HSBC Holdings plc and Vidacos Nominees Ltd v The Commissioners of Her Majesty's Revenue & Customs.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:163
Docket NumberC-569/07
Celex Number62007CC0569
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 March 2009

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 18 mars 2009 (1)

Affaire C‑569/07

HSBC Holdings plc

et

Vidacos Nominees Ltd

contre

The Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs

[demande de décision préjudicielle formée par les Special Commissioners, London (Royaume-Uni)]

«Impôts indirects – Rassemblements de capitaux – Taxe de 1,5 % sur la transmission d’actions vers un service de compensation (‘clearance service’)»





1. Les services de compensation («clearance services») remplissent une fonction que l’on peut qualifier de conservation des actions. En particulier, ces services inscrivent dans des registres spéciaux la propriété et les transmissions des actions qui, matériellement, demeurent cependant toujours entre les mains de ces services. En d’autres termes, les services de compensation permettent de rendre plus simples, rapides et sûres les acquisitions et les ventes d’actions.

2. Les services de compensation sont très répandus en Europe continentale, mais non au Royaume–Uni où les modalités de transmission d’actions sont traditionnellement différentes. C’est pourquoi cet État membre applique aux opérations qui s’effectuent par l’intermédiaire de services de compensation un régime fiscal différent de celui qui caractérise les échanges d’actions réalisés selon les modalités ordinaires utilisées sur son territoire. La présente procédure, qui a pour origine une question préjudicielle posée à la Cour par les Special Commissioners, London (Royaume-Uni), fournit l’occasion d’apprécier la compatibilité des modalités de taxation précitées avec le droit communautaire.

3. Plus spécifiquement, la réglementation du Royaume-Uni devra être examinée tant au regard de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (2), qu’au regard des dispositions du traité CE relatives aux libertés fondamentales.

I – Le cadre réglementaire

A – Le droit communautaire

4. La directive 69/335, qui constitue le texte principal de droit dérivé présentant un intérêt dans cette affaire, a été modifiée de façon importante au fil du temps.

5. Les objectifs poursuivis par la directive sont bien mis en évidence par son préambule, et en particulier les premier et deuxième considérants dont la teneur est la suivante:

«considérant que l’objectif du traité est de créer une union économique ayant des caractéristiques analogues à celles d’un marché intérieur et qu’une des conditions essentielles pour y accéder est de promouvoir la libre circulation des capitaux;

considérant que les impôts indirects qui frappent les rassemblements de capitaux, actuellement en vigueur dans les États membres, à savoir le droit auquel sont soumis les apports en société et le droit de timbre sur les titres, donnent naissance à des discriminations, des doubles impositions et des disparités qui entravent la libre circulation des capitaux et qui doivent, par conséquent, être éliminées par voie d’harmonisation».

6. Dans le rapport daté du 14 décembre 1964 qui accompagnait la proposition de la Commission au Conseil, destinée à devenir la directive 69/335 (3), la Commission des Communautés européennes observait que la suppression intégrale du droit d’apport et du droit de timbre serait la meilleure solution pour réaliser un marché libre des capitaux. Néanmoins, face à l’opposition probable des États membres à une mesure aussi radicale, le choix de la Commission a été de supprimer les droits de timbre et de laisser subsister un droit d’apport, harmonisé toutefois au niveau communautaire.

7. Par ailleurs, avec les années, une série de modifications apportées à la directive ont fait disparaître l’obligation initialement prévue de taxer les apports sur la base d’un taux harmonisé: l’actuel article 7 de la directive, en particulier, prévoit que les États membres peuvent appliquer un taux maximal de 1 % ou, simplement, ne plus appliquer le droit d’apport. Le Royaume-Uni a, en particulier, aboli le droit d’apport en 1988.

8. La directive définit à l’article 4, paragraphe 1, les opérations passibles du droit d’apport. Celui-ci mentionne notamment «c) l’augmentation du capital social d’une société de capitaux au moyen de l’apport de biens de toute nature».

9. Outre les dispositions relatives aux modalités de calcul et de recouvrement du droit d’apport, la directive contient aussi un ensemble d’interdictions, destinées à éviter tant une double imposition des apports que l’application de droits de timbre. En particulier, les articles 10 et 11 prévoient ce qui suit:

«Article 10

En dehors du droit d’apport, les États membres ne perçoivent, en ce qui concerne les sociétés, associations ou personnes morales poursuivant des buts lucratifs, aucune imposition, sous quelque forme que ce soit:

a) pour les opérations visées à l’article 4;

b) pour les apports, prêts ou prestations, effectués dans le cadre des opérations visées à l’article 4;

[...]

Article 11

Les États membres ne soumettent à aucune imposition, sous quelque forme que ce soit:

a) la création, l’émission, l’admission en Bourse, la mise en circulation ou la négociation d’actions, de parts ou autres titres de même nature, ainsi que de certificats représentatifs de ces titres, quel qu’en soit l’émetteur;

[...]»

