés à responsabilité limitée (Gesetz betreffend die Gesellschaften mit beschränkter Haftung), du 20 avril 1892 (RGBl. 1892 I p. 477, ci-après le «GmbH-Gesetz»), dans sa version applicable à l’affaire au principal, prévoit que «la cession de leurs parts par les associés requiert un contrat conclu sous forme notariée».

12 Le montant des émoluments pouvant être perçus par les notaires est fixé par la loi relative aux frais de procédure (Kostenordnung), du 26 juillet 1957 (BGBl. 1957 I, p. 960, ci-après la «Kostenordnung»), dans sa version applicable à l’affaire au principal.

13 L’article 32, paragraphe 1, de la Kostenordnung prévoit que le droit de base pour les opérations d’une valeur jusqu’à 1 000 euros s’élève à 10 euros. Ce droit de base est majoré:

– pour les opérations jusqu’à une valeur de 5 000 euros, de 8 euros par tranche...

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