Supreme Site Services GmbH and Others v Supreme Headquarters Allied Powers Europe.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:638
Date03 September 2020
Docket NumberC-186/19
Celex Number62019CJ0186
CourtCourt of Justice (European Union)
62019CJ0186

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

3 septembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) no 1215/2012 – Article 1er, paragraphe 1 – Champ d’application – Matière civile et commerciale – Compétence judiciaire – Compétences exclusives – Article 24, point 5 – Litiges en matière d’exécution des décisions – Action d’une organisation internationale fondée sur l’immunité d’exécution tendant à la mainlevée d’une saisie-arrêt conservatoire ainsi qu’à l’interdiction de la pratiquer de nouveau »

Dans l’affaire C‑186/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), par décision du 22 février 2019, parvenue à la Cour le 26 février 2019, dans la procédure

Supreme Site Services GmbH,

Supreme Fuels GmbH & Co KG,

Supreme Fuels Trading Fze

contre

Supreme Headquarters Allied Powers Europe,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen, Mme C. Toader (rapporteure) et M. N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 décembre 2019,

considérant les observations présentées :

pour Supreme Fuels Trading Fze, Supreme Fuels GmbH & Co KG, Supreme Site Services GmbH, par Mes J. van de Velden, G. van der Bend et B. Korthals Altes-van Dijk, advocaten,

pour Supreme Headquarters Allied Powers Europe, par Me G. den Dekker, advocaat, ainsi que par Mes D. Waelbroeck, D. Slater et I. Antypas, avocats,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et M. A. M. de Ree ainsi que par M. J. Hoogveld, en qualité d’agents,

pour le gouvernement belge, par Mmes C. Pochet et C. Van Lul ainsi que par M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hellénique, par Mmes V. Karra, S. Papaioannou et S. Charitaki, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. A. Grumetto, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement autrichien, par Mme J. Schmoll et M. F. Koppensteiner, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. R. Troosters et Mme M. Heller, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 avril 2020,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 24, point 5, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure opposant Supreme Site Services GmbH, établie en Suisse, Supreme Fuels GmbH & Co KG, établie en Allemagne, et Supreme Fuels Trading Fze, établie aux Émirats arabes unis (ci–après, ensemble, les « sociétés Supreme ») au Supreme Headquarters Allied Powers Europe (ci-après le « SHAPE »), établi en Belgique, au sujet de la mainlevée d’une saisie-arrêt conservatoire.

Le cadre juridique

Le droit international

3

Aux termes del’article I, sous a), du protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord, signé à Paris le 28 août 1952 (ci–après le « protocole de Paris ») :

« Par “Convention”, on entend la Convention signée à Londres le 19 juin 1951 par les États parties au Traité de l’Atlantique Nord sur le statut de leurs forces ».

4

L’article XI du protocole de Paris prévoit :

« 1.

Sous réserve des dispositions de l’article 8 de la Convention, un quartier général suprême peut ester en justice, tant en demandant qu’en défendant. Toutefois, il pourra être convenu entre le quartier général suprême ou tout quartier général interallié subordonné autorisé par lui, d’une part, et l’État de séjour, d’autre part, que ce dernier lui sera subrogé devant les tribunaux de cet État pour l’exercice des actions auxquelles le quartier général sera partie.

2.

Aucune mesure d’exécution ou tendant soit à l’appréhension, soit à la description de biens ou fonds, ne peut être prise contre un quartier général interallié, si ce n’est aux fins définies au paragraphe 6 a. de l’article 7 et à l’article 13 de la Convention. »

Le droit de l’Union

5

Les considérants 10, 34 et 36 du règlement no 1215/2012 énoncent :

« (10)

Il est important d’inclure dans le champ d’application matériel du présent règlement l’essentiel de la matière civile et commerciale, à l’exception de certaines matières bien définies, [...]

[...]

(34)

Pour assurer la continuité nécessaire entre la convention [de Bruxelles, du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32)], le règlement (CE) no 44/2001 [du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1),] et le présent règlement, il convient de prévoir des dispositions transitoires. La même continuité doit être assurée en ce qui concerne l’interprétation par la Cour de justice de l’Union européenne de la convention de Bruxelles de 1968 et des règlements qui la remplacent.

[...]

(36)

Sans préjudice des obligations des États membres au titre des traités, le présent règlement devrait être sans incidence sur l’application des conventions et accords bilatéraux conclus entre un État tiers et un État membre avant la date d’entrée en vigueur du règlement (CE) no 44/2001 qui portent sur des matières régies par le présent règlement. »

6

L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement prévoit :

« Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). »

7

L’article 4, paragraphe 1, du même règlement est ainsi libellé :

« Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

8

Aux termes de l’article 24, point 5, du règlement no 1215/2012 :

« Sont seules compétentes les juridictions ci-après d’un État membre, sans considération de domicile des parties :

[...]

5)

en matière d’exécution des décisions, les juridictions de l’État membre du lieu de l’exécution. »

9

L’article 35 de ce règlement prévoit :

« Les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d’un État membre peuvent être demandées aux juridictions de cet État, même si les juridictions d’un autre État membre sont compétentes pour connaître du fond. »

10

L’article 73, paragraphe 3, dudit règlement énonce :

« Le présent règlement n’affecte pas l’application des conventions et accords bilatéraux conclus entre un État tiers et un État membre avant la date d’entrée en vigueur du règlement (CE) no 44/2001 qui portent sur des matières régies par le présent règlement. »

Le droit néerlandais

11

L’article 700 du Nederlandse Wetboek van Burgerlijke Rechtsvordering (code de procédure civile néerlandais, ci-après le « code de procédure civile ») dispose :

« 1) La pratique d’une saisie conservatoire nécessite l’autorisation du juge des référés du tribunal dans le ressort duquel se trouvent un ou plusieurs des biens concernés et, si la saisie ne porte pas sur des biens, du tribunal dans le ressort duquel est domicilié le débiteur ou la personne ou l’une des personnes au titre de laquelle est effectuée la saisie.

2) L’autorisation est demandée par la voie d’une requête dans laquelle sont indiquées la nature de la saisie à pratiquer, ainsi que la nature du droit invoqué par le requérant et, dans l’hypothèse où ce droit est une créance pécuniaire, également le montant ou, si celui-ci n’a pas encore été déterminé, son montant maximal, sous réserve des exigences spécifiques imposées par la loi pour le type de saisie concernée. Le juge des référés rend sa décision après un examen sommaire. [...]

[...] »

12

Aux termes de l’article 705, paragraphe 1, du code de procédure civile :

« Le juge des référés ayant autorisé la saisie peut, par voie de référé, annuler la saisie à la demande de tout intéressé, sous réserve de la compétence du juge de droit commun. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13

Le SHAPE est une organisation internationale établie à Mons (Belgique) en vertu du protocole de Paris. Un quartier général régional, à savoir l’Allied Joint Force Command Brunssum (commandement des forces interarmées Brunssum, ci-après le « JFCB »), placé sous l’autorité du SHAPE, est établi à Brunssum (Pays-Bas).

14

Par résolution du 20 décembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies a autorisé la création de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ci-après la « FIAS ») afin de renforcer la sécurité en Afghanistan.

15

L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a assumé, à partir du 11 août...

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