Land Berlin v Ellen Mirjam Sapir and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:228
Docket NumberC‑645/11
Celex Number62011CJ0645
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 April 2013
62011CJ0645

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

11 avril 2013 ( *1 )

«Règlement (CE) no 44/2001 — Articles 1er, paragraphe 1, et 6, point 1 — Notion de ‘matière civile et commerciale’ — Paiement effectué indûment par une entité étatique — Demande de restitution de ce paiement dans le cadre d’un recours juridictionnel — Détermination du for en cas de connexité — Lien étroit entre les demandes — Défendeur domicilié dans un État tiers»

Dans l’affaire C‑645/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), par décision du 18 novembre 2011, parvenue à la Cour le 16 décembre 2011, dans la procédure

Land Berlin

contre

Ellen Mirjam Sapir,

Michael J. Busse,

Mirjam M. Birgansky,

Gideon Rumney,

Benjamin Ben-Zadok,

Hedda Brown,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. E. Jarašiūnas, A. Ó Caoimh, Mme C. Toader (rapporteur) et M. C. G. Fernlund, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour le gouvernement allemand, par Mme K. Petersen, en qualité d’agent,

pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes et Mme S. Nunes de Almeida, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. M. Wilderspin et W. Bogensberger, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 novembre 2012,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, paragraphe 1, et 6, point 1, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Land Berlin à Mme Sapir, M. Busse, Mme Birgansky, MM. Rumney et Ben-Zadok et Mme Brown, ainsi que cinq autres personnes, au sujet du remboursement d’un trop versé effectué par erreur à la suite d’une procédure administrative visant à la réparation du préjudice causé par la perte d’un bien foncier lors des persécutions sous le régime nazi.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 44/2001

3

Les considérants 7 à 9 et 11 du règlement no 44/2001 sont ainsi libellés:

«(7)

Il est important d’inclure dans le champ d’application matériel du présent règlement l’essentiel de la matière civile et commerciale, à l’exception de certaines matières bien définies.

(8)

Il doit exister un lien entre les litiges couverts par le présent règlement et le territoire des États membres qu’il lie. Les règles communes en matière de compétence doivent donc s’appliquer en principe lorsque le défendeur est domicilié dans un de ces États membres.

(9)

Les défendeurs non domiciliés dans un État membre sont généralement soumis aux règles nationales de compétence applicables sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie et les défendeurs domiciliés dans un État membre non lié par le présent règlement doivent continuer à être soumis à la [convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32, ci-après la ‘convention de Bruxelles’)].

[…]

(11)

Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de juridictions.»

4

L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 définit le champ d’application ratione materiae de celui-ci de la manière suivante:

«Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives.»

5

Les règles générales de compétence concernant les actions introduites contre une personne domiciliée sur le territoire de l’Union européenne sont prévues aux articles 2 et 3 de ce règlement, lesquels font partie de la section 1 du chapitre II de celui-ci, intitulée «Dispositions générales.»

6

Ainsi, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement:

«Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.»

7

L’article 3, paragraphe 1, de ce même règlement prévoit:

«Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre.»

8

En ce qui concerne les actions judiciaires introduites contre une personne domiciliée dans un État tiers, l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, qui figure également sous la section 1 du chapitre II de celui-ci, dispose:

«Si le défendeur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l’application des dispositions des articles 22 et 23.»

9

L’article 5 et l’article 6, point 1, du règlement no 44/2001, qui sont inclus sous la section 2 du chapitre II de ce règlement, intitulée «Compétences spéciales», se lisent comme suit:

«Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:

[…]»

«Cette même personne peut aussi être attraite:

1)

s’il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.»

Le droit allemand

10

Sont applicables, dans l’affaire au principal, les dispositions de la loi relative au règlement des questions patrimoniales en suspens (Gesetz zur Regelung offener Vermögensfragen, ci-après la «Vermögensgesetz») et de la loi relative à la priorité aux investissements en cas de droits à rétrocession en vertu de la loi relative au règlement des questions patrimoniales en suspens (Gesetz über den Vorrang für Investitionen bei Rückübertragungsansprüchen nach dem Vermögensgesetz, ci-après l’«Investitionsvorranggesetz»).

11

Le champ d’application de la Vermögensgesetz est défini par l’article 1er, paragraphes 1 et 6, de celle-ci, qui prévoit:

«La présente loi régit les droits à caractère patrimonial portant sur les actifs patrimoniaux qui [...] ont été expropriés et nationalisés sans indemnité [...]

[...]

La présente loi est applicable par analogie aux droits à caractère patrimonial de citoyens et groupements qui ont été persécutés au cours de la période comprise entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 pour des raisons raciales, politiques, religieuses ou philosophiques et qui, pour cette raison, ont perdu leur patrimoine à la suite de ventes forcées, d’expropriations ou d’une autre manière [...]»

12

L’article 3, paragraphe 1, de la Vermögensgesetz, concernant la rétrocession des actifs patrimoniaux, dispose:

«Les actifs patrimoniaux qui ont fait l’objet de mesures telles que celles visées à l’article 1er de la présente loi et qui ont été nationalisés ou vendus à des tiers doivent être rétrocédés aux ayants droit lorsque ceux-ci en font la demande, sauf si cela est exclu [...]»

13

Pour éviter que de tels droits ne puissent plus être utilement revendiqués en raison d’une acquisition de bonne foi et libre de charges de l’élément de patrimoine concerné, l’article 3, paragraphe 3, de la Vermögensgesetz a instauré une interdiction d’aliéner les immeubles faisant l’objet d’une demande de rétrocession en application de cette loi.

14

L’Investitionsvorranggesetz prévoit une exception à ces principes, afin que les investissements nécessaires dans les nouveaux Länder ne soient pas rendus impossibles du fait de l’interdiction de vendre à un investisseur des immeubles pour lesquels des demandes de rétrocession ont été enregistrées au titre de la Vermögensgesetz.

15

Ainsi, l’article 1er de l’Investitionsvorranggesetz prévoit:

«Les terrains [...] faisant l’objet ou susceptibles de faire l’objet de droits à rétrocession en application de la Vermögensgesetz peuvent, selon les modalités prévues ci-dessous, être utilisés en totalité ou en partie pour des investissements à des fins spécifiques. Dans ces cas, l’ayant droit reçoit une compensation suivant les modalités de la présente loi.»

16

Selon l’article 16, paragraphe 1, de l’Investitionsvorranggesetz «[s]i la rétrocession [...] de l’actif patrimonial n’est pas possible [...], tout ayant droit peut, après constatation ou preuve de sa qualité, réclamer [...] le versement d’une somme d’argent d’un montant correspondant à l’ensemble des prestations pécuniaires découlant du contrat afférentes à l’actif patrimonial qui lui revient. Le bien-fondé d’une telle prétention est constaté […] par une décision de l’office, au niveau du Land ou de...

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