10. En dépit des interdictions précitées, l’article 12 permet aux États membres de réintroduire des taxes spécifiques, prévoyant ce qui suit:

«Article 12

1. Par dérogation aux dispositions des articles 10 et 11, les États membres peuvent percevoir:

a) des taxes sur la transmission des valeurs mobilières, perçues forfaitairement ou non;

[...]»

B – Le droit national

11. Les règles fiscales du Royaume-Uni qui sont ici en cause figurent dans la loi de finance de 1986 (Finance Act 1986). En application de l’article 87 de cette loi, les transmissions d’actions sont soumises à un «Stamp Duty Reserve Tax» (SDRT) de 0,5 %, dû à l’occasion de chaque cession.

12. Cependant, en vertu de l’article 96 de cette même loi, l’introduction d’actions dans un service de compensation implique le paiement d’un SDRT au taux de 1,5 %. Les transmissions ultérieures d’actions, en revanche, pour autant qu’elles s’effectuent dans le cadre du même service de compensation, ne sont nullement taxées.

13. L’article 97 A du Finance Act 1986 prévoit enfin que les services de compensation peuvent exercer une option («election») en concluant un accord avec l’administration fiscale du Royaume-Uni. L’exercice de l’option implique en particulier de passer du paiement unique d’un SDRT de 1,5 % au paiement d’un SDRT au taux normal de 0,5 %. Naturellement, dans un tel cas, la taxe est due pour chaque acte de cession des actions. Afin de pouvoir exercer l’option, les services de compensation doivent disposer d’une filiale ou d’un agent au Royaume-Uni ou, subsidiairement, désigner leur propre «représentant fiscal» au Royaume-Uni. Le service de compensation doit en outre se conformer à des prescriptions techniques relatives aux modalités de calcul, au recouvrement et à la comptabilisation du SDRT.

II – Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle

14. La banque HSBC est une société par actions qui a son siège à Londres. En juin 2000, elle a présenté une offre publique d’achat portant sur toutes les actions de la banque française Crédit commercial de France (ci-après le «CCF»), dont les actions étaient cotées à la Bourse de Paris. Dans son offre, HSBC proposait aux actionnaires du CCF, en échange de leurs actions, un paiement comptant ou, alternativement, un paiement en actions de HSBC. Afin de rendre plus attractive cette deuxième possibilité pour les actionnaires opérant sur le marché français, HBSC a décidé de rendre ses actions négociables à la Bourse de Paris.

15. À l’époque des faits de l’affaire au principal, pour pouvoir être cotées à la Bourse de Paris, les sociétés devaient avoir recours à la Sicovam, un service de compensation. Par conséquent, les actionnaires du CCF désireux d’accepter l’offre publique d’achat de HSBC pouvaient choisir de recevoir des actions de cette dernière société directement à travers la Sicovam: de cette manière, les actions en question pourraient ensuite être vendues à la Bourse de Paris.

16. En pratique, les actions de HSBC cédées par le biais de la Sicovam en échange des actions du CCF ont été confiées non pas directement à la Sicovam, mais à son mandataire au Royaume-Uni, Vidacos. Cette société est en effet également membre du système CREST (4): cependant, dès lors que, en l’espèce, Vidacos a agi en qualité de mandataire de la Sicovam, les actions de HSBC cédées par son intermédiaire (et par l’intermédiaire de la Sicovam) ont été imposées, en application de l’article 96 du Finance Act 1986, au taux de 1,5 %.

17. Afin de rendre son offre publique d’achat plus intéressante pour les actionnaires du CCF, HSBC s’était engagée à prendre à sa charge le paiement de la taxe (le SDRT) de 1,5 % pour les actionnaires du CCF qui auraient opté pour la remise d’actions de HSBC à travers la Sicovam. Cela correspond à une pratique universellement répandue, bien que, au regard de la législation nationale, l’obligation de paiement de la taxe pèse techniquement sur le service de compensation.

18. Ainsi, HSBC a versé aux autorités fiscales anglaises, en juillet 2000, plus de 27 millions de GBP à titre de paiement du SDRT, sur la base du taux de 1,5 %.

19. Par la suite, le SDRT de 1,5 % a été également acquitté sur les actions de HSBC obtenues par les actionnaires détenteurs d’actions à travers la Sicovam qui avaient décidé de percevoir leurs dividendes en actions.

20. Par lettre du 18 octobre 2002, HSBC a toutefois demandé à l’administration fiscale du Royaume‑Uni la restitution de l’impôt payé. La décision de refus des autorités fiscales a été par la suite attaquée devant la juridiction de renvoi, qui, n’étant pas certaine de la compatibilité de la...

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