Jan Voogsgeerd v Navimer SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:842
Date15 December 2011
Celex Number62010CJ0384
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-384/10

Affaire C-384/10

Jan Voogsgeerd

contre

Navimer SA

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hof van Cassatie)

«Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles — Contrat de travail — Choix des parties — Dispositions impératives de la loi applicable à défaut de choix — Détermination de cette loi — Travailleur accomplissant son travail dans plus d’un État contractant»

Sommaire de l'arrêt

1. Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles — Loi applicable à défaut de choix — Critères de rattachement — Contrat de travail — Hiérarchie des critères de rattachement — Pays de l'accomplissement habituel du travail — Critère de rattachement prioritaire

(Convention de Rome du 19 juin 1980, art. 6, § 2, a) et b))

2. Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles — Loi applicable à défaut de choix — Critères de rattachement — Contrat de travail — Établissement ayant embauché le travailleur — Notion — Lieu de l'occupation effective du travailleur — Exclusion — Exigence de la possession, par l'établissement, de la personnalité juridique — Absence

(Convention de Rome du 19 juin 1980, art. 6, § 2, b))

1. Il découle du libellé de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome, du 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles que l’intention du législateur était d’établir une hiérarchie entre les critères à prendre en compte pour la détermination de la loi applicable au contrat de travail. Il s'ensuit que l’article 6, paragraphe 2, de ladite convention doit être interprété en ce sens que la juridiction nationale saisie doit tout d’abord établir si le travailleur, dans l’exécution du contrat, accomplit habituellement son travail dans un même pays, qui est celui dans lequel ou à partir duquel, compte tenu de l’ensemble des éléments qui caractérisent ladite activité, le travailleur s’acquitte de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur.

À cette fin, les éléments caractérisant la relation de travail, à savoir le lieu de l’occupation effective, le lieu où le travailleur reçoit les instructions ou celui où il doit se présenter avant d’accomplir ses missions, ont une incidence pour la détermination de la loi applicable à cette relation de travail en ce sens que, lorsque ces lieux sont situés dans le même pays, le juge saisi peut considérer que la situation relève de l’hypothèse prévue à l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome.

Ainsi, le critère du pays où le travailleur «accomplit habituellement son travail», édicté au paragraphe 2, sous a), de l’article 6 de cette convention, doit être interprété de façon large, alors que le critère du siège de «l’établissement qui a embauché le travailleur», prévu au paragraphe 2, sous b), du même article, ne peut s’appliquer que si le juge saisi n’est pas en mesure de déterminer le pays d’accomplissement habituel du travail.

(cf. points 34-35, 40-41, disp. 1)

2. L’article 6, paragraphe 2, sous b), de la convention de Rome, du 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles doit être interprété comme suit:

- la notion d’«établissement de l’employeur qui a embauché le travailleur» doit être entendue en ce sens qu’elle se réfère exclusivement à l’établissement qui a procédé à l’embauche du travailleur et non pas à celui avec lequel il est lié par son occupation effective ;

- la possession de la personnalité juridique ne constitue pas une exigence à laquelle l’établissement de l’employeur au sens de cette disposition doit répondre;

- l’établissement d’une entreprise autre que celle qui figure formellement comme employeur, avec laquelle celle-ci a des liens, peut être qualifié d’«établissement» au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de ladite convention, si des éléments objectifs permettent d’établir l’existence d’une situation réelle qui différerait de celle qui ressort des termes du contrat, et cela alors même que le pouvoir de direction n’a pas été formellement transféré à cette autre entreprise. Ainsi, dans l’hypothèse où des éléments portant sur la procédure d’embauche permettraient de constater que l’entreprise qui a conclu le contrat de travail a en réalité agi au nom et pour le compte d’une autre entreprise, la juridiction de renvoi pourrait considérer que le critère de rattachement contenu dans l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la convention de Rome renvoie à la loi du pays où l’établissement de cette dernière entreprise est situé.

(cf. points 49, 52, 58, 65, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

15 décembre 2011 (*)

«Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles – Contrat de travail – Choix des parties – Dispositions impératives de la loi applicable à défaut de choix – Détermination de cette loi – Travailleur accomplissant son travail dans plus d’un État contractant»

Dans l’affaire C‑384/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre du premier protocole du 19 décembre 1988 concernant l’interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, introduite par le Hof van Cassatie (Belgique), par décision du 7 juin 2010, parvenue à la Cour le 29 juillet 2010, dans la procédure

Jan Voogsgeerd

contre

Navimer SA,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, M. L. Bay Larsen et Mme C. Toader (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

– pour M. Voogsgeerd, par Me W. van Eeckhoutte, advocaat,

– pour le gouvernement belge, par Mme L. Van den Broeck, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par MM. R. Troosters et M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6 de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (JO 1980, L 266, p. 1, ci-après la «convention de Rome»), lequel concerne les contrats individuels de travail.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Voogsgeerd, demeurant à Zandvoort (Pays-Bas), à Navimer SA (ci-après «Navimer»), entreprise établie à Mertert (Luxembourg), au sujet du paiement d’une indemnité de licenciement à M. Voogsgeerd pour rupture du contrat de travail qu’il avait conclu avec cette entreprise.

Le cadre juridique

Les règles sur la loi applicable aux obligations contractuelles

3 L’article 1er de la convention de Rome prévoit, à son paragraphe 1:

«Les dispositions de la présente convention sont applicables, dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles.»

4 L’article 3, paragraphe 1, de la convention de Rome énonce:

«Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.»

5 L’article 4, paragraphe 1, de cette convention dispose:

«Dans la mesure où la loi applicable au contrat n’a pas été choisie conformément aux dispositions de l’article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. […]»

6 L’article 6 de la convention de Rome prévoit:

«1. Nonobstant les dispositions de l’article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article.

2. Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, le contrat de travail est régi:

a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou

b) si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur,

à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.»

Les droits nationaux

7 L’article 80, paragraphe 2, de la loi luxembourgeoise du 9 novembre 1990, ayant pour objet la création d’un registre public maritime luxembourgeois (Mémorial A 1990, p. 808), prévoit:

«La résiliation du contrat de travail maritime ouvre droit, si elle est abusive, à des dommages et intérêts.

Est abusif et constitue un acte socialement et économiquement anormal le licenciement qui est contraire à la loi et/ou qui n’est pas fondé sur des motifs réels et sérieux.

L’action judiciaire en réparation de la résiliation abusive du contrat de travail maritime doit être introduite auprès de la juridiction du travail, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à partir de la notification du licenciement ou de sa motivation.

Ce délai est...

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